27.4.12



Bernard Delvaille en 1995

Lecture du (très beau) Journal de Bernard Delvaille dont les trois tomes ont été publiés en 2001 aux éditions de La Table Ronde. Le 2 octobre 1974, il évoque une rencontre avec Philippe Soupault :

"Déjeuné avec Philippe Soupault dans un restaurant de l'avenue de la Tour-Maubourg. Il aime bien le vin blanc et fume des cigarettes anglaises. Il a conservé une prodigieuse mémoire, bourrée d'anecdotes. Il me parle tour à tour de Rigaut et de Crevel, d'Apollinaire et d'Aragon. Je l'interroge sur la rédaction des Champs magnétiques et sur sa découverte des Chants de Maldoror, dans une librairie de médecine rue Monsieur-le-Prince, je crois, tout à fait par hasard. Nous décidons de faire une série d'entretiens radiophoniques sur son oeuvre personnelle et sur le surréalisme. Il est grand; son chapeau mou est cabossé; il ne se sépare pas de son parapluie."

On peut entendre des extraits de ces entretiens dans le documentaire "Portrait au revolver, Jacques Rigaut" de Stéphane Bonnefoi diffusé sur France Culture le 24 avril dernier. Le podcast du documentaire est disponible quelques jours sur le site de la radio, mais également à l'écoute en streaming durant 500 jours!

9.4.12

SAVE THE DATE



Portrait au revolver, Jacques Rigaut (écrivain dadaïste, 1898-1929)

FRANCE CULTURE mardi 24 avril 2012 - 23:00




Un documentaire de Stéphane Bonnefoi, réalisé par Céline Ters
Avec Grégoire Leprince-Ringuet, Daniel Darc, Jean-Luc Bitton
Et la voix de Philippe Soupault et de Louis Malle



« Tant que je n’aurai pas surmonté le goût du plaisir,
je serai sensible au vertige du suicide, je le sais bien » - J.R.


Ceci n’est pas un portrait. Encore moins un hommage. Mais une résurrection comme un coup de feu. De ceux qui jalonnèrent la vie de l’écrivain Jacques Rigaut.
Le feu de la première guerre. L’emprise violente de Dada. Le corps à corps fugitif avec l’écriture. Le vertige du suicide.
Jacques Rigaut n’a vécu que 30 ans, mais il a laissé sur ses contemporains, et bien au-delà, un souvenir aussi entêtant que son obsession méticuleuse pour le suicide.
Maître des aphorismes, des récits sacrifiés, Rigaut a écrit comme il a vécu : sans espoir du lendemain.
A l’âge de 23 ans, il cesse de publier ses textes.
D’ailleurs, Rigaut n’a pas écrit, il a raturé sur le vif : « penser est une besogne de pauvres, une misérable revanche. Il n’y a pas 36 façons de penser ; penser, c’est considérer la mort et prendre une décision ». Une décision que Rigaut a prise depuis longtemps…
A 24 ans, Rigaut se jette contre un miroir pour tenter de faire corps avec son double. De ce fracas, naîtra Lord Patchogue : l’homme qui « criait son propre nom lorsqu’il faisait l’amour, comme pour en frapper son adversaire, comme une seconde manière de jeter sa semence ».
Le 6 novembre 1929, après une dernière nuit blanche, il se tire une balle dans le cœur. En pur dandy qu’il fût (« le plus beau et le mieux habillé de Dada », selon Man Ray – avec qui il tourna le cinépoème Emak Bakia), Rigaut a posé le canon du revolver contre son cœur, après s’être servi d’une règle pour être certain de ne pas le manquer. Il a posé un drap de caoutchouc pour ne pas abîmer le matelas, et un oreiller pour amortir le son de la détonation. Il s’agissait surtout de ne pas rater son suicide. Rigaut avait 30 ans.

« Je serai un grand mort », avait-il écrit.

Breton, Drieu la Rochelle, Soupault, Eluard, lui consacrèrent maints récits ou témoignages, jusqu’au Feu follet que Louis Malle adapta au cinéma en 1963, et qui narre les derniers jours de la vie de ce « Chamfort noir ».

Ceci n’est pas un portrait. Mais un rendez-vous programmé avec la mort.

Avec :

* Lecture des aphorismes et des écrits de Jacques Rigaut par le comédien Grégoire Leprince-Ringuet et d’Adieu à Gonzague de Drieu la Rochelle par le chanteur Daniel Darc, grand admirateur de l’écrivain.

* Bande son du film de Louis Malle

* Archives Ina de Philippe Soupault et de Louis Malle

* Visite à Jacques Rigaut au cimetière de Montmartre avec Jean-Luc Bitton, biographe de Rigaut (et de Lord Patchogue…)

6.4.12

J-14


Rigaut et Drieu devant leur maison à Guéthary

Bernard Morlino, biographe de Berl et de Soupault évoque sur son blog l'entrée des oeuvres de Drieu dans la Pléiade.

"A l’occasion de l’entrée des romans de Pierre Drieu La Rochelle dans La Pléiade, chez Gallimard. La polémique sera au rendez-vous: pour ou contre ? Par son suicide, Drieu s’est lui-même condamné. Après avoir déjà publié son Journal (1939-1945)- qui comporte plusieurs passages d’une grande bassesse - Gallimard publie une partie de l’oeuvre romanesque qui mérite qu’on s’y arrête. Une partie de Drieu m’écoeure mais je n’arrive pas à le détester totalement car on ne peut pas classer la période de l’Occupation en deux parties, avec les bons et les méchants. A la Libération, beaucoup d’écrivains se sont confectionnés une panoplie littéraire sur mesure. Loin d’être un héros, comme le trop injustement méconnu Jean Prévost, Drieu n’a pas cessé de nous livrer toutes ses contradictions. C’est néanmoins le contraire d’un imposteur. Désespéré chronique. Excessif en tout.

“Qu’on soit pour ou contre, l’entrée de Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945) dans La Pléiade est un événement. Bien sûr, il s’agit du romancier, cet académicien du malheur. Les écrits antisémites de l’ancien pronazi sont absents de l’édition papier Bible. Ses errements politiques font encore ombrage à son œuvre. Ici, je tente un portrait de Drieu et je ne parle pas de son oeuvre romanesque alors que d’habitude je me m’en tiens pour l’essentiel au livre, mais je tiens à être juste envers Drieu. Je m’attends à ce qu’on écrive encore pas mal d’âneries à son sujet.
Et si les éditions Gallimard avaient une dette envers Drieu ? En effet, l’écrivain dirigea la NRF lors de l’épisode le plus noir de la célèbre institution, entre décembre 1940 et le printemps 1943. La présence de Drieu dans les locaux de la rue Sébastien-Bottin permit à Gaston Gallimard de faire tourner la boutique alors qu’auparavant il fut question de nommer un administrateur allemand. Le 21 juin 1940, Drieu écrit dans son Journal: “Quand à la NRF, elle va ramper à mes pieds. Cet amas de Juifs, de pédérastes, de surréalistes timides, de pions francs-maçons va se convulser misérablement". Six mois plus tard, il publiait le premier numéro de la revue où ne pouvait plus signer Benjamin Crémieux qui mourra à Buchenwald : le chroniqueur régulier de chez Gallimard n’avait jamais été un fervent de Drieu qui voyait dans l’hitlérisme un rempart pour lutter contre «les ravages que déchaîneraient un conflit final sur le sol de l’Europe entre l’Amérique et la Russie ». Le 1er janvier 1943, Drieu, directeur-gérant de la NRF, écrit dans la revue : «Je n’ai vu d’autres recours que dans le génie de Hitler». Tâche à la fois débile et indélébile. Sous son règne le sigle NRF signifiait Nouvelle Revue Fasciste… Comme il croyait que l’Allemagne nazie était en train de construire les Etats-Unis d’Europe, il misa sur la case du nazisme. Jusqu’à sa mort, Drieu ne cessa pas d’être un foyer de contradictions, égaré dans tous les courants politiques possibles, disant tout et son contraire.
A l’inverse de Gaston Gallimard qui ne fit pas la Première Guerre mondiale, Drieu est un ancien soldat de la boucherie de 1914-1918. «Si Drieu et moi n’avions pas été traumatisés par la guerre, il est évident que nous aurions consacré tout notre temps à écrire des romans au lieu de nous épuiser à trouver des solutions politiques» m’a dit son ami Emmanuel Berl avec la sincérité qui le caractérisait. Quand je l’ai questionné sur Drieu sous l’Occupation, il me confia sans l’ombre d’une hésitation : «C’est lui qui sauva la NRF ! Sans Drieu, l’empire Gallimard risquait de s’effondrer pour toujours». L’audience culturelle de la NRF était si grande que tout Paris répétait une phrase attribuée à l’ambassadeur allemand Otto Abetz : «Il y a trois puissances en France : le communisme, les grandes banques et la NRF ». La revue faisait la pluie et le beau temps dans le monde littéraire depuis sa création en 1909, sous l’impulsion d’André Gide. Drieu fut pris entre deux feux : d’un côté Gaston Gallimard avait besoin de lui pour maintenir vivante la NRF; de l’autre Otto Abetz se servait de Drieu pour diffuser la peste nazie par le biais d’une diffusion de prestige. Aux différents sommaires de la revue collaborationniste, on note les présences de : Jouhandeau, Chardonne, Ramon Fernandez, Morand, Léautaud … mais aussi de Giono, Aymé, Audiberti, Armand Robin, Henri Thomas et Fargue. Drieu fit cette remarque : «Je suis loin de croire que « Fontaine » et « Poésie 41, 42 » aient présenté des sommaires plus importants que les nôtres. (…) Toute une nouvelle génération de poètes s’est levée dans la NRF (…) Certains m’ont reproché de faire de la politique dans la revue. J’aime mieux ceux qui me haïssent pour y avoir fait une certaine politique». Présent dans la livraison de la NRF de février 1941, Paul Eluard fut, à la Libération, sans pitié pour le perdant.
Eternel insatisfait, Drieu ne se réjouit pas longtemps de prendre la place de Jean Paulhan : « La revue, la collaboration, tout cela m’embête (…) Je suis excédé par le rôle qui me faut tenir jusqu’au bout. J’ai souvent envie de me suicider tout de suite », note-t-il dans son Journal, le 17 décembre 1942. Le mois suivant, il tente un examen de conscience : « Ai-je eu tort, ai-je eu raison de me lancer dans cette petite entreprise ? J’ai certes eu tort à l’égard de moi-même (…) Le propre d’un écrivain est d’écrire et non de s’occuper de l’écriture des autres». Berl avait bien raison de dire qu’ils avaient été détournés de l’essentiel en raison de l’actualité qui devenait trop vite de l’Histoire. La NRF cessa de paraître en juin 1943 alors que Drieu s’en était déjà détournée deux mois auparavant.
La décision de pouvoir lire la prose de Drieu dans la plus prestigieuse collection Gallimard n’a pas été prise à la légère: dans un passé pas si lointain dès qu’on évoquait la pléiadisation possible de l’auteur de « Rêveuse bourgeoisie », on se ravisait aussitôt afin de ne pas heurter, par exemple, la susceptibilité d’Hervé Bazin qui espérait voir son œuvre connaître les honneurs de La Pléiade. Avec le temps, on finit par récompenser celui qui porta un temps à bout de bras la maison Gallimard. A la fin de la guerre, les écrivains du bon côté frappèrent d’interdiction la NRF mais ne réclamèrent aucune sanction contre son éditeur qui pouvait toujours éditer leurs livres. Le Comité National des Ecrivains, composé à majorité de communistes, dressa une liste noire où figurait Drieu qui se suicida le 15 mars 1945, après deux tentatives ratées: «Ma mort est un sacrifice librement consenti qui m’évitera quelques salissures, certaines faiblesses ». Berl et Malraux avaient essayé de le localiser pour l’aider, en vain. Gaston Gallimard assista aux obsèques, à Neuilly, alors que Drieu ne le souhaitait pas. L’éditeur savait ce qu’il devait au disparu sans connaître ce que confia beaucoup plus tard le lieutenant Gerhard Heller, chargé de la censure dans la France occupée: «Drieu m’a demandé de veiller à ce qu’il n’arrive jamais rien à Malraux, Paulhan, Gaston Gallimard et Aragon… » Quand la demande ne fut pas respectée, Drieu intervint pour faire libérer Jean Paulhan. Proférer des horreurs sur sa première femme, Colette Jéramec, ne l’empêcha pas de l’extirper de Drancy. Drieu n’a pas pris soin de ses proches pour plaider ensuite le double jeu. Persuadé de finir en prison ou d’être condamné à la peine capitale, le samouraï de la NRF se supprima. Sa mort violente et celle de Brasillach (fusillé) permirent à Céline, Chardonne et Jouhandeau de mourir dans leur lit.”

-Romans, récits, nouvelles
De Pierre Drieu La Rochelle
Sous la direction de Jean-François Louette, avec Julien Hervier, Hélène Baty-Delalande et Nathalie Piégay-Gros
La Pléiade, Gallimard, 1936 p., 65, 50 € jusqu’au 31/08/2012, puis 72, 50 €. MISE EN VENTE le 20 AVRIL 2012

10.3.12

des feux follets



Manuscrit du roman Le Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle

Journée rigaltienne. Rendez-vous avec Stéphane Bonnefoi ( journaliste, producteur et biographe de Marc Bernard) sur la tombe de JR dans le cadre d'un enregistrement pour France Culture. Le gardien du cimetière Montmartre nous refuse d'abord l'entrée avec le Nagra pour une rocambolesque histoire d'ayant droit. Céline Ters la chargée de réalisation réussit à convaincre par téléphone une responsable des lieux, l'entretien se réalisera tout de même sous la surveillance d'un gardien. Rigaut devait ricaner dans sa dernière demeure. L'émission sera diffusée sur France Culture le mardi 24 avril prochain à 23H, avec des extraits des Ecrits de Rigaut lus par le comédien Grégoire Leprince-Ringuet, et Adieu à Gonzague de Drieu lu par Daniel Darc. Save the date! Je passe du cimetière Montmartre au MK2 Hautefeuille pour voir le film "Oslo, 31 août", adaptation cinématographique du Feu follet de Drieu par le cinéaste norvégien Joachim Trier, sacré défi de passer après Louis Malle... Le réalisateur norvégien relève haut la main ce défi, son film est aussi bouleversant(et anxiogène) que celui de Louis Malle. Une mention spéciale pour l'acteur Anders Danielsen Lie qui tient le rôle d'Alain Leroy/Jacques Rigaut, magistrale interprétation égale à celle de Maurice Ronet en 1963.

8.3.12

"Rendez-vous dans le jardin de l'église"


Visite du groupe dada à Saint-Julien-le-Pauvre, avril 1921,
collection Timothy Baum

Jacques Rigaut était présent ce jour-là, la preuve par l'image... Saurez-vous le trouver? Remerciements à Fabrice Lefaix.

29.2.12

Le Feu follet version norvégienne



Anders Danielsen Lie dans Oslo, 31 août


En salles le 29 février, Oslo, 31 août, deuxième film du norvégien Joachim Trier, est librement adapté du roman de Drieu La Rochelle.

Déjà adapté en 1963 par Louis Malle avec Maurice Ronet dans le rôle principal, Le feu follet de Pierre Drieu la Rochelle revient sous la direction du jeune cinéaste norvégien Joachim Trier, pour son deuxième long métrage Oslo 31 août, présenté dans la sélection officielle « Un certain Regard » à Cannes en mai dernier.

A la différence de Louis Malle qui en avait fait un héros alcoolique, Anders, le personnage de Joachim Trier, dont on devine qu’il est écrivain raté, est comme celui de Drieu la Rochelle toxicomane. Grand amoureux de littérature, citant Rilke, Anders sera engagé par un éditeur, Folio, où il deviendra secrétaire de rédaction avant de sombrer dans une mélancolie sans issue.

Publié au début des années 30, Le feu follet raconte les dernières heures d’un dandy déchu en pleine crise existentielle dont la seule issue est le suicide. Le personnage est inspiré de la vie du poète surréaliste Jacques Rigaut, qui avait imaginé la création d'une Agence générale du suicide, titre d'un de ses recueils posthumes.

Disponible chez Folio, Le feu follet de Pierre Drieu La Rochelle est regroupé le 5 avril avec une sélection de Récits, romans et nouvelles dans la bibliothèque de La Pléiade.

(Source : LIVRESHEBDO.fr)

Les critiques saluent cette nouvelle adaptation du roman de Drieu :

Le Monde

Culturopoing.com


Télérama

Artistikrezo.com

Les Echos

Libération







27.2.12

24.2.12

La Valise vide empléiadée


Drieu par Man Ray

C'est officiel, l'oeuvre romanesque de Drieu la Rochelle entre dans la mythique Pléiade dont La Valise vide (nouvelle jamais rééditée dans son intégralité) et Le Feu follet. Une consécration littéraire qui exaspère certains et qui réjouit d'autres. Parution, avril 2012.

23.2.12

Rigaut par Josset

Portrait de Jacques Rigaut par Josset en illustration d'un article de Frantz-André Burguet paru dans Le Magazine Littéraire N° 39 (avril 1970), rubrique "Le livre du mois", à l'occasion de la publication des Ecrits de Rigaut par Martin Kay chez Gallimard. Si quelqu'un possède des infos sur ce dessinateur, je suis preneur.

19.1.12

Madame Vichy


"Étoile sans lumière" 1946, Mila Parely, Marcel Herrand

L'actrice Mila Parely vient de disparaître à l'âge de 94 ans. Lors de mes recherches sur le comédien Marcel Herrand (ami de Rigaut), on m'avait conseillé de la rencontrer. Entre-temps, j'avais eu d'autres sources d'informations et avais délaissé la piste de la comédienne recluse à Vichy. Je le regrette aujourd'hui, tant la disparition de ces actrices oubliées, qui ont fait les beaux jours du cinéma français, me touche. Je me souviens avec émotion de ma conversation téléphonique avec Jacqueline Porel, fille de Jacques Porel, un ami intime de Rigaut. Je n'ai jamais osé la rappeler pour lui demander un rendez-vous.




12.1.12

SCHNOCK N° 2



p.175 Le Schnock des photos : « Rigaut & Man Ray » par Jean-Luc Bitton

5.1.12

Des nouvelles de Daniel (Bis Repetita Placent)



"Si. Je trainais avec des gens d’extrême droite. Même si je suis d’extrême gauche. Enfin j’étais… L’époque du punk, les gens s’en font une idée super cool, mais c’était pas du tout ça. Il y avait de tout, et ça se barrait dans tous les sens. Ce qui fait que tu pouvais très bien parler avec un maoïste et cinq minutes plus tard, avec un nazi. Et puis on se connaissait tous. C’est ce qui a pu se passer au Etats-Unis au tout début du bop ou même en France à Saint-Germain-des-Prés. Il y avait un truc à essayer, fallait le faire, on s’en foutait de ce qui se passait. C’est étrange. Je crois qu’avec Drieu, c’est ce qui s’est passé, d’ailleurs. Mais c’est surtout Jacques Rigaud [sic], pour moi. Comme pour Le Grand Jeu. C’est une revue avec Daumal, Roger Gilbert-Lecomte. Pour moi, ils ont un rôle assez proche de celui de Jacques Rigaud [sic], là-dedans. Daumal est plus articulé… Il y a ceux qui arrivent à s’adapter et puis les autres. C’est assez darwinien comme truc, en fait. Je sais plus ce que je voulais dire. C’est bien, parce que ça me touche, en fait… Ah oui, si, Drieu. Je l’ai connu par un mec d’extrême droite. Non, en plus c’est pas vrai, je me fais une sorte de légende, là. Je l’ai connu parce que je lisais. Mais la littérature est plus intéressante, pour moi, à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche… [...] C’est comme courir un marathon. Moi, je fais du 100 mètres. C’est aussi lié à un mec que Miossec cite pas mal, qui est Henri Calet. Je l’ai découvert, et j’ai eu l’impression de lire Céline, mais sans la haine. Et ça fait du bien. Céline, petit nerveux, un peu. Il y a toute la beauté du monde à portée de main, mais il va pas aller voir, il a trop peur et il va rester à fixer le sol en disant : « Enculé de Juif, enculé de Juif ». Il y a Rigaud [sic] aussi. Dans Le Feu-Follet, il a une chance de s’en sortir, mais il ne s’en sort pas. Je pense que si Rigaud [sic] avait pu écrire, il s’en serait sorti. Mais je ne pense pas qu’il faille privilégier ceux qui n’y arrivent pas, même si j’ai tendance à le laisser entendre, des fois. Il faut arriver à faire son truc. Mais peut-être que je suis né pour décevoir."


L'intégralité de l'interview de Daniel Darc dans HARTZINE

2.1.12

La difficulté



"Un soir, Axler prit la parole, n'ayant pas connu, réalisait-il, un public aussi nombreux depuis qu'il avait renoncé à monter sur scène. "Le suicide, leur dit-il, c'est le rôle que vous écrivez pour vous-même. Vous l'habitez ou vous le jouez. Tout est mis en scène avec soin - où on vous trouvera, et comment on vous trouvera." Puis il ajouta : "Mais il n'y aura qu'une représentation." (...) Au cinéma, les gens passent leur temps à tuer, mais la raison pour laquelle on fait ces films, c'est que 99,9 % des spectateurs sont incapables de passer à l'acte. Et si c'est si difficile de tuer quelqu'un, quelqu'un que vous avez toutes les raisons du monde de vouloir détruire, imaginez la difficulté de réussir à se tuer soi-même."

(Philippe Roth, Le rabaissement, Gallimard, septembre 2011)

31.12.11

Le dernier post


Jean-Jacques Lévêque dans les années 70

C’est avec tristesse que j’ai appris la disparition de l’historien d’art et écrivain Jean-Jacques Lévêque (1931-2011) dont je lisais avec un plaisir chaque fois renouvelé les chroniques érudites et élégantes qu’il publiait sur son passionnant blog « Tribune autour de l’art et de la littérature ». Jean-Jacques Lévêque a été emporté par une crise cardiaque le 5 décembre dernier à l’âge de 80 ans. Ses filles soulignent qu’il était « très fier de son blog » et qu’il « lui a permis de continuer son activité d'auteur, d'amoureux de l'art, et de partager ses curiosités avec vous tous. » Ancien élève de l’Ecole du Louvre, Jean-Jacques Lévêque désirait être archéologue, devint critique d’art, libraire et galeriste. Auteur prolixe (sa bibliographie au catalogue de la BNF comporte 122 notices), il publia de nombreux essais et monographies sur des écrivains et artistes (Antonin Artaud, Piranèse, Caillebotte, Madame de Sévigné, ainsi que la plupart des impressionnistes), mais également sur les périodes phares de l’art moderne dont celle des Années Folles. Il collabora aussi à de nombreuses revues d’art, journaux et magazines (Arts, Nouvelles Littéraires, Quotidien de Paris, Quotidien du médecin, Figaro, Cimaise, NRF), fut chroniqueur pour France Culture et publia deux romans au Mercure de France : Tentative pour un itinéraire et L’aménagement du territoire. Dans les années 80, il sera directeur littéraire aux éditions Pierre Horay où il publia lui-même des essais sur la ville de Paris. Par ailleurs, Jean-Jacques Lévêque était un lecteur assidu du blog Rigaut, il consacrera sur son blog quatre chroniques à l’auteur de Lord Patchogue. Dans son livre Le triomphe de l’art moderne, Les années folles, 1918-1939, paru en 1992 aux éditions ACR, il rédigera un article sur la mort de Jacques Rigaut : « Au terme d’une vie bancale, où la mondanité côtoie la solitude, l’alcool et la drogue les belles manières, et le luxe canaille la politesse des bars cosmopolites, Jacques Rigaut se tue d’une balle dans le cœur. De cliniques en pensions de famille, il avait abouti au terme d’une lente déchéance de l’âme et du corps prématurément usé par l’alcool, la vie nocturne et tous les plaisirs dispensés par une vie libre et mondaine, dans le creuset sombre et romantique de la Vallée aux Loups où flotte un air « d’ailleurs », et d’un autre temps, avec le fantôme de Chateaubriand pour les plus imaginatifs, parce que celui-ci y planta les arbres de son parc au terme d’une vie dont le brillant ne cache pas l’exaltation angoissée. Rigaut à l’ombre croisée d’un grand poète, lui qui ne sut y parvenir, et d’un dandy, lui qui s’y abîma de force et de fatalité. » Le 4 décembre, veille de sa mort, Jean-Jacques Lévêque consacra son dernier post intitulé « Eluard le temps de l’amour » à un poème de Paul Eluard dédié à Nush, l’égérie et femme du poète.



« 16h35 - Rigaut posthume -
Dandy oui, et le suicide pour destin. C'est l'histoire de Jacques Rigaut, personnage emblématique de la mythologie surréaliste. Il a peu écrit, mais intensément, dans l'absolue nécessité de "se dire" (mais aussi de manifester une dose d'humour exemplaire). C'est toute la question de l'écriture. Elle ne peut se résumer à se raconter quand c'est dans la banalité de ce que vit toute personne qui n'a que son destin en main et une mesure banale de la vie.
Elle peut toutefois sortir celui qui la pratique de ses angoisses. Celui qui écrit brise la glace qui l'enserre dit, quelque part Kafka, pour se trouver. Il faut que l'écriture de l'intime soit aussi celle de l'exceptionnel et d'une qualité qui est aussi celle de l'art. Une écriture qui colle à la vie de celui qui en fait un usage comme s'il s'agissait d'une arme. On le sait, l'écriture peut être une arme, elle est aussi un destin.
Pour en savoir plus sur Rigaut, aller à : rigaut.blogspot.com dont est extrait la photo montrant Rigaut en compagnie de Tristan Tzara et André Breton. » (Jean-Jacques Lévêque, post du 27 juillet 2009)


29.12.11

Une descente sans retour


Ukrainia, coal mines in Donbass, 1500 meters
in the underground by Arsen Savadov

"Délire subjectif, dites-vous. ou bien fiction interminable : nous inventons nos archives autant que l'auteur s'invente, s'invente comme un geste, une manière, un style sur quoi il met son nom, s'il le veut, mais qui toujours fait signe vers plus ancien, plus enfoui, plus archaïque. Vers ce que l'archive au singulier ouvre à travers le pluriel des archives : un souterrain le long duquel les documents lentement se fondent dans les parois de ce boyau qui descend plus profond dans la terre. L'archiviste devient mineur, puis spéléologue. Il passe des siphons, descend des puits sur de minces échelles de corde, une lampe fixée sur le front et dont la lumière vacille. Parfois sur une paroi se fait voir un dessin, une encoche, et parfois c'est l'archiviste qui inscrit ses propres traces, celles de son enquête, à moins qu'il ne devienne lui-même le témoin osseux d'une descente sans retour. Un autre viendra demander : qu'est-il arrivé? qu'avait-il trouvé? d'où lui était venue passion si pénétrante?"

(Jean-Luc Nancy, Où cela s'est-il passé?, IMEC éditions, novembre 2011)

23.12.11

Le deuxième oeil



Vincent Maisonobe m'envoie ce document étonnant : une version de l'Oeil cacodylate réalisée par Delaunay. On retrouve entre autres Jacques Rigaut parmi les signataires. Une reproduction de cette oeuvre a été publiée dans la revue "Der Sturm", dernière publication de Dada à Paris, imprimée à Berlin en mars 1922. Selon Fabrice Lefaix, l'exégète de l'Oeil de Picabia, si la graphie diffère pour chaque signature, il s'agirait d'un signataire unique qui s'est amusé à signer pour tous. Joyeuses fêtes à toutes et à tous.

19.12.11

Les Fumées de New York



Le 6 juillet 1923, Rigaut a probablement assisté à la désastreuse soirée du "Coeur à barbe" qui marque la scission définitive entre dadaïsme et surréalisme. Lors de cette soirée, plusieurs films ont été projetés dont "Les Fumées de New York" de Charles Sheeeler et Paul Strand. Pour J.R., il s'agit là d'un avant-goût de sa vie future outre-Atlantique. On imagine facilement sa fascination devant les images impressionnistes du film.

25.11.11

Des nouvelles de Daniel




A 8 minutes 40 secondes, Daniel évoque Jacques Rigaut. Merci à Olivier Stup pour m'avoir signalé cet entretien.