29.10.14

Dolhéance

Michel Ohl (5 décembre 1946 - 20 octobre 2014)

" (...) Michel Ohl a aussi des parrains parmi « les suicidés de la société » tels Arthur Cravan, Jacques Vaché, René Crevel, André Frédérique, Jacques Rigaut (« Il ne s'est jamais rien passé ; c'est une maladie de la mémoire ») et d'autres, plus paisibles, comme Renan, Larbaud, Borges, Arland, Paulhan, Gide, Schwob pour ne pas redire Pia et Sigaux ou encore Albert Thibaudet, Jean Pommier, René Dumesnil, Kléber Haedens, Jean Gaulmier, Hubert Juin... La caste de ceux qui ont tout lu est la sienne. (...)" (Louis Nucéra, Mes ports d'attache, Grasset, 1994). La suite ICI

14.10.14

Automne


Nous avions lu avec intérêt les deux premiers livres d'Oscar Coop-Phane. En 2012, nous étions au café de Flore pour le féliciter d'avoir remporté le prix germanopratin avec Zénith-Hôtel publié chez Finitude. Les agapes s'étaient prolongées au Zelda, un bar de la rue Bichat où le jeune auteur (24 ans à l'époque) officiait comme barman. Il nous avait confié qu'il préparait une adaptation contemporaine du roman de Drieu, Le Feu follet. Nous l'avions encouragé dans ce projet louable mais risqué. Le temps est passé, Oscar a quitté Paris pour Londres, puis Bruxelles. Nous avions oublié, quand les éditions Finitude ont eu l'amabilité de nous faire parvenir un exemplaire d'Octobre, avec son facétieux achevé d'imprimer : "C'est à la fin de l'été deux mille quatorze que "Octobre" a été achevé d'imprimer par l'imprimerie Floch à Mayenne, comme pour annoncer que la fête était finie." Il est curieux de constater que tout ce qui touche de très près à Jacques Rigaut, relève du miraculeux. Drieu a écrit son meilleur roman avec Le Feu follet, Louis Malle a réalisé son plus beau film, comme Joachim Trier avec son Oslo, 31 aout, autre adaptation cinématographique remarquable du roman éponyme de Drieu, et enfin Oscar Coop-Phane avec Octobre a réussi la gageure de revisiter le roman de Drieu sans être vampirisé par l'œuvre originale. C'est son livre le plus ambitieux et le plus abouti. Le plus touchant aussi. Le personnage principal d'Octobre s'appelle Jacques, un velléitaire et aboulique qui traîne son désœuvrement dans les rues de Paris. Un Jacques Rigaut bovien qui dérive dans une ville froide et déshumanisée. Jacques tente en vain d'écrire un traité du désespoir, de trouver une rédemption dans l'écriture. Il retourne alors s'asseoir aux terrasses des cafés pour regarder les autre vivre. Son esprit vagabonde dans la nostalgie des moments heureux et insouciants : cette maison à Majorque, à l'ombre des vignes suspendues, l'odeur des citronniers du jardin au soleil couchant, la chaleur d'un été qui ne finit jamais. Ce bonheur obsolète disparaît pour laisser la place à une chambre froide et humide où Jacques vit reclus, entouré de ses collections de babioles qui n'arrivent plus à combler ce vide qui se creuse en lui. Après une nuit d'un sommeil réparateur, une douche, une chemise blanche, un costume, un petit-déjeuner consistant, puis allongé sur le lit, le regard au plafond. Quelques frissons et c'est terminé.

Extrait : "Jacques avait voulu la gloire, les chambres des palaces, les plus belles femmes, les liasses et les lingots que l'on planque dans les coffres, derrière des tableaux. S'extraire de l'humanité en la surplombant. Puisque l'on s'emmerdait ferme dans la vie, la solution devait être ailleurs, dans les hautes sphères, quand le Ruinart vous colle à la peau, que les jambes des filles s'allongent à en crever. Ce n'était pas un fantasme de richesse, plutôt quelque chose d'aristocratique jusque dans la déchéance."