29.4.05

Des nouvelles de Mireille



"C'est un peu déprimant et excitant à la fois. L'ensemble de ses pensées forme une sorte de substrat assez triste, assez mélancolique. On sait qu'elle a très peu d'années à vivre, qu'elle n'arrivera pas à faire une oeuvre ni à vivre de sa plume d'écrivain, alors qu'elle le méritait. C'est excitant parce que c'est un beau texte, c'est la découverte d'un auteur. Sans compter que je suis très touchée de ce qu'elle décrit du Paris des années 20. J'ai l'impression d'y être. Je vais voir les bains douches de la rue d'Odessa parce qu'elle y va un jour pour se délasser d'une nuit pleine de turpitudes et d'opium et qu'elle en ressort neuve. Je trouve que c'est un sentiment extraordinaire. Ma vie est changée par l'intérêt que je prends, non seulement à ce qu'elle est, à ce qu'elle raconte mais aussi au Paris qu'elle décrit. Je suis également allée voir la Riviera. Avec la description qu'elle en donne, on s'aperçoit combien c'est actuellement différent. (...) j'ai mis des appels de notes à tous les endroits qu'il fallait expliquer ou élucider. On a commencé par le plus simple, les notes bibliographiques puis on s'est attelé aux notices biographiques. Ce qui est assez compliqué car les gens dont parle Mireille Havet ne sont pas toujours connus ou ont à peine écrit. Quand il s'agit de comédiennes, de danseuses ou de demi-mondaines, il faut feuilleter sans fin les revues de cette période pour trouver une trace. C'est vraiment une enquête, une immersion, un travail assez monacal qui demande rigueur et méthode. C'est aussi très plaisant. Quand j'ai travaillé sur la période de Capri, j'ai lu de nombreux documents sur cette ville et notamment une biographie du Baron de Fersen écrite par Roger Peyrefitte qui m'a passionnée et qui m'a permis de faire des connections avec les textes de Mireille Havet. On prend plaisir à des lectures tout à fait improbables. Dans les tomes suivants, il est question de lieux de villégiature assez célèbres, des endroits incroyables qui à cette époque étaient réservés à une intelligentsia raffinée, totalement décadente. Et on trouve des documents, des témoignages qui permettent de reconstituer... (...) On se complète très bien : Dominique Tiry, c'est la lecture et l'intuition, Pierre Plateau et sa famille font des recherches sur Internet et dans les registres d'état civil, et moi à la Bibliothèque Nationale. Dominique Tiry trouve des numéros de téléphone et demande à brûle pourpoint si la grand-mère n'a pas eu une relation avec Mireille Havet. Parfois, cela provoque de belles rencontres. Par exemple, nous avons récemment fait la connaissance de Monsieur Lionel Follet qui s'occupe d'une dame ayant connu Mireille Havet. Le mari de cette dame qui a été un amoureux de Mireille Havet quand celle-ci avait 16 ans, l'a portraituré. Lionel Follet a retrouvé ce portrait qui date de 1924 quinze jours après l'impression de ce volume. Je le mettrai donc dans le prochain tome. On a si peu de photos d'elle que toute découverte est magnifique."

Extraits d'un entretien de Nathalie Jungerman avec Claire Paulhan à propos de son travail d'édition du Journal de Mireille Havet. J'y retrouve des similitudes avec mon propre travail dans la méthodologie et le ressenti mais également des concordances frappantes, que j'ai mentionnées précédemment, avec le parcours biographique de J.R.

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