27.4.08
Place rase
Récemment, j'avais été surpris qu'un ami chercheur ne connaisse pas le "Talvart & Place", une très précieuse bible pour les historiens littéraires que cette Bibliographie des auteurs modernes de langue française (1801 - 1975) en 22 tomes! Pour chaque auteur, on trouve une biographie, l'oeuvre et les critiques. Un gigantesque travail réalisé par deux illustres inconnus : Hector Talvart et Joseph Place. En 1974, le descendant de Joseph crée sa maison : les éditions Jean-Michel Place. Spécialiste de la réimpression de revues dadaïstes et surréalistes, Jean-Michel Place rééditera la fameuse revue La Révolution surréaliste dont il vendra 13 000 exemplaires. Une réédition épuisée qui se vend aujourd'hui sur le Net à des prix prohibitifs. Jean-Michel Place rééditera également les 22 tomes de la bibliographie de son aïeu. J'ai souvent rêvé d'avoir ces tomes dans ma bibliothèque mais à 76 € l'exemplaire, c'est un achat au-dessus de mes moyens. Peut-être faut-il voir dans ces prix élevés, l'une des raisons du dépot de bilan d'aujourd'hui? car malheureusement les éditions Jean-Michel Place sont en liquidation judiciaire. Une faillite annoncée (j'avais signé en 2005 une pétition pour "sauver" la maison) qui entraînera une trentaine de licenciements. Il est difficile de croire à la disparition définitive d'une telle maison d'édition tant son fonds (plus de 1000 titres) est d'une richesse inestimable. Que s'est-il passé? Mauvaise gestion? Désaccord avec les partenaires? En 2006, lors du vernissage de l'exposition Oscar Dominguez, j'avais rencontré Jean-Michel Place et lui avais dit tout le bien que je pensais de son travail éditorial. Chaleureux, ne pratiquant pas la langue de bois, Jean-Michel Place m'avait dressé non sans humour un sombre portrait du "milieu" avec quelques phrases assassines pour certains collectionneurs et libraires d'ancien. Les mêmes probablement qui aujourd'hui doivent se réjouir de cette disparition avec la liquidation du fonds qui l'accompagne. Le petit commerce peut reprendre.
Un des derniers "dinosaures" de l'édition française est en passe de disparaître. Après bien des péripéties, dont un dépôt de bilan en 2003, suivi d'un plan de continuation, Jean-Michel Place est contraint à l'abandon. "Ce sont plus de trente ans de travail qui partent en fumée en l'espace de trois mois", soupire-t-il. Le 24 avril, le tribunal de commerce de Paris devait prononcer la liquidation judiciaire de l'entreprise, en cessation de paiements depuis le 29 janvier. Cela va entraîner près de trente licenciements. Dans sa vie professionnelle, Jean-Michel Place a eu deux fils conducteurs : les revues et l'édition. Depuis 1998, il s'était spécialisé dans l'architecture, en reprenant les deux revues qui font autorité sur le sujet, Techniques & Architectures et L'Architecture aujourd'hui. Celles-ci paraissaient de manière alternée, tous les deux mois. Depuis janvier, aucun numéro n'est sorti.
En novembre 2007, Jean-Michel Place avait trouvé un acheteur. La société Abvent, dirigée par Xavier Soule et spécialisée dans les logiciels d'architecture, avait accepté de reprendre les deux revues, moyennant la somme de 453 000 euros. Cela devait permettre à Jean-Michel Place de poursuivre son activité d'édition de livres et d'annuaires, notamment celui des notaires. Le retrait de Xavier Soule a tout fait capoter.
Jean-Michel Place s'était fait connaître, en 1973, en publiant une Bibliographie des revues et journaux littéraires des XIXe et XXe siècles. Dans la foulée, il avait aussi réédité les principales revues surréalistes et d'avant-garde des années 1930. Ensuite, il a publié différentes revues dans le secteur de l'ethnologie, de l'anthropologie, du cinéma, de la génétique textuelle : Gradhiva, Genesis, Positif, pendant dix ans, Vertigo. L'architecture "servait de faîte à l'ensemble", explique-t-il.
Sa maison comprend aussi un catalogue de près de 1 000 titres. Parmi les plus récents, un Dictionnaire des jardins et paysages, de Philippe Thébaud, mais aussi les fac-similés de la revue Gaceta de arte parue de 1932 à 1936. C'est la fin d'une aventure éditoriale où cohabitaient des champs littéraires et artistiques extrêmement variés.
Source : Le Monde du 25 avril 2008
24.4.08
Sites toxiques
Question : vous avez une vague envie de vous supprimer, Internet va-t-il vous y aider ou vous en dissuader ? Selon une étude (contestée) qui vient de paraître dans le British Medical Journal (1), la réponse est : plutôt vous y aider.
Les épidémiologistes et psychologues britanniques ont relevé trois observations : le réseau est devenu la principale source d’infos du suicidaire ; la plupart des requêtes se font via une simple combinaison de mots-clés entrée dans un moteur de recherche ; les utilisateurs vont rarement voir au-delà de la première page de résultats. Ils ont analysé les dix premiers résultats renvoyés par chacun des quatre principaux moteurs utilisés en Grande Bretagne (Google, Yahoo, MSN et Ask), après y avoir entré une douzaine de requêtes type : «suicide», «méthodes de suicide», «suicide sans douleur», etc. Soit au total 48 recherches renvoyant des liens vers 480 sites.
Promotion. L’expérience était simple, le tri des résultats beaucoup moins. Au terme d’un fastidieux travail d’analyse et de classification, les chercheurs ont établi les choses suivantes. Environ la moitié des sites répertoriés donne des informations plus ou moins précises sur les méthodes de suicides. Un cinquième (90) sont des sites spécialisés sur le sujet, la moitié d’entre eux faisant la promotion du suicide ou facilitant le passage à l’acte, selon les auteurs de l’article. 44 autres sites donnent des informations purement factuelles, présentées avec un ton neutre ou ironique. Les sites dédiés à la prévention du suicide sont au nombre de 62, et ceux qui le condamnent fermement au nombre de 59, etc.
Facteur important dans l’analyse : le rang auquel les liens s’affichent dans les pages de résultats. Il apparaît que les sites de prévention arrivent rarement parmi les premiers. Enfin, dans les forums et tchats, il est intéressant de se pencher sur la manière dont sont conduits les échanges entre ceux qui veulent en finir et ceux qui tentent, plus ou moins adroitement, de les en dissuader.
Optimisation. De tout cela, les chercheurs britanniques concluent qu’à défaut de réguler le contenu du Web, il serait plus judicieux d’utiliser des méthodes d’optimisation afin de faire remonter les sites de prévention en haut des résultats de recherche. Le fait que les moteurs renvoient des listes de liens assez différentes les unes des autres n’a d’ailleurs pas que des raisons techniques : il est clair que les sites vraiment toxiques sont éliminés par les opérateurs eux-mêmes.
Les chercheurs britanniques sont toutefois bien obligés de noter que le taux de suicide chez les 15-34 ans (les plus gros utilisateurs du Net) a baissé en Angleterre depuis le milieu des années 90, parallèlement à l’explosion du réseau. Hypothèse : les cas où Internet aurait facilité un suicide seraient finalement moins nombreux que ceux où il a joué un rôle de prévention. Malgré les «pactes suicidaires» qui ont récemment occupé les rubriques «faits divers» de manière spectaculaire. Et malgré l’apparent désordre du réseau.
Edouard Launet
(1) : BMJ du 12 avril. www.bmj.com/cgi/content/full/336/7648/800
Source : Libération du 24 avril 2008
20.4.08
16.4.08
Lectures
Soirée littéraire la semaine dernière chez Emmanuelle Retaillaud-Bajac, à l'occasion de la parution de sa biographie de Mireille Havet, amie et complice des nuits blanches de J.R. Un tir éditorial groupé puisque l'éditrice Claire Paulhan publie simultanément le troisième tome du monumental "Journal" de celle qu'Apollinaire appelait la "petite poyétesse". Chez Gallimard, paraît un texte (plus ou moins) inédit de Drieu, autre ami de J.R. et pour d'autres raisons, une confession éclairante de l'homme couvert de femmes à propos des marasmes de sa sexualité.
12.4.08
Des nouvelles de Daniel (4)
Concert de Daniel Darc, hier soir, à Genève. Pendant qu'il chante "Nijinsky", il lance au public : "Je vais vous donner trois bonnes raisons d'aller au cimetière Montmartre : Nijinsky, mon père Abraham Rozoum et Jacques Rigaut"
6.4.08
Emmanuel & Jacques
En 1994, j'avais demandé à Peter Handke s'il voulait bien préfacer la biographie d'Emmanuel Bove. Il avait accepté au dernier moment, quelques jours avant que le livre ne parte chez l'imprimeur, en m'envoyant une longue lettre écrite sur le vif, après la lecture du tapuscrit que je lui avais envoyé. Quand je doute, je relis cette préface. Handke est resté fidèle à Bove comme on peut le lire dans le dernier supplément Livres de Libération dont les pages littéraires, dirait-on, s'améliorent...Philippe Lançon
«Le premier que j’ai traduit est Emmanuel Bove, il y a trente ans. Je revenais d’Alaska, j’avais fini Lent Retour, je retournais en Autriche et je ne pouvais plus écrire. C’était une pause d’angoisse. Je trouve scandaleux d’écrire, je ne comprends pas que ce ne soit pas un problème. C’est un sacrilège et, parfois, je suis un criminel heureux. Je ne pouvais plus écrire, mais je ne voulais pas abandonner les mots, leur rythme, la chaleur qui est à leur place, et, en Autriche, j’avais besoin de lire dans une langue étrangère. J’ai commencé par lire mot à mot les présocratiques. Puis Luc Bondy m’a fait découvrir Emmanuel Bove. Le traduire était un vrai match de foot : Emmanuel Bove était le joueur principal et moi je l’aidais à jouer dans l’autre camp, en langue allemande. Le premier texte était Bécon-les-Bruyères. Il décrit les alentours de la gare, simplement cette gare de banlieue, et c’est incroyable. On n’a vraiment pas besoin de Gabriel Garcia Marquez (1) ! De lui, j’ai également traduit Mes amis et Armand."
(1) De Gabriel Garcia Marquez, évoquant les dictateurs et même les dirigeants de l’Otan que le Colombien a imaginés ou décrits, Peter Handke dit : «Dans chacun de ses livres, le protagoniste est soit un homme puissant, soit un puissant déchu - et lui, l’écrivain, y est toujours plus ou moins lié, il veut être avec les puissants. […] Que cet écrivain, qui est un bon écrivain, fasse de pareils crétins les héros d’une histoire, pour moi c’est tout simplement un sacrilège.»
Source : Libération du jeudi 3 avril 2008
1.4.08
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