Des nouvelles de l'Agence Générale du Suicide suisse
Tour de vis en vue pour le suicide assisté
Le Conseil fédéral met en circulation deux propositions alternatives: réglementer l’activité des organisations d’aide au suicide ou interdire purement et simplement ces dernières. Dans la première hypothèse, des certificats médicaux seraient exigés et seules les personnes en fin de vie pourraient être aidées.
La gestation a été longue, l’accouchement est abrupt. Le Conseil fédéral met en consultation un projet de réglementation de l’assistance au suicide qui place d’emblée les associations spécialisées sur les pattes de derrière. Deux variantes sont envisagées: une réglementation de leurs activités. Ou leur interdiction pure et simple.
La première solution a, a précisé Eveline Widmer-Schlumpf, la préférence du Conseil fédéral. Ou plutôt de sa majorité: c’est sur le souhait de certains de ses membres que la seconde a été mise en circulation. Mais, assure-t-elle, Pascal Couchepin, qui n’a pas caché ses réticences, répétant hier encore que l’assistance au suicide est «un projet de mort» quand il «préfère les projets de vie», s’est rallié à l’ordre des priorités de la majorité.
Quoi qu’il en soit, seule la première proposition semble avoir des chances de réunir une majorité en procédure de consultation, au point qu’on peut se demander si la seconde n’est pas avant tout là pour faire passer une pilule particulièrement robuste.
Règles de bonne conduite pour le suicide assisté
Seule l’association Exit est prête à signer un texte détaillé, qui définit notamment les personnes qui peuvent prétendre à ses services. Le canton de Zurich espère par cette démarche accélérer les travaux pour une loi fédérale sur l’aide au suicide. Selon la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, la procédure de consultation devrait être ouverte d’ici à l’automne
Le canton de Zurich, qui appelle de ses vœux depuis longtemps une loi fédérale, fait un premier pas pour tenter de régler l’assistance au suicide. Une convention devrait être bientôt signée entre l’association Exit, qui n’offre ses services qu’à des personnes vivant en Suisse, et le procureur général du canton. Dignitas, l’association de Ludwig Minelli régulièrement accusée de pratiquer un tourisme de la mort, n’est pas de la partie.
Ce document, dont la NZZ am Sonntag a publié des extraits, fixe de manière très détaillée des règles de conduite pour accompagner une personne désireuse de mettre fin à ses jours. Elaboré par le procureur général Andreas Brunner, il se veut un moyen d’assurer des standards minimums de qualité.
Entretiens approfondis
Seize paragraphes sont consacrés à la définition des personnes qui peuvent prétendre aux services d’Exit. Les personnes qui ont recours à l’aide au suicide doivent être capables de discernement, capacité que les médecins impliqués et Exit doivent établir sur la base de plusieurs entretiens approfondis, étalés sur plusieurs semaines. La procédure peut, en cas d’urgence, être raccourcie. Le désir de mourir doit être justifié par des souffrances dues à une grave maladie. Les malades n’ont toutefois pas besoin d’être au seuil de la mort. «La définition de maladie est à prendre dans un sens large et comprend aussi des souffrances dues à un accident ou à un handicap lourd», prévoit notamment l’article 4 cité par la NZZ am Sonntag. Les personnes souffrant de troubles psychiques ne sont pas exclues, même si «une extrême retenue» est recommandée.
Douze «suicides» par an
Pour l’assistance même, la convention prescrit que deux personnes au moins doivent être présentes, dont un accompagnateur d’Exit. Ceux-ci ne devraient pas accompagner plus de douze suicides par année, pour «éviter la routine». Leur dédommagement ne peut pas excéder 500 francs par cas. Le dosage de la substance qui conduit à la mort est aussi fixé: 15 grammes de natrium pentobarbital.
Des règles ont également été fixées pour la police, qui doit venir constater la mort. Il lui est demandé de faire preuve de retenue, et d’éviter d’arriver avec plus de deux hommes sur les lieux. Le collaborateur d’Exit doit remettre un dossier qui résume toutes les étapes jusqu’à la décision finale.
Le Département zurichois de la justice, qui a supervisé la démarche, confirme que le texte est prêt, mais ne veut pas s’exprimer sur son contenu. «C’est une solution transitoire. Le conseil d’Etat zurichois reste favorable à une réglementation fédérale. Cette convention n’a pas la prétention de tout régler de manière optimale», explique Michael Rüegg, porte-parole du Département cantonal de justice. La convention, qui ne s’applique qu’aux cas zurichois de suicides assistés, n’est en effet pas contraignante. Le canton ne dispose pas non plus de mécanismes de contrôle. Le gouvernement zurichois avait ouvert, il y a deux ans, la discussion avec Exit et Dignitas. Cette dernière organisation, qui a toujours refusé de publier ses comptes, s’est vite retirée des négociations. Elle aurait refusé notamment de limiter à douze par année le nombre de suicides par assistant.
Interdiction pas exclue
Exit, sceptique dans un premier temps, est entre-temps prête à signer cette convention. Alors qu’une interdiction des associations d’aide au suicide n’est pas à exclure dans une future loi fédérale, elle veut probablement faire preuve de sa bonne volonté. Selon son président Hans Wehrli, cet accord ne va rien changer à son travail. «Le papier documente notre pratique actuelle», a-t-il déclaré à la NZZ am Sonntag.
Dans le SonntagsBlick, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf a répété son intention d’ouvrir d’ici à l’automne la procédure de consultation pour une loi fédérale sur le suicide assisté. Même si elle n’est pas favorable à titre personnel à une interdiction, elle compte présenter deux variantes: une interdiction totale et une réglementation qui mette notamment des garde-fous aux procédures accélérées pour des personnes en provenance de l’étranger «On pourrait par exemple exiger deux expertises indépendantes», a-t-elle déclaré.
Couchepin était opposé
La démission de Pascal Couchepin permettra peut-être de faire avancer le dossier. Selon la NZZ am Sonntag, le ministre de la Santé est un farouche partisan de l’interdiction totale des associations d’aide au suicide. Il n’a aucune compréhension non plus pour la convention zurichoise élaborée sous la houlette du conseiller d’Etat socialiste Markus Notter.
n’y a toutefois pas de front radical en faveur d’une interdiction des associations Exit et Dignitas, comme le suggère la NZZ am Sonntag. Le radical zurichois Thomas Heiniger, directeur du Département de la santé, est opposé pour des motifs formels à une convention, car il ne revient pas à l’Etat de conclure un contrat avec des associations privées, précise lundi son porte-parole. D’autant plus que la Direction de la santé doit assurer la surveillance des médecins qui exercent dans le canton. Mais Thomas Heiniger ne veut pas interdire le suicide assisté. Il se retrouve sur la même ligne que son collègue socialiste pour réclamer une loi fédérale qui règle la procédure.
Réglementer l’assistance organisée au suicide
Le Conseil fédéral envoie deux options en consultation
Berne. Le Conseil fédéral entend réglementer explicitement l’assistance organisée au suicide et propose à cette fin deux options de modification du droit pénal : la première consiste à fixer clairement dans le code pénal des devoirs de diligence imposés aux collaborateurs des organisations d’assistance au suicide, la seconde, à interdire l’activité de ces organisations. Il a envoyé ces deux options de modification du code pénal en consultation ce mercredi, accompagnées d’un rapport explicatif. La consultation durera jusqu’au 1er mars 2010.
Le Conseil fédéral n’entend pas toucher à la règlementation actuelle libérale qui autorise l’assistance au suicide lorsque celle-ci ne se fonde pas sur un mobile égoïste. Constatant cependant que les organisations actives dans ce domaine débordent de plus en plus du cadre légal et se soustraient parfois aux mécanismes de contrôle instaurés par l’Etat et par les règles déontologiques, il estime nécessaire de mettre en place des garde-fous et des restrictions. Il s’agit d’empêcher que l’assistance organisée au suicide ne se transforme en une activité orientée vers le profit et de s’assurer qu’elle demeure réservée à des malades en fin de vie et reste inaccessible à des personnes souffrant d’une affection chronique ou psychique. Le suicide doit être la dernière issue, la préservation de la vie humaine demeurant au premier plan. Tant le domaine des soins palliatifs que celui de la prévention du suicide offrent d’autres voies.
Option 1 : devoirs de diligence stricts
Le projet qui a la priorité pour le Conseil fédéral prévoit de compléter les art. 115 du code pénal (CP) et 119 du code pénal militaire (CPM), dont la teneur est identique, par des devoirs de diligence. Les points essentiels de cette option sont les suivants :
Volonté librement émise et persistante
Les collaborateurs des organisations d’assistance au suicide pourront aider une personne à mettre fin à ses jours, sans encourir de peine, s’ils ont respecté toutes les conditions fixées par cette disposition. En premier lieu, il sera nécessaire que le suicidant ait émis librement sa volonté de mourir et que sa décision soit mûrement réfléchie. Cette exigence vise à éviter des décisions impulsives et précipitées.
Deux avis médicaux
Deux médecins indépendants de l’organisation devront attester l’un que le suicidant est capable de discernement, l’autre qu’il est atteint d’une maladie physique incurable dont l’issue sera fatale à brève échéance. Il sera donc exclu que l’organisation aide à se suicider une personne atteinte d’une maladie chronique qui ne mène pas à la mort ou d’une affection psychique. Les soins palliatifs, englobant traitement médical, accompagnement et soutien, doivent permettre à ces personnes de continuer à vivre dans la dignité.
But non lucratif
Celui qui accompagne le suicidant devra en outre lui présenter les autres solutions possibles et en discuter avec lui. Le médicament utilisé pour amener la mort sera prescrit par un médecin, ce qui présuppose que ce dernier pose un diagnostic et une indication, en vertu des devoirs et de l’éthique professionnels du corps médical. L’accompagnateur ne devra pas poursuivre un but lucratif, c’est-à-dire qu’il lui sera interdit d’accepter une contre-prestation excédant la couverture des frais occasionnés par sa prestation. Cette condition garantit qu’il n’agit pas pour des motifs égoïstes et qu’il place au premier plan la volonté d’aider la personne désireuse de mourir. L’organisation d’assistance au suicide et ses collaborateurs devront enfin établir une documentation complète sur chaque cas, afin de faciliter une éventuelle enquête des autorités de poursuite pénale.
Le Conseil fédéral est convaincu que ces devoirs de diligence empêcheront les dérives et les abus dans le domaine de l’assistance organisée au suicide et endigueront le « tourisme de la mort ».
Option 2 : interdiction de l’assistance organisée au suicide
Le Conseil fédéral propose cependant en parallèle un projet d’interdiction de l’assistance organisée au suicide. Cette option repose sur l’idée qu’une personne agissant dans le cadre d’une organisation ne peut être mue par des motifs purement altruistes ni développer une proximité suffisante avec la personne qui désire se suicider.
SOURCE : LETEMPS.CH 29 octobre 2009