17.9.11
"Je cherche M. Rigaud."
De tous les livres de la rentrée littéraire 2011, je n'en retiendrai qu'un seul paru en 1990 : Voyage de noces de Patrick Modiano. L'élève de Raymond Queneau est une valeur sûre auprès de laquelle on trouve du réconfort à l'instar d'un vieil ami qu'on avait pas vu depuis des lustres. Voyage de noces fait partie de ces livres qu'on savoure lentement, de ces livres qu'on aimerait sans fin. Ce roman raconte la quête obsessionnelle de Jean B. au sujet d'Ingrid Teyrsen, une femme qu'il a connue dans un passé flou et dont il apprend presque par hasard le suicide des années plus tard. Ingrid était mariée à un certain Rigaud... Le biographe d'Ingrid décide alors d'organiser sa propre disparition, quittant sa famille et ses amis pour vivre dans des quartiers périphériques de Paris. Jean B. ressemble étrangement à Charles Benesteau, le personnage principal du roman Le Pressentiment d'Emmanuel Bove. Modiano a probablement lu Bove, mais a-t-il pensé à Jacques Rigaut quand il a écrit ce magnifique roman?
Extrait :
"Je marchais vers la brasserie de l'avenue Daumesnil où j'avais décidé de dîner pour changer mes habitudes. Je me suis mis à penser à Rigaud. Je savais d'avance qu'il ne cesserait d'occuper mon esprit le lendemain et les autres jours. S'il était vivant à Paris, il suffisait de prendre le métro et de lui rendre visite, ou même de composer sur un cadran de téléphone huit chiffres pour entendre sa voix. Mais je ne croyais pas que cela fût aussi simple. Après le dîner, je suis allé consulter dans la cabine téléphoniqe de la brasserie l'annuaire de Paris. Il datait de huit ans. J'ai relu avec une plus grande attention que je ne l'avais fait la première fois la longue liste des Rigaud. Je me suis arrêté sur un Rigaud dont le prénom n'était pas mentionné. 20, boulevard Soult. 307-75-28. Les numéros de téléphone, cette année-là, ne comportaient encore que sept chiffres. 307, c'était l'ancien indicatif DORIAN. J'ai noté l'adresse et le numéro."