1.6.12
Des nouvelles de l'AGS
"Switzerland is a country where very few things begin, but many things end." (F. Scott Fitzgerald)
Les habitants du canton de Vaud en Suisse voteront le 17 juin prochain sur l’initiative « assistance au suicide en EMS » proposé par "l'Agence Générale du Suicide" EXIT et sur le contre-projet de l'Etat.
Initiative EXIT : «Les EMS qui bénéficient de subventions publiques doivent accepter la tenue d'une assistance au suicide dans leur établissement pour leurs résidents qui en font la demande à une association pour le droit de mourir dans la dignité ou à leur médecin traitant en accord avec l’art. 115 du code pénal suisse et l’art. 34 alinéa 2 de la Constitution vaudoise»
L'EMS c'est quoi ? Un Etablissement Médico-Social (EMS) est un lieu de vie médicalisé offrant des prestations sociales, hôtelières, de soins et d’animation. Il peut s’agir, soit d’une institution autonome, soit d’une division d’un hôpital, destinée à l’hébergement de personnes ayant besoin de soins chroniques.
La loi : En 2011, l'euthanasie active n'est légale que dans trois pays : les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Le suicide assisté est légal en Suisse ainsi que dans les Etats américains de l'Oregon et de Washington. Cependant, nombre de pays interdisant l'euthanasie active, dont la France, ont légalisé l'arrêt des traitements à la demande du patient, interdit l'acharnement thérapeutique et institué des initiatives d'accompagnement des patients en fin de vie.
France vs Suisse
Les Suisses ont la chance de pouvoir choisir leur fin de vie. En France, l'hypocrisie règne, les familles et les patients sont tributaires du bon vouloir des établissements hospitaliers sans être égaux devant la mort. Des infirmières pratiquent une euthanasie passive en catimini dans la douleur et la culpabilité, parfois ce sont les familles elles-mêmes qui sont obligés d'abréger les souffrances de leur parent. La France devrait suivre l'exemple de la Suisse : proposer un référendum sur le sujet.
Un patient se donne la mort en attendant Exit PAYERNE (VD) — Un homme de 84 ans voulait mourir avec Exit. Mais il n’a pas eu la force d’attendre tous les documents médicaux obligatoires et s’est jeté de la fenêtre de l’hôpital.
C’est le drame d’un homme qui a contacté Exit pour obtenir une assistance au suicide alors qu’il était déjà au bout de ses forces. Tellement exténué qu’il a choisi de ne pas attendre que tous les documents administratifs obligatoires arrivent. Dans la nuit du 14 au 15 mars dernier, vers minuit et quart, cet homme de 84 ans, souffrant d’une grave maladie pulmonaire irréversible, s’est jeté de la fenêtre de sa chambre de l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB) à Payerne (VD). Il est tombé du 3e étage et a fait une chute mortelle d’une dizaine de mètres. Son fils, Alexandre Destraz, 37 ans, prof de physique et de chimie, a souhaité comprendre ce qui a mené à cette issue fatale précipitée: «Je l’ai aidé dans ses démarches auprès d’Exit, notamment pour écrire sa lettre manuscrite. Il souffrait beaucoup. Il avait peur de l’amputation et de l’étouffement. J’ai eu une très longue discussion avec lui, comme jamais, de l’ordre de la passion qui existe entre un fils et son père. Il voulait mourir, ce désir grandissait chaque jour et j’ai l’impression que l’hôpital n’a pas tout fait pour accélérer les processus administratifs.»
Il manquait une seule pièce
En clair, il manquait une seule pièce au dossier de René Destraz: un avis médical qui certifiait qu’il était en pleine possession de ses capacités de discernement pour choisir une assistance au suicide. «Et nous n’avons pas pu l’obtenir. J’ai eu l’impression qu’il y avait un blocage.» René Destraz a daté sa demande écrite de suicide assisté du 13 mars, Exit l’a reçue le 15 mars, le jour de son décès. Car épuisé, l’homme a préféré en finir lui-même. Le Dr Charly Bulliard, doyen du collège des médecins du HIB, indique que toute l’équipe médicale a été fortement marquée par ce drame. «Mais c’est notre rôle, dans les cas de demande d’assistance au suicide, de bien différencier le désir réel de mourir d’un symptôme de détresse. Et ce processus prend du temps, il ne peut se faire en deux jours.» Le Dr Xavier Dégallier, médecin adjoint au HIB, complète: «Ce patient est rentré à l’hôpital mi-février et son projet Exit a été mûri en dix jours seulement. Il était donc de notre devoir de procéder à une évaluation psychiatrique. Cette dernière a conclu qu’il souffrait d’un syndrome dépressif. Pour répondre à la question de sa réelle capacité de discernement, il fallait donc une autre expertise psychiatrique. Nous n’en avons pas eu le temps, puisque le patient a mis fin à ses jours. Et en qualité de médecin traitant du patient, je n’ai jamais refusé une assistance au suicide, mais la précipitation soudaine de la démarche souhaitée par le patient ne devait passer outre une évaluation spécialisée sur les symptômes dépressifs.»
«Un abus de pouvoir médical»
Un récit qui fait bondir le Dr Jérôme Sobel, président d’Exit Suisse romande: «Ce patient a subi un abus de pouvoir médical et une grève du zèle de l’équipe soignante.» Il estime que ce drame est symptomatique de la problématique qui sera soumise en votation populaire en juin prochain: «Le contre-projet de l’Etat de Vaud pour l’assistance au suicide ne permettra pas d’empêcher de tels blocages institutionnels puisque c’est le médecin traitant et le personnel soignant qui devront juger de l’admissibilité d’une demande d’assistance au suicide et cela tant dans les hôpitaux que dans les EMS. L’autodétermination des patients sera d’autant plus réduite que l’évaluation d’une demande d’assistance au suicide par une équipe soignante opposée à la démarche sera problématique quant à sa neutralité, son objectivité et son délai de réalisation.» Le Dr Xavier Dégallier réplique qu’il n’appartient pas au médecin de prendre position quant à la décision de suicide assisté d’un patient. «En revanche, il ne faut pas nier que cette problématique est difficile dans le milieu médical, car il y a une confluence de valeurs différentes et ce n’est pas un lieu de vie au même sens du terme qu’un EMS. Au HIB, nous ne sommes pas opposés à Exit, d’ailleurs il y a déjà eu un cas voici trois ans: une dame a reçu une assistance au suicide, mais elle est retournée à la maison pour le faire. C’est une évolution de la médecine que nous devons prendre en compte en protégeant impérativement toutes les parties», complète le Dr Charly Bulliard. Alexandre Destraz indique d’ailleurs que son père était prêt à retourner à la maison pour mourir avec l’aide d’Exit: «Il insistait bien sûr pour que je sois présent.» La teneur symptomatique de ce drame n’est donc niée par aucune des parties qui estiment qu’il faut améliorer les processus. Ainsi, la Commission d’éthique du HIB, fondée en 2010, qui ne s’est encore jamais réunie en plénum, va prendre l’affaire en mains. «C’est un cas qui mérite naturellement réflexion. Je vais convoquer une séance, ce sera la première», assure Pierre Aeby, son président, auquel «Le Matin Dimanche» a appris le drame. Le personnel médical a également suivi des séances de débriefing sur cet événement tragique. Nadia Marchon, infirmière-chef générale adjointe au HIB, précise: «C’est un drame qui laisse des traces. Des infirmières m’ont confié qu’elles y repensent à chaque fois qu’elles pénètrent dans cette chambre.» Voici la lettre de René Destraz, datée du 13 mars dernier, tenue ici par son fils Alexandre, par laquelle il demande l’assistance d’Exit pour se suicider.
(Le Matin) 24.03.2012