22.6.15

Essayez, si vous le pouvez, d’arrêter une femme qui voyage avec son suicide à la boutonnière.

« Laura », 24 ans, sera euthanasiée cet été. Elle est en excellente santé[sic]


La Belgique est en train de devenir folle. Et ceux qui prévenaient, lorsqu'elle adoptait l’une des premières lois d’euthanasie au monde, qu’elle s’engageait sur une pente glissante qui l’enfonce de plus en plus loin dans l’horreur voient leurs avertissements confirmés. La dernière histoire en date est contée par le quotidien belge De Morgen, qui a rencontré « Laura », 24 ans, candidate à l’euthanasie. Elle est en excellente santé physique. De nombreux amis l’entourent. Elle apprécie de sortir – au théâtre notamment – et elle aime le bon café. Sa vie prendra fin cet été. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas envie de vivre. Les dépressions la tourmentent : depuis trop longtemps, elle s’imagine que « vivre, ce n’est pas son truc ».

L’histoire de la jeune femme est terrible. Elle naît dans une famille qui éclatera du fait de la violence et de l’alcoolisme de son père : la séparation s’imposera en raison du danger et la petite passera beaucoup de temps chez ses grands-parents maternels, qui lui offrent sécurité, affection, structure. Malgré tout, dès la grande section, elle se demande se qu’elle fait sur terre. A six ans, elle rêve de se tuer. C’est le début d’un long tunnel, qui passera par l’automutilation, l’incompréhension, les souffrances.

Laura a besoin de croire que ce n’est pas son enfance chaotique qui lui a donné ce désir d’autodestruction : « Même si elle a contribué à ma souffrance, je suis convaincue que j’aurais eu ce désir de mort si j’avais grandi dans une famille tranquille et stable. Je n’ai tout simplement jamais voulu vivre. »

Après une scolarité difficile, marquée par les comportements autodestructeurs dont la gravité n’a pas frappé les responsables de l’école, « Laura » se lance dans le théâtre, emménage avec une amie : « J’avais tout en fait : un appartement sympa, une passion amoureuse très agréable, j’étais occupée à plein temps par le théâtre ». La voilà donc au sein d’une relation homosexuelle qu’elle lâche après s’être disputée avec son amie en raison de sa dépression.

A ce moment-là un psychiatre la met au défi de se faire interner, en abandonnant le théâtre. Elle se laisse convaincre et découvre une vie « lourde » : ses automutilations augmentent en intensité, elle se frappe contre les murs. Elle a l’impression d’abriter un monstre qui cherche à s’échapper de son corps. L’agressivité, la colère, la douleur ne sont en rien soignés par les psychiatres et Laura est une patiente si difficile qu’elle est régulièrement renvoyée chez elle pour que le personnel puisse souffler.

C’est à l’asile psychiatrique qu’elle rencontre « Sarah », qui organise précisément sa propre euthanasie. « Laura » est séduite : les deux femmes parlent de la mort et elle décide de réclamer elle aussi une piqûre mortelle.

Entre la demande et l’exécution, il faut compter entre un an et dix-huit mois. Laura l’a faite ; l’échéance est pour l’été. Il lui a fallu d’abord acquérir la conviction – à l’aide de sa thérapie – que son enfance n’était pas la cause de ses souffrances, mais quelque chose qu’elle porte en elle.

Poignant récit… Abîmée par la vie, par la désespérance qui la hante, par on ne sait quelles thérapies et autres pédagogies qui ont peut-être aggravé sa situation. Laura ne se supporte pas… Elle souffre d’un mal de notre temps, lié à l’identité et à l’être.

Trois médecins ont décidé qu’elle souffrait de manière insupportable et qu’elle doit pouvoir mourir.

A l’heure actuelle, Laura s’efforce d’offrir à ses proches – sa mère, ses grands-parents – le plus de présence possible. Et elle organise tout : sa mort dans le studio où elle passe deux jours par semaine, ses funérailles… « Je trouve cela agréable d’y penser. »

Elle prépare ses dernières paroles.

Voilà où mène l’autonomie du patient, poussée à l’extrême.

Voilà où mène la faillite d’un système qui ne sait plus donner de raisons de vivre.




AGENCE GÉNÉRALE DU SUICIDE 



Société reconnue d’utilité publique.
Capital : 5 000 000 de francs.
Siège principal à Paris : 73, boulevard Montparnasse.
Succursales à Lyon, Bordeaux, Marseille, Dublin, Monte-Carlo,
San Francisco.

Grâce à des dispositifs modernes, l’A.G.S. est heureuse d’annoncer à ses clients qu’elle leur procure une MORT ASSURÉE et IMMÉDIATE, ce qui ne manquera pas de séduire ceux qui ont été détournés du suicide par la crainte de « se rater ». C’est en pensant à l’élimination des désespérés, élément de contamination redoutable dans une société, que M. le ministre de l’Intérieur a bien voulu honorer notre Établissement de sa présidence d’honneur.
D’autre part, l’A.G.S. offre enfin un moyen un peu correct de quitter la vie, la mort étant de toutes les défaillances celle dont on ne s’excuse jamais. C’est ainsi qu’ont été organisés les express-enterrements : repas, défilé des amis et des relations, photographie (ou moulage du visage après la mort, au choix), remise des souvenirs, suicide, mise en bière, cérémonie religieuse (facultative), transport du cadavre au cimetière. L’A.G.S. se charge d’exécuter les dernières volontés de MM. ses clients.
NOTA. – En aucun cas, l’établissement n’étant pas assimilé à la voie publique, les cadavres ne seront transportés à la Morgue, ceci pour rassurer quelques familles.

TARIF

Électrocution…………………………………………….         200 fr.
Revolver……………………………………………………         100 fr.
Poison………………………………………………………          100 fr.
Noyade……………………………………………………..           50 fr.
Mort parfumée (taxe de luxe comprise………..  500 fr.
Pendaison. Suicide pour pauvres. (La corde est
vendue au prix de 20 fr. le mètre et 5 fr. pour 10 centi-
mètres supplémentaires.)……………………………        5 fr.


Demander le Catalogue spécial aux Express-enterrements. Pour tous renseignements s’adresser à M. J. Rigaut, Administrateur principal, 73, boulevard Montparnasse, Paris (6e). Il ne sera fait aucune réponse aux personnes exprimant le désir d’assister à un suicide.