Jacques Rigaut et Drieu la Rochelle mentionnés dans un entretien avec François Ozon sur RCF à propos de son adaptation du roman de Camus.
Dans L’Homme révolté, le philosophe de l’absurde évoque l’exemple de Rigaut pour critiquer les
surréalistes auxquels il reproche d’avoir exalté le meurtre et le suicide
par pur intellectualisme :
"Ils [les surréalistes] ont parlé du suicide comme d’une solution et
Crevel, qui estimait cette solution « la plus vraisemblablement juste
et définitive », s’est tué, comme Rigaut et Vaché. Aragon a pu stig-
matiser ensuite les bavards du suicide. Il n’empêche que célébrer
l’anéantissement, et ne point s’y précipiter avec les autres, ne fait
honneur à personne. Sur ce point, le surréalisme a gardé de la « lit-
térature », qu’il abominait, les pires facilités, et justifié le cri boule-
versant de Rigaut : « Vous êtes tous des poètes et, moi, je suis du
côté de la mort."
L’hommage de Camus à Rigaut n’est pas anodin, d’autant plus
que sa thèse conclusive de la révolte, comme moyen de dépasser
l’absurde et de s’éloigner du suicide, l’oppose radicalement à J. R.
pour qui « la révolte est une forme d’optimisme à peine moins répu-
gnante que l’optimisme courant ».
Camus paraît ému par le suicide
de Rigaut, ce geste, écrit-il, qui « se prépare dans le silence du cœur
au même titre qu’une grande œuvre. » Ému mais également décon-
certé, puisque Rigaut avait écrit que le suicide était un pis-aller et que
la vie ne valait pas qu’on se donne la peine de la quitter.
Un suicide-aveu pour Camus : « Se tuer, dans un sens, et comme au mélodrame,
c’est avouer. […] C’est seulement avouer que cela “ne vaut
pas la peine”. »
Sauf que Rigaut, contrairement à Camus, proclame
son mépris pour la vie, une superbe indifférence qui le pousse à
considérer qu’il serait même vain de vouloir mettre un terme à cette
existence." (Extrait de Jacques Rigaut, le suicidé magnifique, Gallimard, 2019)