4.7.08
Agence Générale du Suicide
Le suicide d'une septuagénaire lasse de la vie, assisté et médiatisé par un défenseur actif de l'euthanasie, suscitait mardi l'indignation en Allemagne où le parlement est saisi d'un projet de loi contre l'aide au suicide.
Bettina S., 79 ans, a mis fin à ses jours samedi à son domicile de Würzburg (ouest) en avalant une potion létale, trois verres d'un mélange de tranquillisants et de chlorure de potassium, des substances qu'elle s'était elle-même procurées.
Elle avait contacté en avril l'ancien ministre de la Justice de l'État régional de Hambourg (nord), Roger Kusch, qui dirige une association de défense de l'euthanasie.
Après plusieurs entretiens avec cette femme, M. Kusch l'a soutenue jusqu'au bout dans sa démarche.
Devant la presse, il a montré lundi une partie des vidéos tournées lors de ses entretiens avec la dame: elle y explique ses difficultés à s'occuper d'elle-même, sa crainte de finir ses jours dans une maison de retraite, dit préférer en finir dès à présent et souhaiter que les lois soient révisées pour permettre l'euthanasie.
«Je ne peux pas dire que je souffre», précise Bettina S., ancienne employée d'une clinique pédiatrique.
Sa mort a été filmée par la caméra de M. Kusch, qui, pour se protéger contre toute accusation d'euthanasie active punie par la loi allemande, n'était toutefois plus dans l'appartement au moment où la vieille dame a expiré.
L'affaire a suscité une avalanche de réactions, dans un pays que l'expérience du nazisme et de ses pratiques eugéniques a rendu extrêmement méfiant envers l'euthanasie.
Des responsables politiques, religieux et médicaux ont tiré à boulets rouges sur le «suicideur», une personnalité controversée, ancien membre de la CDU d'Angela Merkel.
À fortiori parce que M. Kusch a reconnu n'avoir rien fait pour dissuader la retraitée de se suicider. «Cela n'est pas dans ma façon de voir», a-t-il déclaré.
Au contraire, il a posé les trois verres au contenu fatal sur la table de nuit, avant de quitter l'appartement où la mort allait être filmée.
Tout comme des responsables catholiques, l'Eglise protestante a dit son «horreur» et son «incompréhension».
C'est «malade et inhumain», a estimé la ministre de la Justice de Bavière (sud), Beate Merk, tandis que le président de l'Ordre des médecins, Jörg-Dietrich Hoppe, qualifiait Roger Kusch de «cynique arrogant».
La chambre haute du parlement (Bundesrat) doit débattre vendredi d'un projet interdisant toute aide «commerciale» ou «organisée» au suicide par des associations ad hoc, telles que Dignitas en Suisse.
Ce projet, préparé bien avant l'affaire Kusch par trois Länder (Etats régionaux), la Hesse, la Sarre et la Thuringe, désormais soutenus par la Bavière et le Bade-Würtemberg, prévoit jusqu'à trois ans de prison.
«La mort ne saurait devenir une offre de services», a estimé le ministre de la Justice du Bade-Würtemberg (sud-ouest), Ulrich Goll, en dénonçant une exploitation de «la peur de souffrir».
Les initiateurs du projet de loi au Bundesrat pourraient toutefois le retirer de l'ordre du jour au dernier moment, pour le remanier, si son adoption en l'état n'était pas certaine.
M. Kusch est l'inventeur d'une «machine à se suicider» permettant d'appuyer soi-même sur un bouton pour s'administrer le contenu de deux seringues. Son association affirme avoir été contactée par une centaine de personnes intéressées par la «machine à se suicider» présentée en mars.
Source : Agence France-Presse Berlin