Le dilemme du portefeuille
Troublante mésaventure vécue à New York. Alors que nous nous engouffrons dans un taxi jaune, nous trouvons sur la banquette arrière un portefeuille bourré d'euros et de dollars. Immédiatement, le classique dilemme du portefeuille trouvé se pose à nous. Signaler cette trouvaille au chauffeur? mais que fera-t-il lui-même? la tentation de garder l'argent (nous sommes en fin de séjour et donc passablement désargentés) et de mettre les papiers dans une boîte aux lettres, etc. Un dilemme auquel les dadas seront confrontés lors d'une réunion dans un bar parisien. Desnos, entre autres, a raconté cette dispute autour de l'emploi d'un portefeuille trouvé. Selon Desnos, Rigaut voulut dépenser en boissons le contenu du portefeuille. Finalement, c'est Eluard qui rapporta le portefeuille au patron du café qui le rendit à son propriétaire, un de ses employés. Picabia accusa Breton, dans la revue 391, d'avoir volé le portefeuille. La rupture entre les dadaïstes était consommée, Breton resta longtemps fâché avec Eluard. Quant à Jacques Rigaut, il s'inspira de cette brouille pour écrire un de ses plus longs textes dans lequel un certain E.L. trouve une sacoche remplie d'argent à l'arrière d'un taxi : "Le portefeuille trouvé dans un taxi était plus qu'une image commode pour lui figurer la chance, mais une idée fixe, tellement qu'il n'y avait pas de matin qu'il ne jouât à pile ou face si la journée qui commençait allait bien être celle où il trouverait le portefeuille." (Jacques Rigaut)
Pour finir, nous avons décidé de garder avec nous le portefeuille pour le rendre à sa propriétaire, une Italienne de Gênes. Après quelques recherches on line, nous avons trouvé les coordonnées de son mari. Le dénouement est proche...