"Seuls ceux qui vont mourir savent toucher un homme s’il est vivant." (Jacques Rigaut)
"Je rentre à l’instant de
l’hôpital et, pour la première fois depuis ces dernières heures, je suis seul
avec moi-même. J’alterne entre euphorie et désespoir. Je me sens comme saoul,
assommé.
Moi qui croisait les
doigts pour ne pas devoir me faire opérer, pour ne pas devoir subir un long et
lourd traitement, je suis en partie exaucé. Le verdict est tombé : il n’y a
rien à faire. Il me reste approximativement trente jours à vivre.
J’ai 58 ans et je n’en
aurai jamais 59. Je mourrai en 2013.
Sur le trajet du retour,
mon fils m’a donné l’idée de faire un blog, de me forcer à écrire mes
impressions pour chacun des derniers jours de ma vie. Afin de les
conscientiser, de les vivre intensément, de laisser un souvenir. Et de ne pas
me réveiller un matin en me disant « plus qu’une semaine », « plus que deux
jours », « plus rien ».
Le nom de ce blog est,
bien entendu, inspiré du chef-d’œuvre de Victor Hugo qui marqua mon
adolescence. Mais il ne s’agit plus d’un pamphlet politique. Des grandes
espérances, de ma juvénile ambition de changer le monde il ne reste que trente
petits jours.
Je ne souhaite pas entrer
dans les détails concernant la maladie. Je ne souhaite pas entrer dans les
particularismes de ma vie. Et parce que le temps m’est compté, il n’y aura pas
de commentaires, pas d’adresse de contact. Du moins, de mon vivant.
Je m’excuse également par
avance auprès d’éventuels lecteurs pour les fautes de frappe qui jalonneront
certainement ces billets. Je n’ai jamais été très attentif à l’orthographe.
J’avoue que c’est à présent le cadet de mes soucis.
Je me sens désœuvré. J’ai
tant à faire avant l’échéance fatidique que je ne sais par quel bout commencer.
Les idées se bousculent dans ma tête, les cris, les pleurs, les sentiments. Je
suis spolié, victime d’une profonde injustice. Mais en même temps déjà résigné.
Au moins ce blog me donne un moyen d’action.
Je sens poindre en moi la
motivation pour faire des millions de choses. Des petites bulles d’enthousiasme
qui gonflent puis éclatent, me laissant l’amère sensation que tout cela est
vain, qu’on verra bien demain.
Hier encore, j’avais toute
la vie devant moi. Trente ou quarante années, au bas mot. Aujourd’hui trente
jours. Je pense que je ne réalise pas encore. Je dois être sous le choc.
Bon, je pense que mon fils
doit avoir créé et configuré le blog. Il m’a même créé un compte Twitter. Je
vais pouvoir poster ce premier billet.
À demain…" La suite ICI