7.12.16

Escalier C



Aujourd'hui, dans toutes les (bonnes) librairies, sortie du vingt-et-unième numéro de la revue des Vieux de 27 à 87 ans avec entre autres un spécial Michel Audiard et un dossier sur le cinéaste Jean-Charles Tacchella (Escalier C...) concocté par votre serviteur. Joyeuses Fêtes à toutes et à tous! 


18.11.16

Les perdants magnifiques


Léonard Cohen (1934-2016)


Ce vendredi 18 novembre 2016 à 23h15.

En hommage à Leonard Cohen, ARTE diffuse le documentaire musical Leonard Cohen – Bird on a wire, inédit à la télévision en France.

Le réalisateur Tony Palmer a suivi l’artiste canadien durant toute sa tournée européenne en 1972, immortalisant les concerts comme les coulisses de l’événement. En 2009, il décide de monter une nouvelle version de son documentaire. Les pellicules de 16 mm montrent l’artiste sans artifice, dans les moments les plus enflammés (des versions live de “Famous blue raincoat”, “So long, Marianne” ou “The partisan”) comme les plus routiniers de sa tournée. Véritable ode à la vie sur la route dans les seventies, le remontage final tient du poème visuel, avec une approche intimiste de l’homme et de l’artiste que fut Leonard Cohen.

Le documentaire sera également en ligne sur ARTE Concert dès le 18 novembre et restera disponible pendant 30 jours.

Source : Le Blog TV News

6.11.16

"Je serai un grand mort"

6 novembre 2016
Tombe de Jacques Rigaut à notre arrivée...




6 novembre 2016
Tombe de Jacques Rigaut juste avant notre départ...



Jacques Rigaut s'est suicidé le 6 novembre 1929 à la Vallée-aux-Loups, il y a 87 ans aujourd'hui. Le 6 novembre de chaque année, je me rends sur sa tombe pour un petit pèlerinage, la nettoyer et y déposer une rose. J'avais noté lors ma dernière visite que le bac à fleurs était désespérément vide. J'ai décidé d'y planter quelques bruyères. Aurélie Joly et Franck Chevalier qui m'accompagnaient cette année m'ont aidé à la tâche de jardinage et de nettoyage. J'en profite pour les remercier. La tombe était sale, couverte de fientes de pigeons, seules quelques fleurs en plastique déposées par une main aimable égayait l'endroit. On me demande souvent où se trouve la tombe de Lord Patchogue, raison pour laquelle je publie ci-dessus la situation exacte de la sépulture. Avant de quitter le cimetière Montmartre, nous sommes allés rendre visite à l'ami Daniel Darc qui repose à quelques mètres de la tombe de J.R. Deux frères de coeur. 




3.11.16

Work In Progress




Quelques nouvelles du chantier en cours. Le (long) chapitre 9 consacré à la période américaine de Rigaut est enfin bouclé. Le chapitre 10 commencera par le retour de Rigaut à Paris fin novembre 1928, se finira un an plus tard avec son suicide le 6 novembre 1929 à la Vallée-aux-Loups et tous les échos liés à ce suicide, dont le principal sera la parution du Feu follet de Drieu chez Gallimard en 1931. Le chapitre 10 sera le dernier chapitre avant l'épilogue. Le bout du tunnel. 





11.10.16

L'autre feu follet




ACTE 1

Le 6 novembre 1929, Jacques Rigaut se tirait une balle dans le cœur. D'aucuns dirent que l'élément déclencheur du passage à l'acte fut un télégramme envoyé par sa femme américaine.  Le 16 juillet 1982, Patrick Dewaere se tirait une balle dans la bouche devant un miroir. D'aucuns dirent que l'élément déclencheur du passage à l'acte fut un appel téléphonique de sa femme qui lui aurait dit qu'il ne reverrait plus jamais sa fille. On ne peut pas écarter  l'élément déclencheur semblable à la goutte d'eau qui fait déborder le vase, mais les vrais mobiles de celui qui "porte la main sur soi" sont souvent mystérieux pour ceux qui restent. Ces mobiles "appartiennent au monde intérieur, tortueux, contradictoire, pareil à un labyrinthe  et, la plupart du temps, impénétrable" (A. Alvarez). Et comme l'a souligné le suicidé Pavese : "On ne se tue pas par amour d'une femme. On se tue parce qu'un amour, n'importe quel amour, nous révèle dans notre nudité, misère, absence de défenses, néant." On ne saura jamais vraiment pourquoi Jacques Rigaut et Patrick Dewaere ont mis fin à leurs jours, mais les deux ont vécu comme des feux follets dont la lueur sourde nous éclaire encore aujourd'hui.  Drieu dans son roman avait raconté les dernières heures de son ami Jacques Rigaut. Enguerrand Guépy dans son dernier roman publié aux éditions du Rocher nous raconte les derniers moments du "fauve" Patrick Dewaere, qui l'a longtemps hanté comme un grand frère qui serait parti fâché sur un coup de tête. Ce beau roman Un fauve doit se lire d'une traite, comme on avale un verre d'alcool cul sec. Guépy offre au lecteur une place de premier choix aux côtés du fauve, avec lequel il va partager sa dernière journée. L'identification est réussie.  On ressent le caractère anxiogène, croissant au fil des heures, de cette journée poisseuse de juillet 1982, mais également la vacuité de cette "grande famille" du cinéma qui ne (se) doute de rien. En refermant le livre de Guépy, on se dit que Patrick Dewaere aurait été formidable dans le rôle d'Alain Leroy, il aurait peut-être même surpassé Maurice Ronet. Mais en 1963, Patrick Dewaere avait 16 ans, il interprétait au théâtre un homme qui, face à un miroir, juste avant de mourir voit défiler les événements marquants de sa vie. "Chaque miroir porte mon nom." (Jacques Rigaut)    

Extrait : "Il a eu chaud. Toute cette attention soudain focalisée sur lui, autant de faisceaux de lumière braqués sur l'évadé dans la nuit. Il a vu leurs regards comme des couteaux converger vers son visage imberbe. Leurs yeux réclamaient le sang. Mais ils n'étaient pas tout à fait sûrs de son identité. Ils se sont trop habitués à sa moustache et à ses cheveux longs. Pourtant, il y a quelque chose de si familier dans ce menton à fossette, dans cette démarche tout à la fois animale et maladive. De toute façon, ils vivent leurs derniers moments d'insouciance et ont replongé dans leurs demis. Après, il faudra entrer en désillusion et livrer le monde à l'ennemi irréductible. Ils se construiront sur des souvenirs et vivront de combats fantômes. Ils auront revêtu les habits du mensonge et se nourriront de discours où ils seront les chantres du bien."

Enguerrand Guépy, Un fauve, éditions du Rocher, octobre 2016.



ACTE 2

J'ai déjà écrit ici tout le bien que je pensais de l'écrivain franco-américain Mark Greene en évoquant entre autres son dernier roman 45 tours. Greene vient de faire paraître aux éditions Plein Jour une jolie plaquette de 94 pages, un récit intitulé Comment construire une cathédrale, dans une collection nommée les "Invraisemblables". L'éditeur présente sa maison comme le lieu de la "narrative nonfiction" française, une "exploration de la littérature du réel où l'imaginaire rencontre la vie des gens." Mark Greene ouvre le bal de ce territoire littéraire peu fréquenté en France, avec l'incroyable histoire de Justo Gallego qui s'est mis en tête de construire seul une cathédrale dans la banlieue de Madrid. L'auteur né en Espagne est missionné par ses éditeurs pour faire le récit in situ de cette folie architecturale dont le premier coup de pioche a été donné le 12 octobre 1961. Mark Greene entremêle habilement les digressions autobiographiques de son enfance madrilène et l'histoire de ce facteur Cheval hispanique qui aura consacré sa vie à une œuvre qui restera probablement inachevée. Au fil des pages, un lien improbable se tisse entre les deux hommes. Mark Greene et Justo Gallego partagent le même intérêt pour l'inutile qui devient utile, le même désenchantement du monde, et la même liberté jouissive que procure cet état. Dans les dernières lignes de ce très beau récit, Mark laisse la parole à Justo : "J'aime mieux que rien ne soit jamais fini. Comme ça, je peux y retourner."

Extrait : "Si Justo avait souhaité terminer la cathédrale, il l'aurait conçue plus petite, plus ramassée. Il aurait arrêté un plan, se serait donné des objectifs, comme les promoteurs des milliers d'immeubles qui ont poussé avant 2008, et qui forment désormais ces cités fantômes de l'Espagne contemporaine, frappée par la crise… Ces villes nouvelles, ou plutôt ces banlieues nouvelles, produite pour la classe moyenne, livrées en tranche. Achevées trop vite, trop tôt, trop efficacement, puisqu'elles dont désespérément vides, en attente d'acheteurs qui ne se présentent pas. (…) Il y a comme une compétition, un bras de fer entre la cathédrale et ces immeubles vides, sans affectation. La cathédrale était un projet absurde, conçu par un paysan, un marginal, un fou de Dieu… Un homme d'un autre temps, un pauvre type (cela revient au même).

Mark Greene, Comment construire une cathédrale, éditions Plein Jour, mai 2016.



ACTE 3

 Le fait que l'œuvre d'Emmanuel Bove soit récemment tombée dans le domaine public semble motiver les éditeurs et c'est tant mieux! En janvier 2016, les éditions Sillage publiaient Journal écrit en hiver, ce journal fictif de l'auteur sera son épithalame, à l'égal de celui de l'écrivain Jacques Chardonne, mais en plus pernicieux et cruel. Véritable prouesse littéraire, ce récit de diariste se présente comme l'étude in vitro d'un couple, le mari jouant à la fois le rôle d'initiateur et de cobaye. En février 2016, les éditions Vanloo proposaient une réédition du roman Le Pressentiment, dont le thème est le déclassement social volontaire, qui sera adapté au cinéma par Jean-Pierre Darroussin, lequel m'avait demandé d'apparaître comme figurant dans son film, comme Hitchcock le faisait dans les siens. En juin 2016, les éditions Sillage poursuivaient la réédition des œuvres boviennes en publiant Cœurs et visages, paru en 1928. Ce récit quasi cinématographique est un long travelling à travers un banquet offert par André Poitou, un honnête bourgeois, fraîchement décoré de la Légion d'honneur. C'est l'occasion pour Bove de réaliser une hallucinante galerie de portraits tout en notant les sentiments qui agitent la centaine de convives du banquet. Le livre sera bien accueilli par la critique : "Monsieur Emmanuel Bove continue de faire des livres avec tout et avec rien. Son dernier ouvrage semble une gageure et un tour de force." (L'Echo de Paris du 8 novembre 1928) Autre bonne nouvelle : les éditions de L'Arbre vengeur ont procédé à une troisième réimpression de Mes amis qui un an après sa réédition s'est écoulé à 6 500 exemplaires! Le meilleur pour la fin : le journaliste et écrivain Bernard Morlino, biographe de Philippe Soupault et d'Emmanuel Berl, vient de préfacer une réédition du roman Le Beau-fils dans laquelle il nous apprend qu'Henri Calet et Emmanuel Bove se connaissaient. Une jolie découverte qui ne surprendra pas les amateurs de Bove et de Calet.   

Extrait : "Un pantalon élimé renvoie à une âme au bout du rouleau. Les petites notations sont plus parlantes que les discours sans fin. S'il avait été artiste peintre, Bove aurait peint des bouquets de fleurs fanées. Bove n'a jamais cessé de brosser les destins ratés de gens qui ne sa savent pas se donner d'envergure. Soit parce qu'ils n'en ont pas, soit parce qu'ils ne savent pas gruger leur prochain à des fins personnelles. (…) Lors d'une halte chez un bouquiniste, j'ai déniché Adieu Fombonne, un service de presse NRF 1937. L'exemplaire comporte un envoi : "A Henri Calet, en souvenir des heures passées ensemble. Emmanuel Bove." Fine écriture à l'encre noire. Ce livre, Bove l'a écrit, Calet l'a lu."

Emmanuel Bove, Le Beau-fils, Le Castor Astral, octobre 2016.  





7.9.16

Le Feu follet


Pour ceux qui ont la chance de ne pas l'avoir encore vu, dans le cadre de la programmation de L’Étrange Festival, le cinéma Gaumont Les Fauvettes propose plusieurs projections du Feu follet de Louis Malle : dimanche 11 septembre 2016 à 20h, mercredi 14 septembre 2016 à 17h40, dimanche 18 septembre 2016 à 22h. (Merci à THTH)



"Le Feu follet reste l'un des plus beaux films du cinéma français du XXème siècle. " (Jean-Luc Bitton, "Maurice Ronet, le grand mort du cinéma français"revue Schnock, N° 5, hiver 2013)




12.7.16

Belles vacances


Cévennes


L'incipit proustien de Mark Greene, avec la main de Gérard Manset


ACTE 1

Depuis quelques années, Guillaume Daban organise des dîners dans la grande tradition dix-neuviémiste du salon littéraire et artistique. On y croise musiciens, écrivains, connus ou méconnus, mais également des lecteurs, collectionneurs et passionnés. Je ne suis pas très friand de ce qu'on appelle les dîners en ville, qui sont la plupart du temps ennuyeux et prétentieux, mais chez Guillaume Daban, la simplicité est de rigueur, ses dîners sont sans chichi ni falbala. Il y a quelques invités récurrents comme le voyageur solitaire Gérard Manset : "- Que pensez-vous de Jean-Louis Murat, Gérard? - Nos univers sont proches, mais lui est vraiment triste." Avec mon plus proche voisin de table, l'écrivain Jean-Marc Parisis, nous avons évoqué le marronnier de la déliquescence (sans fin) du monde de l'édition. Lors de ce dernier dîner, j'ai eu aussi le plaisir de retrouver un ami écrivain, Mark Greene, rencontré à l'époque de la défunte et très regrettée revue littéraire Les Episodes. Mark a publié récemment son cinquième livre chez Rivages, 45 tours, un roman savoureux autour d'un tube des années 80 qui fera le bonheur et le malheur de son compositeur. On ne peut pas ne pas aimer l'univers de Mark Greene, drôle et attachant, tendre et nostalgique, à des années lumière du cynisme ambiant. Un livre à lire allongé sur un rocher chauffé par les rayons ardents du soleil d'août au bord d'un gourg (trou d'eau) cévenol, loin de la foule des plagistes.  

Extrait : " C'était un matin de janvier, en 1985, au cours d'un hiver particulièrement froid et neigeux, un hiver d'autrefois, profond, d'un autre siècle, je revois le pull-over qu'il portait ce jour-là, pull-over irlandais et les babouches en cuir qu'il avait rapportés d'Agadir, où il avait passé Noël en compagnie de ses parents, quelques semaines plus tôt."




ACTE 2

Les essais de Bertrand Lacarelle sur Jacques Vaché (Grasset, 2005) et Arthur Cravan (Grasset, 2010) trônent dans notre bibliothèque, mais également son "Salut à Arthur Cravan" dossier hommage au poète boxeur paru dans le n° 587 de la NRF (octobre 2008), ainsi que son "Arthur Cravan est vivant !", autre dossier hommage au neveu d'Oscar Wilde, paru dans le n° 53 de la revue La Règle du jeu (octobre 2011), sans oublier son Pas maintenant ce grand et beau format publié aux éditions Cent pages (2014) qui rassemble des documents cravanesques dont les trente-cinq lettres inédites du poète aux cheveux les plus courts du monde à la journaliste Sophie Treadwell. Un autre livre de Bertrand Lacarelle vient de se glisser dans notre bibliothèque, La Taverne des ratés de l'aventure, (Pierre-Guillaume de Roux, 2015) un passionnant récit-gigogne écrit à la première personne, consacré principalement au poète lyonnais Stanislas Rodanski (1927-1981), le fil conducteur du récit, ce "surréaliste extrême" interné volontaire à 27 ans qui passera les 27 dernières années de sa vie dans un hôpital psychiatrique. En 1948, lors de leur exclusion du mouvement surréaliste, Rodanski et le poète Claude Tarnaud avaient fondé par dérision le "Club des ratés de l'aventure", comme le souligne Bertrand Lacarelle, "Les Ratés de l'aventure surréaliste sont les vrais surréalistes." Dans la Taverne de Lacarelle (dont on aimerait dénicher l'adresse), on croise quelques habitués qui nous sont familiers comme l'écrivain franco-égyptien Albert Cossery, Henri-David Thoreau l'auteur de Walden, la vie dans les bois, le critique d'art et romancier Bernard Lamarche-Vadel, le cinéaste J.F. Ossang, le vagabond Jack Kerouac, le suisse malheureux Fritz Zorn, et notre ami le feu follet Jacques Rigaut… Nous avons lu également de Bertrand Lacarelle, un très beau texte sur quelqu'un que nous apprécions particulièrement ici, Baudouin de Bodinat, texte paru récemment dans le n° 63 de La Revue littéraire (mai-juin-juillet 2016). 

Extrait La Taverne des ratés de l'aventure : "Les chambres mortes sont des chambres d'écho, ce qui s'y est passé ne cesse de revenir frapper nos esprits. La chambre de Jacques Rigaut à la Vallée-aux-loups - où il s'est suicidé quelques mois avant Maïakovski, d'une balle dans le cœur - est suspendue dans un film. Grâce à Louis Malle et Pierre Drieu la Rochelle - l'auteur du Feu follet écrit en souvenir de son ami -, nous pouvons y entrer à notre guise. Et c'est une gnossienne de Satie qui en est le sésame. Derrière la porte, Alain (Rigaut) prépare soigneusement son arme et pousse la délicatesse jusqu'à disposer une serviette pour ne pas tâcher son lit. Alain est un véritable raté de l'aventure, sans volonté, naufragé d'un monde bourgeois superficiel. Il réussit son suicide, une aventure par défaut."

Extrait à propos de BdB : "Baudouin de Bodinat est un homme des bois qui vit quelque part au cœur de la France. Lorsqu’il sort de chez lui, poussé par l’insomnie ou la nostalgie, il contemple l’Univers -- privilège réservé à ceux qui ont fui les villes -- et, DE LÀ-HAUT, aperçoit la “couche gazeuse” au fond de laquelle l’humanité agonise en toute innocence, en toute tranquillité. Baudouin de Bodinat est un intranquille qui a lu Simone Weil. Avec elle, il s’efforce de ne pas relâcher son “attention” et se laisser distraire par notre âge de la communication globalisée, de la technique déshumanisée, des ILLUMINATI cybernétiques, de l’Argent, en un mot, de l’Apocalypse. Ses méditations nocturnes sont la voix off du film catastrophe auquel nous assistons, dans une salle qui n’est autre que la caverne du confort intellectuel. Ce livre ressemble aussi à L’ENFER de Jérôme Bosch : une forme somptueuse (esthétique de l’écriture, beauté plastique, précision des descriptions) pour la figuration de la monstruosité, de l’absurdité (parfois drolatique), du monde moderne. Pourtant, nulle violence dans la langue de Bodinat, au contraire, une sorte de douceur objective : nul besoin d’effets de manche, pour convaincre, le constat suffit, rehaussé de cette clarté sublunaire qui caractérise son style et sa pensée. (…)Voilà donc où nous en sommes, et quiconque y trouvera à redire sera appelé passéiste, réactionnaire, pauvre nostalgique, voire fasciste. On trouvera bien sûr que Bodinat exagère, qu’il va trop loin, mais QUI va trop loin ? De tout cela, ce tableau à la Jérôme Bosch où l’on voit que l’Apocalypse a déjà eu lieu, qu’il est peut-être déjà trop tard, il ressort une seule question : que faisons-nous ? Baudouin de Bodinat note avec flegme : “Et s’il doit y avoir des malheureux appelés à continuer notre espèce, notre imbécile passivité d’aujourd’hui encore à cet égard leur sera UN PRODIGE ACCABLANT."  (Merci à Henri Graetz pour la retranscription)




"L'éternité, où la passerez-vous?" 
Photographie ayant appartenu à Jacques Rigaut


ACTE  3 

Restons avec Rigaut, enfin plutôt avec celui qui enviait son détachement, Drieu. Nous avions lu avec intérêt Fontenoy ne reviendra plus (Stock, 2011), le portrait par Gérard Guégan du dadaïste, opiomane, communiste, écrivain, aventurier, homme à femmes, doriotiste, collaborationniste, Jean Fontenoy qui se suicida dans les ruines de Berlin en avril 1945. Cette fois-ci, Guégan a fait plus concis, une "fable" de 130 pages, Tout a une fin, Drieu (Gallimard, 2016) dans laquelle il imagine la dernière nuit de l'auteur du Feu follet avant son suicide, sous la forme d'un procès à huis clos avec pour juges un groupe de résistants communistes. La fable s'achève sur un joli poème de Reverdy. Guégan évoque Rigaut une seule fois dans son texte, quand Drieu remercie la résistante d'avoir vengé Rigaut en lui crachant au visage. On se souvient qu'à la date du 5 janvier 1930, Drieu avait noté dans son agenda : « Je t’ai tué Rigaut, j’aurais pu te prendre contre mon sein et te réchauffer. » Drieu merci.

Extrait : "C'est qui, Rigaut ? demande Héloïse. C'est Jacques Rigaut, lui répond Marat, un surréaliste dont ce monsieur a été l'ami et qui lui a inspiré le personnage de Gonzague dans Le Feu follet. - Tu oublies, dit Maréchal, que Gonzague était déjà le héros de La Valise vide. - Je déteste cette nouvelle… Reprenons!"





ACTE 4

André Breton avait stipulé dans son testament que sa correspondance ne soit publiée que cinquante ans après sa mort (1966). Nous y sommes. Deux volumes par an seront publiés. Un ensemble éditorial qui représente tout de même quelques milliers de pages. J'avais eu le privilège il y a dix ans de consulter chez Sylvie Sator (fille de la première épouse de Breton) les lettres de Breton envoyées à sa mère Simone Kahn. Aube Breton-Elléouët (fille d'André Breton et Jacqueline Lamba) m'avait gentiment accordé l'autorisation de consultation de cette correspondance. J'avais lu avec beaucoup de plaisir ces lettres d'André à Simone tout en retranscrivant les passages où Rigaut était évoqué. J'aurais bien aimé lire les réponses de Simone, mais certains supputent que Breton, après avoir découvert en 1928 la liaison de Simone avec Max Morise, ait détruit dans un accès de colère les lettres de son épouse. On espère que cet autodafé épistolaire n'a pas eu lieu et que les lettres de Simone resurgiront un jour. Pour l'heure, c'est Gallimard qui ouvre le bal en publiant les lettres d'André Breton à Simone Kahn (1920-1960), celles-là mêmes que j'avais lues il y a une décennie. Une belle édition dans la classieuse Collection Blanche, sous la direction de Jean-Michel Goutier, égayée de quelques photos d'André et Simone et de fac-similés de la correspondance. Un ouvrage qui ravira les historiens et passionnés du mouvement surréaliste. On attend impatiemment la suite.

Je souhaite de belles vacances à ceux qui partent, mais aussi à ceux qui restent et vous donne rendez-vous à la rentrée.

Extrait : « Samedi 7 août 1920. Je pense à ce que vous m’avez dit d’Apollinaire : il vous berce. Mais vous pouvez encore lui demander autre chose. (…) Le numéro de la N.R.F. cause un profond dépit à la presse. J’ai là quelques coupures assez amusantes. Je me persuade avec joie qu’on n’a pas compris.

J’ai reçu de Jacques Rigaut une lettre dont certains passages sont émouvants. Je lui reproche un peu son automatisme. Si l’on ne veut pas aller au pôle, on n’a avant de partir qu’à dérégler les boussoles. On aura tout au moins des illusions plus drôles. J’ai appris à ne plus parler de la mort avec passion.

Je me suis mis hier à relire les Illuminations. C’est tout de même très bien. Je me suis aperçu avec stupéfaction que le texte est parfaitement intelligible, au contraire de ce que je laissais dire en général. Pas une obscurité. J’ai eu un autre étonnement : la femme tient dans la pensée de Rimbaud une place considérable, c’est simple, il la confond avec tout. Il n’est pas celui qui dit : « La femme est à mes pieds ! » (…) Aimez-vous comme moi les questionnaires niais dans le genre de : « Quel est votre poète préféré ? votre peintre ? votre musicien ? » Je vous en envoie un qui a été proposé par Max Jacob, souhaitant que ce petit jeu sans conséquence puisse vous distraire. Vous permettez ? Au moment de fermer ma lettre, je déchire ce papier, par trop indiscret et ridicule. André B. »

27.6.16

Les racines du mal

"Si tu veux cacher une aiguille ne la planque pas dans une meule de foin. Cache-la dans un tas d’aiguilles." (Maurice G. Dantec 1959 - 2016)

14.5.16

La vie est bonne

Le docteur Henri Le Savoureux dans les années 20

Le docteur : "Alain, la vie est bonne."

Alain : "Dites-moi en quoi, docteur..."

24.4.16

Le testament de Jacques Rigaut

























Nouvelle dispersion dadaïste chez Sotheby's Paris en deux salves : mardi 26 avril 2016 à 14h30 et mercredi 27 avril 2016 à 14h30. Les deux catalogues papier consacrés à ces ventes sont superbes. Ils sont consultables en ligne sur le site de l'étude Binoche et Giquello. L'exposition des lots chez Sotheby's au 76, rue du Faubourg Saint-Honoré mérite le déplacement. Il vous reste une journée pour vous y rendre : le lundi 25 avril 2016 de 10h à 20h. Je suis étonné du peu de succès de ces expositions de prévente, alors qu'elle sont ouvertes à tous. C'est pourtant une belle opportunité pour voir (et caresser) des œuvres en toute tranquillité, dans une atmosphère courtoise, loin des foules qui se pressent et se bousculent dans des musées anxiogènes. De quoi s'agit-il ici? De la vente de la bibliothèque de R. et B.L. dédiée à dada et au surréalisme. Dans son papier des Echos, Judith Benhamou-Huet nous révèle l'identité des vendeurs : R pour Régine, B. pour Bernard et L. pour Loliée. Cet ancien libraire de la rue de Seine a un goût sûr concernant les œuvres dadaïstes et surréalistes. Les collectionneurs et amateurs du genre étaient d'ailleurs présents à l'exposition de prévente. Lors de ma visite, j'y ai croisé entre autres l'Américain ès dada Timothy Baum et le Français cravanesque Marcel Fleiss. Le triptyque des suicidés de la société (Rigaut-Vaché-Cravan) se trouve parmi les 496 lots. Un portrait de Rigaut, Tzara et Breton accueille le visiteur de l'exposition. Une photographie extraite du lot 349, l'édition originale d'une anthologie poétique du surréalisme (1955) par Georges Hugnet, ornée de photographies et de manuscrits collés à l'ouvrage. Le tout est estimé à 150 000 euros! Rigaut apparaît également dans le lot 240 : un envoi autographe signé Paul Eluard, estimation : 3000 euros. Enfin, le lot 444 que j'aurais aimé acheter, estimé à 2 000 euros : le très beau tirage argentique d'époque représentant le groupe dada au complet lors du fameux événement dada en 1921 à l'église Saint-Julien le Pauvre. On y aperçoit au second rang Jacques Rigaut la cigarette au coin des lèvres, l'air narquois, malgré l'ambiance sinistre et pluvieuse. Parmi les trésors de cette vente, on trouve aussi la collection intégrale des numéros de la revue Littérature dans laquelle Rigaut a publié la majorité de ses textes, estimée à 7 000 euros.
Le meilleur pour la fin qui ne concerne pas cette vente : je viens de retrouver miraculeusement une sorte de testament littéraire probablement écrit par Jacques Rigaut quelques jours avant son suicide. Je vous en offre un extrait :

"Condamné à l'élégance,

selon un courant d'air fatal,

condamné à l'élégant désespoir des jeunes gens doués,

fait à la hauteur de mon cercueil. "


(Jacques Rigaut, inédit)      

5.4.16

Enigma


Le temps des énigmes est revenu. Jacques Rigaut était un joueur. Il avait toujours un jeu de cartes sur lui. Dans une lettre envoyée à une amie, il évoque de façon sibylline un jeu, mais lequel? S'il y a des joueurs parmi vous, peut-être arriverez-vous à résoudre cette énigme? Merci d'avance. JLB


"100, 20, 12 quelques fois possible. 4 jamais. 
3 indésirable (sauf la passe). 2 éventuellement pour retrouver 1. Vers 1. " Jacques Rigaut





29.3.16

Admission


Plus de dix ans après avoir débuté mes recherches, j'ai encore le plaisir de faire des découvertes...Dans une lettre retrouvée, J.R. mentionnait un séjour hospitalier, il disait vrai, les archives ont parlé... Le responsable du service m'informe que cette admission a fait l'objet d'un classement en affaire judiciaire. Quel événement a provoqué cette admission? Ivresse sur la voie publique avec arrestation et nuit de dégrisement à l’hôpital? Peut-être qu'une visite aux archives de la Préfecture de Police de Paris me permettra d'avoir une réponse. Je retrouve l'excitation de l'enquête des premières années. Seule erreur dans la fiche d'admission : en février 1925, Rigaut n'avait pas trente ans, mais vingt-six ans. Erreur volontaire de l'intéressé ?

21.3.16

Le rideau se lève, ça nous apprendra









Le rideau se lève, ça nous apprendra 

Nous sommes donc allés au théâtre un samedi soir, pour assister à une représentation de la pièce Par-delà les marronniers de Jean-Michel Ribes sur le triptyque des suicidés de la société : Cravan-Vaché-Rigaut. Installés dans les fauteuils confortables de la salle Renaud Barrault, nous observons la salle se remplir peu à peu d'un public plutôt âgé, plutôt bourgeois. Cravan fera-t-il scandale devant ce parterre de lodens et de cheveux argentés? La salle est pleine, le rideau rouge se lève, ça leur apprendra. Ça commence dans les tranchées, avec des explosions d'obus et chants patriotiques. C'est Rigaut qui ouvre le bal des appelés. Vaché et Cravan le suivent de près. Des néons annoncent chaque chapitre. Après la guerre, l'amour, puis l'art et l'ennui, et enfin la mort. Des meneuses de revue ponctuent les thèmes façon French cancan. Gladys Barber et Mina Loy font des apparitions récurrentes. Les décors sont jolis et colorés. Tout était réuni pour passer un bon moment. Qui plus est avec trois excellents comédiens, pour les nommer Michel Fau (Cravan), Hervé Lassïnce (Rigaut), Maxime d'Aboville (Vaché), eh bien! bizarrement la mayonnaise post-dadaïste ne prend pas! On a frissonné un peu, quand une marionnette géante représentant le boxeur Jack Johnson a infligé une sévère correction au poète-boxeur Cravan, mais il faut bien avouer qu'on s'est pas mal ennuyé, même en essayant de se concentrer sur les jolies gambettes des meneuses de revue. On a souri tout de même en reconnaissant quelques bribes de textes des trois poètes. On était même un peu gêné pour Michel Fau quand imitant Cravan lors de sa fameuse conférence américaine, il nous montra son cul. On a fini par attendre avec impatience le dénouement mortel pour nos trois pauvres amis, en songeant que s'ils avaient été dans le public, ils n'auraient pas manqué de jeter sur la scène des tomates mûres, des œufs et de la farine, comme au bon vieux temps dada… Le rideau s'est enfin baissé, ça nous apprendra!

15.3.16

Entretien avec Jacques Rigaut


Entretien avec Hervé Lassïnce a.k.a Jacques Rigaut

Jean-Michel Ribes a réécrit cette pièce?
HL : C'est une pièce des années 70 qu'il a réécrite. Elle a été jouée en 1972 avec Gérard Darmon [qui interprétait Arthur Cravan, le comédien Stéphane Bouy tenait le rôle de Jacques Rigaut, Christian Delangre celui de Jacques Vaché]. C'est un théâtre particulier, il n'y a pas vraiment de situation entre les personnage, c'est une parole poétique qui est adressée au public. Les trois personnages dans la vraie vie ne se sont jamais croisés. Sur scène, on ne se parle jamais. La pièce est montée comme un cabaret. Nous sommes tous les trois en smoking blanc. Ce n'est pas réaliste, ni biographique. 

C'est donc une interprétation de metteur en scène?
Nos monologues sont des montages des textes de ces trois auteurs. Par exemple, je peux très bien dire des textes écrits par Jacques Vaché, qui peuvent être mêlés à des textes de Rigaut. Ribes s'est permis d'insérer ses propres mots parmi ceux de Vaché, Rigaut ou Cravan. Nous travaillons au mot près.

Est-ce que vous avez eu des indications pour jouer le rôle de Rigaut?
Très peu d'informations biographiques, hormis le côté dandy. Le sujet de la drogue a été totalement évacué. C'est un monde complètement imaginaire. La femme de Rigaut, Gladys Barber apparaît tout de même, Mina Loy la femme de Cravan également. C'est une comédienne qui interprète plusieurs rôles. Il y a beaucoup de références à la Première Guerre mondiale.

Avez-vous lu des écrits de Jacques Rigaut?
J'ai lu des extraits qui sont insérés dans le texte de la pièce. Ribes ne voulait pas trop qu'on se renseigne sur la vie des auteurs. C'est pas une pièce réaliste. Ribes souhaite montrer comment ces personnages ont été laminés par la société. Ce sont des drôles de types, ce ne sont pas des révolutionnaires comme leur siècle en a produit beaucoup, mais à leur manière, ils sont totalement dans la révolution.

Comment la pièce évoque la relation avec Gladys Barber?
La pièce montre clairement que Rigaut a épousé Gladys pour son argent : "Chaque Rolls Royce que je rencontre prolonge ma vie d'un quart d'heure." Je pense qu'elle l'aimait sincèrement, peut-être aussi à cause de ce qu'il représentait.

Propos recueillis par Jean-Luc Bitton 





Extrait :

"FINAL. Le bourgeois regarde étonné les trois corps sans vie. Il s'approche de la meneuse de revue et des deux girls assises nonchalamment près d'eux.

LE BOURGEOIS (ventre en avant, découvre les trois cadavres). Oh! Oh! Oh! Qui sont ces gens?

GIRL 1. Des hommes

LE BOURGEOIS. Ah la belle réponse! Des hommes! Je vois bien! Je ne suis pas idiot!

GIRL 2. Si…Vous êtes idiot.

LE BOURGEOIS. Ah! Ah! Bon! Et ils s'appellent comment ces braves gens?

GIRL 1.Arthur Cravan

LE BOURGEOIS. Drôle de nom.

LA MENEUSE DE REVUE. Jacques Rigaut et Jacques Vaché.

LE BOURGEOIS. (souriant) Vaché! Ah! Ah! A-t-on idée de s'appeler Vaché! Vaché! Vaché comme porcher….? Ils sont morts, n'est-ce pas?

GIRL 2. Non.

LE BOURGEOIS. Comment, non? Trois cadavres! Je ne suis pas fou quand même!

GIRL 1. Non…ça, vous n'êtes pas fou…

LE BOURGEOIS. Alors s'ils ne sont pas morts, où sont-ils? Ah! Ah!

LA MENEUSE DE REVUE. Regardez… Vous voyez au loin les marronniers…

LE BOURGEOIS. Ah oui…

GIRL 1. Derrière ces marronniers, il y a d'autres marronniers et derrière, il y a encore des marronniers qui cachent une forêt de marronniers, et bien…

LE BOURGEOIS. Eh bien?

GIRL 2. Eh bien ils sont par-delà les marronniers.

Le thème de l'Amour s'égrène au piano tandis que Cravan, Vaché et Rigaut se relèvent lentement. Ils vont tous les trois s'asseoir sur les chaises qu'ils occupaient au début de la pièce, regardent le public avec un détachement souverain tandis que le noir se fait sur scène."

Par-delà les marronniers Revu(e), Jean-Michel Ribes, Actes Sud-Papier, 2016. 13 euros





PAR-DELÀ LES MARRONNIERS
REVU(E)

texte et mise en scène : Jean-Michel Ribes, avec : Maxime d’Aboville, Michel Fau, Hervé Lassïnce, Sophie Lenoir, Alexie Ribes, Stéphane Roger, Aurore Ugolin

15 MARS - 24 AVRIL 2016 Théâtre du Rond-Point

durée : 1h30
du mardi au samedi : 20h30 - dimanche, 15h
relâche les lundis, les 20 et 27 mars




2.3.16

Le retour aux livres (2)



On oublie souvent que le biographe a également une vie et que cette vie n'est pas de tout repos. Comme tout un chacun, le biographe doit faire face à l'adversité commune de cette existence, à la bêtise ambiante, dont la toxicité n'a jamais été aussi redoutable qu'aujourd'hui. Toutes ces petites et ridicules "choses de la vie" qui semblent se liguer contre le biographe pour lui faire perdre son précieux temps qui est déjà bien gaspillé par toutes les activités chronophages que lui offre le monde moderne, sans oublier le combat quotidien contre son pire ennemi :  la tendance naturelle de l'être humain à la procrastination. Bref, depuis des mois, les livres offerts, achetés ou reçus en service de presse s'accumulent sur ma table de chevet, sans avoir pris le temps de les évoquer sur ce blog.
On se lance dans le désordre. (Bis Repetita Placent)

ACTE 1

Commençons par ce "Fils de Chien" de Vladimir Slepian, un texte court et intense, qui a été publié dans la revue "Minuit" en 1974, réédité aujourd'hui par la (bonne maison) des Editions du Chemin de fer. L'intrigue est lapidaire : le narrateur ne cesse d'avoir faim et désire devenir un chien. C'est un texte à lire à voix haute, violent comme une claque au visage, proche de la "mastication verbale" du poète Tarkos ou encore de l'autodérision de Beckett. Un texte anthropomorphique, mais également autobiographique, puisque selon la brève notice biographique imprimée en postface, son auteur "est mort de faim à Paris dans une rue de Saint-Germain-des-Prés, en 1998." A la fin du XXème siècle, dans le triangle germanopratin Flore-Lipp-Deux Magots, on pouvait donc mourir de faim dans l'indifférence générale, après avoir été adoubé par Gilles Deleuze et Félix Guattari. "Fils de chien" est le seul texte paru de Vladimir Slepian. A ce jour, aucun autre de ses écrits n'a été retrouvé. Dommage.

Extrait : "Je suis un homme, si vous voulez. /Oui, merde ! Un homme. / Un homme comme vous, avec tous ces trucs que vous faites, même si je ne les comprends pas. / Si je n'étais pas un homme, alors qu'est-ce que je pourrais être ? / Un chien ?"

ACTE 2

Je vois rarement le journaliste et écrivain Bernard Morlino, mais je le considère comme un ami. La véritable amitié ne s'embarrasse pas du quotidien.  Nous communiquons principalement par mail et à l'instar de Blaise Cendrars, l'amputé du bras droit, Bernard signe toujours sa correspondance numérique par "Ma main amie". En amitié, littéraire entre autres, Bernard Morlino s'y connaît. Il fut l'ami d'écrivains, comme Emmanuel Berl, Louis Nucera, Alphonse Boudard, ou encore Philippe Soupault. Les amitiés littéraires commencent et finissent souvent par des livres. Dans son dernier ouvrage Parce que c'était lui, publié aux éditions Ecriture (octobre 2015), Morlino recense trente-cinq amitiés entre écrivains, des amitiés littéraires d'un temps révolu. L'amitié est un sentiment en voie de disparition. Dans notre monde égocentré, on parle beaucoup et souvent mal de l'amour, mais de moins en moins de l'amitié. Bernard Morlino a inventé un néologisme pour définir une amitié aussi durable et intense que le sentiment amoureux : l'amourtié, "nom invariable, sentiment très intense qui unit des personnes en dehors de la sexualité." D'ailleurs, comment peut-on aimer véritablement quelqu'un(e) sans être son ami? Il est malheureusement fréquent de voir d'anciens "amoureux" se haïr aussi passionnément qu'ils se sont soi-disant aimés. Comme l'a écrit avec justesse La Rochefoucauld, "Il y a des gens qui n'auraient jamais été amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour." Céline enfonce le clou dans le cercueil de la sentimentalité amoureuse en ajoutant : "L'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches." En ces temps narcissiques, où l'amour n'a jamais été aussi galvaudé, il est réconfortant de constater que l'amitié sincère reste une valeur sûre et indestructible. Le biographe de Berl et de Soupault offre au lecteur plus de trois cents pages d'amitiés littéraires, choisies et racontées avec talent et érudition. Une lecture jouissive qu'on peut aborder de façon non chronologique, selon nos goûts littéraires et nos envies du moment. Osons faire un name-dropping et florilège de ces amitiés littéraires : Etienne de La Boétie / Michel de Montaigne (Le disparu sauve le survivant), Giacomo Casanova / Prince de Ligne (Le flambeur apaisé par son biographe), Joris-Karl Huysmans / Lucien Descaves (L'idéaliste avec son garde du cœur), André Gide / Pierre Herbart (Les ambassadeurs de la liberté), Antonin Artaud / Jacques Prevel ( L'insurgé suivi par son ombre), André Breton / Philippe Soupault (Ils ont révolutionné le XXème siècle), Louis Aragon / Robert Desnos (L'homme de parti et l'homme sans parti), Henri Calet / Raymond Guérin (Les écrivains de l'imparfait du subjectif), Antoine Blondin / Roger Nimier (Les frères de littérature), et le meilleur pour la fin…, Pierre Drieu la Rochelle / Jacques Rigaut (Une tragique histoire d' «umour »). L'amitié entre Drieu et Rigaut avait été évoquée par certains biographes de l'auteur du Feu follet, mais jamais de manière frontale. En sept pages, Bernard Morlino résume parfaitement cette amitié ambivalente de l'entre-deux-guerres, jusqu'au suicide de Rigaut présenté comme un prologue à celui de Drieu.

Extrait : "Sous les traits de Gonzague qui fait table rase du passé artistique alors que «l'art, en donnant du prix aux sensations, offre aux hommes leur seule chance de se réaliser», on reconnaît Rigaut. Le personnage créé par Drieu n'est pas plus un lecteur qu'un écrivain. Ce portrait sans concession de Rigaut a plus froissé les amis du portraituré que le principal intéressé, fier de devenir une créature de fiction. Cependant, Rigaut n'est pas une coquille vide. Sa particularité est de refuser de faire carrière dans la littérature comme d'autres dans la coiffure, avec boutique et postiches."  

ACTE 3

J'avais dit ici-même tout le bien que je pensais d'un livre de Baudouin de Bodinat paru en 2008 aux éditions de L'Encyclopédie des Nuisances : La vie sur terre. Réflexions sur le peu d'avenir que contient le temps où nous sommes. De cet ouvrage majeur, j'avais retenu cette phrase magnifiquement limpide, très pratique pour clouer le bec aux progressistes de tout poil :  "Je ne regrette pas le passé, c'est ce présent que je trouve regrettable." De Bodinat publie peu, mais chacun de ses écrits est suffisamment dense pour nourrir un lecteur durant une décennie. Hormis quelques rares exceptions,  les fonctionnaires de l'écriture qui publient un livre par an sont souvent des prosateurs indigestes. Entre 2011 et 2015, De Bodinat avait publié "Au fond de la couche gazeuse", une suite de textes parue dans cinq numéros de la revue fario. Une revue pas donnée (28 euros), mais de haute tenue, dans le sommaire du dernier numéro, Baudouin de Bodinat était entouré entre autres de Günther Anders et d'Henri Calet… L'éditeur de cette revue a eu la bonne idée de publier en un seul volume ces cinq textes, et d'y ajouter un dernier chapitre inédit. Pour le plaisir de ses lecteurs, Baudouin de Bodinat poursuit son constat de déploration de notre monde au bord du gouffre, qu'il avait entamé dans La vie sur terre. Tout en disséquant les nombreuses tares de notre époque (promiscuité, vitesse, pollution, virtualités, laideur du paysage, aliénations, etc.), de Bodinat nous invite à nous rappeler qu'avant le désastre (un avant pas si lointain puisque nous l'avons connu) il y avait tout de même plus d'air, que les choses étaient plus solides, plus durables et plus intelligibles.  Bientôt, on visitera les vestiges de cet avant, les derniers lieux de plein air, où l'on peut encore contempler la voute céleste étoilée et entendre le chant des oiseaux à l'aube… A l'inverse, aujourd'hui, des agences de voyage proposent déjà  des visite guidées dans les ruines du capitalisme, il y a même un nom pour cette fascination de la décrépitude : la pornographie des ruines. Notre civilisation est probablement sur le point de s'éteindre. Baudouin de Bodinat nous l'annonce sereinement et que les heureux de ce monde ne pourront pas y échapper. Une annonce inéluctable, écrite avec un talent poétique inouï, ce qui en décuple sa force et rend la démonstration encore plus implacable. 

Extrait : "Par une belle après-midi calme où la vue porte loin sur le monde habité, je réalise tout à coup que je ne parviens plus à éprouver cet enthousiasme ou dilatation intérieure, ce sentiment de l'existence de l'Univers, et parmi quoi de cette vie terrestre avec l'histoire des sociétés humaines se prolongeant vers le futur, et parmi quoi sa propre présence momentanée, qui serait normal ; que c'est au contraire un découragement, des idées déprimantes de délabrement qui viennent aussitôt à l'esprit, de pénuries angoissantes à s'additionner, de progression des terres abandonnées à la dessiccation qui se constate en imagerie satellitaire, d'immensités océaniques vidées en l'espace d'une génération de tous leurs habitants comestibles, d'insalubrités à 9 milliards de terriens après-demain qui veulent manger tous les jours, d'extraordinaires désordres atmosphériques par dessus tout cela ; la pensée qui s'impose de ces villes toujours plus énormes où le genre humain vient s'amonceler sans aucune autre issue. Auparavant, lorsqu'un pays sentait le renfermé, on pouvait l'aérer en ouvrant les fenêtres sur les pays voisins ; maintenant que par la civilisation unifiée c'est toute cette vieille planète qui sent le renfermé de s'y gêner déjà à 7 milliards en même temps, à respirer là-dedans toutes fenêtres fermées, à fumer et laisser traîner les poubelles avec le recyclage de l'air en panne, etc., et tous à ressasser les mêmes croyances collectives, devant les mêmes images de plus en plus chaotiques sur les écrans pour tout le monde en même temps par distribution satellitaire, durant que leurs caméras observent de là-haut comment ça s'agite le surpeuplement au fond de la couche gazeuse à se gratter les allergies, et que cela en devient franchement irrespirable à force, voilà que ressort le projet d'un vol habité jusqu'à la planète Mars -- "À la conquête de la planète rouge !", "La plus grande aventure de l'humanité !", "L'Homme s'élance dans le cosmos !", etc. -- qui nous ferait alors en retransmission 3D comme l'idée d'un hublot pour regarder au-dehors en restant assis sur nos canapés ici sur Terre avec le taux de radioactivité. Transports souterrains un jour d'été, rames à moitié vides : sous le regard neutre des caméras de sécurité, des touristes venus visiter en low-cost des monuments reconstitués, jeunes couples maussades chaussés de baskets, vieux couples mornes, familles soucieuses chuchotantes à consulter leur plan et puis des habitants épars, divers d'âges, plutôt tous des étages d'en-bas -- ... dans les couches inférieures des classes moyennes, qui sont les débris dénués de signification d'une société désintégrée -- et donc les hommes quelconques de la modernité tardive, le tout-venant précaire du IIIe millénaire chaussé de baskets, des anonymes de la métropole mondiale sans étonnement de la médiocrité et de l'étroitesse de la vie permise à végéter là, n'y trouvant pas étranges ces interphones, portes électroniques et robots auprès desquels il faut justifier son identité, et même son existence, et caméras qui sont partout (même quand on ne le voit pas)  dès qu'on sort à l'ombre de la pyramide hiérarchique ; & à la physionomie sans beaucoup de vivacité durant qu'ils sont chacun absorbés par le maniement de leurs Smartphones, iPad, BlackBerry, portables 3G à écran tactile, e-book, ou bien feuilletant un gratuit avec des fils électriques rentrant dans leurs oreilles."



ACTE 4

Autre récent coup de foudre : Le Jardin de Babylone de Bernard Charbonneau (1910-1996), publié par Gallimard en 1969, réédité en 2002 aux Editions de l'Encyclopédie des Nuisances. Pionnier de l'écologie politique, Bernard Charbonneau a été le premier à dénoncer les ravages de notre société industrielle sur notre environnement, mais également les dérives liberticides des "défenseurs de la nature". Charbonneau évoque entre autres cette "banlieue totale" qui progresse inexorablement avec le développement anarchique des métropoles, ce cancer urbain généralisé dont les métastases dévorent la campagne, entraînant la fin du paysage, mais aussi la liquidation du monde paysan. Dans cette campagne agonisante et pourrissante, on sauvegarde quelques parcelles d'authenticité labélisées éco-tourisme où les citadins déracinés viennent se "ressourcer" en quête de primitif et de pittoresque. Bernard Charbonneau souligne également les contradictions de ceux qui souhaitent instaurer un nouvel ordre écologique au sein des villes, un totalitarisme vert qui ne cesse de multiplier les contraintes et les interdits.  Une dénonciation visionnaire des régressions de la liberté, sous prétexte écologique, illustrée récemment par le projet d'interdiction de circuler dans les grandes villes françaises pour les véhicules mis en circulation avant 2007. Pour Charbonneau la défense de la nature doit être globale : économique, démographique et politique. Un renversement radical de la pensée écologique qui jusqu'alors se contente de discours bucoliques pour camoufler son inanité.

Extrait : « Les villes anciennes étaient beaucoup moins nombreuses et beaucoup plus petites que les nôtres. Elles étaient perdues dans la nature. En hiver, la nuit, les loups venaient flairer leurs portes, et à l’aube le chant des coqs résonnait dans leurs cours. Puis un jour, avec le progrès de l’industrie, elles explosèrent, devenant un chaos. Le signe le plus voyant de la montée du chaos urbain c’est la montée des ordures. Partout où la population s’accumule, inexorablement l’air s’épaissit d’arômes, l’eau se charge de débris. La rançon du robinet, c’est l’égout. Sans cesse nous nous lavons, ce n’est plus une cuvette qui mousse, mais la Seine. Les villes sont une nébuleuse en expansion dont le rythme dépasse l’homme, une sorte de débâcle géologique, un raz de marée social, que la pensée ou l’action humaine n’arrive plus à dominer. Depuis 1960, il n’est plus question de limiter la croissance de Paris, mais de se préparer au Paris de vingt millions d’habitants dont les Champs-Élysées iront jusqu’au Havre. Les tentacules des nouveaux faubourgs évoquent irrésistiblement la prolifération d’un tissu cancéreux. La ville augmente parce qu’elle augmente, plus que jamais elle se définit comme une agglomération. La ville augmente parce que les hommes sont des êtres sociaux, heureux d’être nombreux et d’être ensemble. Il est bien évident qu’elle n’est pas le fruit d’un projet. Les hommes se sont rassemblés dans les villes pour se soustraire aux forces de la nature. Ils n’y ont que trop bien réussi ; le citadin moderne tend à être complètement pris dans un milieu artificiel. Non seulement dans la foule, mais parce que tout ce qu’il atteint est fabriqué par l’homme, pour l’utilité humaine. Au milieu des maisons, les hommes ont amené de la terre, construit un décor. Les usagers des jardins publics sont trop nombreux : regardez, mais ne touchez pas. Les coûts de Mégalopolis grandissent encore plus vite que sa taille. Il faut faire venir plus d’énergie, plus d’eau. Il faut assurer le transport des vivants, se débarrasser des cadavres et autres résidus. Il boit une eau qui n’est plus que celle, « recyclée » de ses égouts, la ville en est réduite à boire sa propre urine. Je propose en plus d’estimer en francs le mètre carré ou le mètre cube d’air pur, comme le kilowatt. Le XIXe siècle avait ses bagnes industriels, le nôtre a l’enfer quotidien du transport. Mégalopolis ne peut être sauvée que par le sacrifice, chaque jour plus poussé, de ses libertés. Après le style primitif, après l’ordre monarchique, le désordre de la période individualiste, la ruche monolithique d’une collectivité totalitaire. Si nous n’y prenons garde, en supposant un meilleur des mondes sans crise ni guerre, nous finirons dans une caverne climatisée, isolée dans ses propres résidus ; où nous aurons le nécessaire : la TV en couleur et en relief, et où il nous manquera seulement le superflu : l’air pur, l’eau claire et le silence. La ville pourrait bien devenir le lieu de l’inhumanité par excellence, une inhumanité sociale. Peut-être que si la science réussit à rendre l’individu aussi indifférencié qu’une goutte d’eau, la ville pourra grandir jusqu’à submerger la terre. Peut-être que le seul moyen de mettre un terme à la croissance inhumaine de certaines agglomérations est de laisser la pénurie atteindre un seuil qui, en manifestant avec éclat l’inconvénient d’y vivre, découragera les hommes d’y affluer. Le citadin s’est libéré en s’isolant du cosmos ; mais c’est ainsi qu’il a perdu sa liberté. Aujourd’hui, pour être libre, prendre des vacances, c’est sortir de la ville."

ACTE 5

Jaime Semprun, le fondateur des merveilleuses Editions de l'Encyclopédie des Nuisances est mort le 3 août 2010, à l'âge de 63 ans. Sa disparition n'eut presque aucun écho médiatique. Semprun fuyait les médias qui préfèrent faire le silence sur ceux qui les critiquent, à défaut de pouvoir les affronter dans une joute intellectuelle, parce qu' ils savent d'avance qu'ils en sortiraient perdants. Les amis de Jaime Semprun ont publié après son décès, des fragments d'essais inachevés sous le titre Andromaque, je pense à vous! Une belle plaquette d'une dizaine de pages où l'auteur dans une langue superbe nous fait partager son amour mélancolique pour un Paris en voie de disparition à l'image du silence, cet "instant d'enfance retrouvée". Les dernières pages sont consacrée à une descente en flammes de l'art contemporain, ce "composé de publicité, de finance spéculative et de bureaucratie culturelle." Ceux qui s'interrogent sur la déliquescence actuelle de la gauche liront L'abîme se repeuple, un texte paru en 1997 aux Nuisances, dans lequel, avant Jean-Claude Michéa, Semprun pointe du doigt les contradictions du gauchisme et son bilan désastreux qui ont mené à cette monstrueuse imposture politique qu'est la gauche libérale.

Extrait : "Pour apprécier à sa juste valeur la part du gauchisme dans la création du novhomme et dans la réquisition de la vie intérieure, il suffit de se souvenir qu'il s'est caractérisé par le dénigrement des qualités humaines et des formes de conscience liées au sentiment d'une continuité cumulative dans le temps (mémoire, opiniâtreté, fidélité, responsabilité, etc.); par l'éloge, dans son jargon publicitaire de « passions » et de « dépassements », des nouvelles aptitudes permises et exigées par une existence vouée à l'immédiat (individualisme, hédonisme, vitalité opportuniste); et enfin par l'élaboration des représentations compensatrices dont ce temps invertébré créait un besoin accru (du narcissisme de la « subjectivité » à l'intensité vide du « jeu » et de la « fête »). Puisque le temps social, historique, a été confisqué par les machines, qui stockent passé et avenir dans leurs mémoires et scénarios prospectifs, il reste aux hommes à jouir dans l'instant de leur irresponsabilité, de leur superfluité, à la façon de ce qu'on peut éprouver, en se détruisant plus expéditivement, sous l'emprise de ces drogues que le gauchisme ne s'est pas fait faute de louer. La liberté vide revendiquée à grand renfort de slogans enthousiastes était bien ce qui reste aux individus quand la production de leurs conditions d'existence leur a définitivement échappé : ramasser les rognures de temps tombées de la mégamachine. Elle est réalisée dans l'anomie et la vacuité électrisée des foules de l'abîme, pour lesquelles la mort ne signifie rien, et la vie pas davantage, qui n'ont rien à perdre, mais non plus rien à gagner, « qu'une orgie finale et terrible de vengeance » (Jack London)."



BONUS :

A signaler : une réédition d'un florilège de textes de Jacques Rigaut aux éditions Voix d'encre, sous le titre Agence Générale du Suicide, texte qui ouvre ce recueil, suivi de "Lord Patchogue", "Je serai sérieux comme le plaisir", "Roman d'un jeune homme pauvre", "Pensées et aphorismes". Tout ça pour la somme modique de 7 euros.

Teaser : Je publierai bientôt sur ce blog un entretien avec Jacques Rigaut, enfin avec le comédien Hervé Lassïnce qui tient le rôle de Jacques Rigaut dans le triptyque théâtral que Jean-Michel Ribes consacre aux trois suicidés de la société : Arthur Cravan (Michel Fau), Jacques Rigaut (Hervé Lassïnce) et Jacques Vaché (Maxime d'Aboville). L'actrice Sophie Lenoir tient le rôle de Gladys Barber. Le texte de la pièce Par-delà les marronniers est publié aux éditions Actes Sud. Représentations au théâtre du Rond-Point du 15 mars au 24 avril 2016.

Enfin, souhaitons longue vie à la nouvelle revue Raskar Kapac, "gazette artistique et inflammable" qui a le grand mérite dans son premier numéro de "ressusciter" l'écrivain Jean-René Huguenin, avec entre autres un entretien avec l'écrivain Christian Dedet qui a connu l'auteur de La Côte sauvage, mais également des extraits inédits d'un second roman que JRH avait entrepris d'écrire à la fin de l'année 1960. Sa mort en 1962, à 26 ans,au volant de sa voiture l'a empêché de l'achever.