Back in Town
Quand je descends du train à Patchogue, un crachin se met à tomber. Je ne sais pas s'il fait bon de vivre et de travailler à Patchogue comme le clame le panneau qui accueille les voyageurs sur les quais de la gare, mais en venant ici, on comprend immédiatement l'ironie de J.R. dans le choix de son avatar Lord Patchogue. A la bibliothèque locale, une sémillante dame s'empresse de m'informer quand je lui dis que je viens de Paris pour la biographie d'un "french writer". Je consulte la feuille de chou de l'époque, "The Patchogue Advance" où je ne trouve nulle trace du fait divers relaté par Rigaut dans sa présentation de Patchogue. En revanche,le 1er mai 1924, un reporter du journal racontait avec moult détails le "big field meeting" du Ku Klux Klan. Je remonte la rue principale de Patchogue qui semble vidée de ses habitants. Le ciel gris est bas, malgré la pluie, il fait une chaleur poisseuse. De nombreux drapeaux américains jalonnent l'avenue, flottant mollement dans le ciel plombé. Une musique sirupeuse s'échappe de haut-parleurs accrochés dans les arbres. Je songe à la série télévisée "Le Prisonnier". J'entre alors dans un magasin d'antiquités, espérant trouver des photos anciennes de la ville. Sur une étagère, un gros classeur poussiéreux m'intrigue. En l'ouvrant, je m'aperçois avec émotion que c'est une collection de boîtes d'allumettes! En hommage à J.R., j'achète les plus belles. Ces précieuses reliques dans mon sac, je me dirige vers la gare en faisant quelques photos de la ville. Pas le courage d'aller jusqu'au port. Je monte dans le premier train pour New York, trop heureux de quitter Patchogue et son atmosphère anxiogène. Le sourire aux lèvres en pensant à J.R. qui peut-être n'a jamais visité Patchogue, je regarde s'éloigner le panneau : "Welcome to ........!". Baille, baille.