Mise en abyme
J'avais évoqué ici la disparition de l'écrivain et photographe Edouard Levé et le livre posthume qu'il remit à son éditeur quelques jours avant son suicide. Je ne pouvais pas ne pas lire ce livre. "Suicide" est un très beau livre, peut-être l'un des plus beaux sur le thème de la mort volontaire, et pour des bonnes raisons. A sa lecture, on oublie très vite qu'il s'agit d'un ouvrage testamentaire, d'un point final à une oeuvre. Paradoxalement, jamais Edouard Levé ne fut aussi vivant qu'à travers ce livre. Je ne sais pas si Edouard Levé avait lu Jacques Rigaut, mais son ombre semble se déployer entre chaque ligne. De plus, Levé a conjugué son récit à la deuxième personne du singulier, comme Drieu dans son "Adieu à Gonzague". Lisez ces extraits de "Suicide". Vous comprendrez. :
" (...) Mort, tu me rends plus vivant.(...)Ton suicide fut la parole la plus importante de ta vie, mais tu n'en cueilleras pas les fruits. (...)Ta mort a écrit ta vie. (...)Ton suicide fut d'une beauté scandaleuse.(...)En art, retirer est parfaire. Disparaître t'a figé dans une beauté négative. (...)Ton suicide rend plus intense la vie de ceux qui t'ont survécu.(...)Tu es cette lumière noire mais intense qui, depuis ta nuit, éclaire à nouveau le jour qu'ils ne voyaient plus.(...)Ta vie fut moins triste que ton suicide ne le laisse penser.(...)Ton sens du raccourci fit qu'au lieu d'achever les travaux entrepris, tu t'es achevé toi-même.(...)"