29.5.06

Anniversaire


La gare de Patchogue

Il y a tout juste un an, je me trouvais à New York sur les traces de J.R. Je me souviens de la moiteur de la ville, des sirènes des voitures de pompiers qui "pour un mouchoir qui brûle, dévalent le long de la ville, doublent à droite, doublent à gauche, et si les autres voitures ne se rangent pas assez vite, montent sur le trottoirs. Je préfère mourir brûlé." (Jacques Rigaut, "Ecrits") Déjà nostalgique.

24.5.06

Victoires et défaites


La "Delage" avec laquelle J.R. et ses amis voyageaient. Une Delage, c'était "le mariage de la performance et de l'élégance, le symbole du luxe de bon aloi et du bon goût français." [sic]

Un biographe doit savoir perdre des batailles. Au tél, le directeur de l'établissement scolaire que fréquentait le petit J.R. me confirme le refus de communiquer leurs archives. "Il y a des règles, me dit-il, si on déroge une seule fois à ces règles, à quoi bon d'avoir des règles?" Une logique cartésienne qui appelle une autre question : "A quoi bon conserver des archives, si on ne les exploite pas?" Comme je l'ai souvent écrit, le temps joue en la faveur des historiens et autres chercheurs d'or. Dans dix ans, ces archives seront probablement accessibles comme celles de Georges Auric que j'ai localisées dans le Sud de la France mais la personne qui les possède n'a pas le temps ni le courage de les inventorier. Des trésors que je laisse aux chercheurs à venir...

Une récente victoire tout de même : un portrait inédit de Jacques Rigaut par un Dada qui l'a fréquenté. Six pages que j'attends impatiemment... Autre victoire, autre soulagement, j'en ai fini avec la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet que j'ai fouillée de fond en comble depuis quatre ans. D'autres tâches m'attendent. Je dois retourner prochainement au Service historique de la Défense afin de reconstituer le parcours du soldat Rigaut durant la Première Guerre mondiale.

18.5.06

De profundis













"Au dehors, il pleuvait et il retrouva avec effroi les grands feuillages rouillés et dégouttants qui battaient sa fenêtre. Alain craignait la campagne, et novembre dans ce parc humide, cerné par une banlieue maussade, ne pouvait qu'accroître sa crainte." (Le Feu follet, Pierre Drieu la Rochelle)

Mon deuxième pélerinage à la Vallée-aux-Loups où se trouvait la "Maison de santé pour malades nerveux" créée dans l'ex-demeure de Chateaubriand par le docteur Henri Le Savoureux. C'est ici que Rigaut mit fin à ses jours le 6 novembre 1929. Bernard Degout, Directeur adjoint de la Maison de Chateaubriand m'accueille dans son bureau dont les fenêtres donnent sur le parc. Il paraît que Paul Léautaud est mort dans cette pièce, me dit-il. Je songe à J.R. dont la chambre devait se trouver un ou deux étages plus haut. Bernard Degout me confirme la disparition des archives de la clinique. Aucun registre, ni dossier médical n'a été conservé. Etant donné les illustres patients qui ont séjourné à la Vallée-aux-Loups, un trésor littéraire a été détruit ou alors sommeille quelque part dans une cave... Il reste quelques albums de photos où je reconnais l'abbé Mugnier et sa soutane, Jean Paulhan, le docteur Le Savoureux et sa femme mais aucune trace de J.R. L'album de 1929 est manquant...

17.5.06

Soirée surréaliste


Les cabarets du Ciel et de l'Enfer, en bas du 42 rue Fontaine.


Nombreuses rencontres hier soir au vernissage de l'exposition Oscar Dominguez. Sarane Alexandrian qui me parle de Madame X, héroïne anonyme d'un texte de Rigaut. Je présente Sarane Alexandrian à Jean-Pierre Baril qui lui remet la retranscription d'une correspondance entre Henri Calet et Georges Henein. Dans la bibliothèque de l'Institut Cervantes, j'entame une passionnante discussion avec Dominique Rabourdin au sujet de Lise Deharme dont il a recueilli le témoignage en 1974. Il me donne des infos inédites qui n'ont pas été diffusées sur les ondes dont le nom d'un protagoniste d'une anecdote croustillante à propos de J.R. Plus tard, devant le buffet (bien garni), Jean-Michel Place nous raconte le cheminement du manuscrit d'Arcane 17 et autres aventures éditoriales. Dans le brouhaha général, je n'entends pas la réponse de Georges Sebbag à ma question sur le "suicide-accident" de Jacques Vaché. Quelques verres plus tard, une discussion (très) animée se poursuit sur le trottoir entre Jean-Pierre et Georges Sebbag autour des exclusions "staliniennes" de Breton et de son exil lors de la Seconde Guerre mondiale. "Les exclus ne sont-ils pas les plus intéressants?" se demande Monique Sebbag, auteure du livre "Procès surréalistes". Sur le chemin du retour Jean-Pierre me questionne : "Comment réagirais-tu si du jour au lendemain on t'excluait d'un mouvement auquel tu t'es donné corps et âme?"

13.5.06

"Oh tout finir."



Ai enfin achevé la lecture et la retranscription d'une importante correspondance d'André Breton. J'y trouve des informations surprenantes concernant la relation Rigaut/Breton mais également des éléments qui me permettent de poursuivre ma reconstitution des voyages de J.R. entre les Etats-Unis et l'Europe. Je sais que certains brûlent d'en savoir plus...si ça peut les consoler, qu'ils sachent que je suis aussi impatient qu'eux! Quand je songe à toutes les demandes d'autorisation de publication qu'il va falloir que je sollicite, les bras m'en tombent...Pour faire patienter tout le monde (mon éditeur compris) voici Emak Bakia (merci Eric), le ciné- poème de Man Ray dans lequel J.R. fait une fulgurante apparition... Enjoy!

Maxime Catellier qui prépare un mémoire sur le surréalisme d'André Breton me signale la notice que Breton a écrite sur Rigaut, publiée dans les "Inédits II" du premier volume de la Pléiade : «Jacques Rigaut sur le temps : il pense qu'en allant assez vite dans le sens opposé au mouvement de la terre, on pourrait revenir en arrière, arriver au temps de César, à la Genèse..." Je connaissais ce texte de Breton, mais comme je l'écris souvent : mieux vaut la redondance que l'oubli. Merci donc à Maxime.

Jean-Pierre Baril, biographe d'Henri Calet (une biographie à paraître chez Flammarion) m'écrit également : "Cher Jean-Luc, Si tu veux retrouver Lise Deharme dans un livre de Calet, tu peux illico relire le savoureux Croquant. Lise Deharme est « Pauline » dans Le Croquant indiscret."

Enfin toujours dans la série "quand nos amis font des choses bien, il faut en parler", ai reçu ce matin le dernier livre de Bernard Morlino portant ce beau titre : "Envoyé spécial de personne". Depuis une trentaine d'années, Morlino pratique un journalisme buissonnier en suivant dans la rue des gens connus ou non, les abordant ou pas. 138 émouvants et savoureux portraits pris sur le vif où l'on croise Samuel Beckett (qui fut l'un des premiers à m'écrire pour répondre à mes questions sur Emmanuel Bove), Miles Davis, Jacques Tati, Chet Baker, Dennis Hopper, Cioran et d'autres plus inattendus comme Mike Brandt ou Denise Glaser qu'on retrouva morte dans son appartement. "SDF chez elle-même" écrit Morlino. Un Leica accompagnait les promenades de l'auteur dont j'ignorais les talents de photographe. Pour preuve, cette image de Beckett prise au Père-Lachaise en 1984 lors de l'enterrement de Roger Blin. Beckett qui écrivait en 1987 à Raymond Cousse : " Je n'ai rien de nouveau à vous proposer. Je n'écris plus depuis longtemps. Sauf imprévu c'est fini. Enfin." (Lettres inédites de Samuel Beckett à Raymond Cousse publiées dans la revue "Les Episodes", N° 18, novembre 2003)


11.5.06

"On a bien raison de se droguer"


La maison de Chateaubriand à la Vallée-aux-Loups


Reçu mail de Franck : "Rodanski, enfermé vivant volontaire, Jouffroy m'en parlait avec ce goût d'amertume qu'il n'eût pas osé - tout en l'admirant mêlant l'effroi (c'est par ailleurs avec lui que se produisit la scission avec Breton : Rodanski d'abord, l'autre suit) - d'adopter cette posture de retrait définitif (l'asile). Un suicide social & artistique. L'hors du temps ?"

Aprés-midi à la bibliothèque de Beaubourg où personne ne vous interdit de photocopier. Les places sont rares, les examens sont proches. Le rayon surréalisme est dévalisé. Impossible de mettre la main sur le livre "Scandaleusement d'elles, 34 femme surréalistes" de Georgina Colvile. Au tél ce matin avec un ayant droit de Lise Deharme, une personne chaleureuse (ça fait du bien) qui possède des archives et me promet de les consulter afin de voir si J.R. ne s'y trouve pas... Relancé la clinique de Saint-Mandé et l'établissement scolaire qui me refuse l'accès à leurs archives. Pris également rendez-vous avec le directeur de la maison de Chateaubriand à la Vallée-aux-Loups où Rigaut s'est suicidé. Trouvé une info inédite dans un livre de Pierre Daix que je dois rencontrer (est-il encore de ce monde?) pour connaître la source de son info, mais aussi pour qu'il me parle d'Aragon dont je n'ai trouvé étrangemement aucun mot sur J.R. Lu l'article politiquement incorrect d'un philosophe québécois (oxymore?) dans un ouvrage scientifique consacré à l'usage des drogues et la toxicomanie : "On a bien raison de se droguer"

Ce texte me fait penser à cette anecdote racontée par Lise Deharme. Alors qu'elle se promenait au bord d'une plage en compagnie d'Antonin Artaud. Ce dernier lui dit :" Lise n'écoutez pas les gens qui vous disent que je suis fou parce que je me drogue, c'est le contraire, je me drogue parce que je suis fou."

Reçu invitation de Sarane Alexandrian, des agapes surréalistes à l'Institut Cervantez (11, avenue Marceau 75116 Paris) le 16 mai prochain à 19H (entrée libre) pour le vernissage de l'exposition du peintre mexicain Oscar Dominguez, le surréalisme volcanique... Servira-t-on du mezcal au bar?

10.5.06

"Il semble que le feu ait pris aux poudres..." (S. Rodanski)


Epouvantail en Andalousie. Photo Rosa Dausset
(revue Supérieur inconnu N°1, 1995)

Le chevalier H de Salignac ou Claude Tarnaud
(revue Supérieur inconnu N°1, 1995)


Entretien cet après-midi avec Sarane Alexandrian. Le fondateur de la revue "Supérieur inconnu" habite au premier étage d'un immeuble de la périphérie parisienne. Des dessins colorés d'inspiration surréaliste et des photos de femmes en noir et blanc tapissent les murs de l'appartement. Notre conversation sera interrompue deux fois par la sonnerie stridente du téléphone. A chaque appel la personne à l'autre bout du fil raccrochera sans dire un mot. "Je sais qui c'est, me souffle Sarane Alexandrian, c'est une femme, elle me harcèle, elle est tombée folle amoureuse de moi, à mon âge... Mes amis trouvent ça drôle, pas moi." Extrait de l'enregistrement : "Les surréalistes de ma génération, d'après-guerre, c'était Alain Jouffroy, Stanislas Rodanski, Claude Tarnaud et moi, on avait vingt ans donc en 47, pour nous les grands maîtres du surréalisme, c'était Jacques Rigaut, Jacques Vaché et Arthur Cravan. Alain Jouffroy était plus sur Cravan, Rodanski c'était Vaché, mais alors pour Tarnaud et moi, Rigaut c'était extraordinaire! Tarnaud s'est identifié à tel point à Jacques Rigaut qu'il a eu son double, le chevalier de Salignac, qui était comme Lord Patchogue, son Lord Patchogue à lui, et c'est le chevalier de Salignac qui s'est suicidé, c'est pas Claude Tarnaud, mais vous allez voir une chose assez extraordinaire, d'après la photo de Rigaut que vous m'avez montrée, regardez une photo du chevalier de Salignac, il n'avait pas vu la photo de Rigaut..."

7.5.06

Coup de poing


Eugène Criqui (1893-1977) Photo : Paul Thompson


Eugène Criqui et sa femme.

Desnos dans "Nouvelles Hébrides" avait témoigné du tempérament fougueux de J.R. : "C'était un garçon assez batailleur et dont le coup de poing est encore redoutable. Il assomma fort proprement un jour un chauffeur de taxi qui l'avait insulté..." Je viens de découvrir que Rigaut était l'ami du boxeur français Eugène Criqui, champion du monde de boxe à New York en 1923, catégorie poids plumes, face à l'Américain Johny Kilbanne. "Je veux faire des sports et l'amour." (Jacques Rigaut)

Appel de Sarane Alexandrian : "Nous avons beaucoup de choses à nous dire." Un rendez-vous est pris pour mercredi prochain.

6.5.06

La récupération surréaliste?


La deuxième édition d'un florilège
des textes de J.R. chez Eric Losfeld en 1967.
La première (après "Papiers Posthumes" de 1934)
avait été publiée par Jean-Jacques Pauvert en 1959.


Autre florilège publié en 1990 par
les éditions Distance avec un "avant-texte"
de François Gaudry.

Ai acheté ces deux ouvrages sur eBay. J'aime bien le côté vide-grenier de ce site de vente aux enchères. Récemment une bibliothécaire de la Bibliothèque nationale m'avouait qu'elle y achetait des livres anciens que la BN ne possédait pas... En parlant de la BN, j'ai fini par y consulter les microfiches du livre "Suicide mode d'emploi". Un peu déçu par le contenu, Rigaut est rapidement évoqué parmi d'autres "gais terroristes" (formule de Breton) et je déconseillerai fortement les recettes pour en finir tant elles paraissent obsolètes... Une réactualisation s'impose.:) Le second livre (Le droit à la mort. Suicide mode d'emploi, ses lecteurs et ses juges) qui raconte la censure du premier est nettement plus passionnant.

J.R. me poursuit. Alors que je me trouvais à un vernissage, un certain Tristan Ranx m'aborde pour me parler de Sarane Alexandrian dont j'avais retranscrit, deux jours auparavant, quelques passages de ses textes au sujet de Rigaut : "La période de "La Révolution Surréaliste" est symbolisée par la vie de cet homme qui flirtait avec la mort" (Le surréalisme et le rêve, Gallimard, 1974). Sarane Alexandrian est l'un des derniers survivants de l'époque surréaliste. Il a été l'ami de Breton et de Victor Brauner dont il a écrit la biographie. Il dirige également la fameuse revue "Supérieur inconnu" et a écrit de passionnants ouvrages sur l'érotisme et la sexualité. J'ai appris dans son livre "La sexualité de Narcisse" que le marquis de Sade s'évadait mentalement de sa prison en se masturbant frénétiquement tous les jours avec la complicité de sa femme qui lui transmettait les accessoires pour améliorer l'ordinaire d'un onaniste invétéré. Tristan m'a envoyé les coordonnées de Sarane Alexandrian. Hâte de le rencontrer. Son témoignage me sera précieux pour le chapitre : "Les surréalistes et Jacques Rigaut"...


Rubrique nécrologique : le SDH m'apprend la disparition du lettriste et situationniste Jean-Michel Mension alias Alexis Violet : "Si nous sommes quelques uns prêts à tout risquer, c'est parce que nous savons maintenant que l'on n'a jamais rien à risquer et à perdre. Aimer ou ne pas aimer tel ou telle, c'est exactement la même chose."


Fabrice Pascaud d'Arcane 17 m'envoie un mail : "Alexis Violet sera inhumé mercredi à 15h30 au cimetière de Clichy-Sud (92), Rue Chance Milly, métro : mairie de Clichy (communiqué par Janos).
Cordialement
F.P."

Dans un autre message, Fabrice m'informe sur un autre "survivant" de l'époque surréaliste : "Michel Zimbacca est toujours du monde (il est arrivé dans le groupe surréaliste bien avant Sarane), il a entre autres réalisé le film "l'invention du monde" avec Péret. Cet homme discret est fréquemment oublié."

3.5.06

La femme aux gants


Lise Deharme par Man Ray

Lecture ce week-end d'"En Joue!" Ce roman de Philippe Soupault paru en 1925 est INCROYABLEMENT prémonitoire. Julien le personnage principal semble être le double d'Alain Leroy du "Feu follet"... Drieu savait, pas Soupault et pourtant il écrit : "Cette nuit blanche, c'est la fin d'une époque de sa vie. Il va avoir trente ans..."

Longue journée à la BN où j'écoute des heures d'entretiens dont celui de Lise Deharme, égérie de Breton, la femme aux gants bleu ciel dans "Nadja". Des nouvelles infos qui viennent en recouper d'autres... Petit extrait : "Je connaissais Jacques Rigaut, je connaissais Breton, Soupault, je connaissais Desnos surtout, très bien. Et Jacques Rigaut, Lise ? Ouh, Jacques Rigaut, ça c'est une autre histoire..."