30.12.07

Signes





Merci à Jesus Alvarez et Jean-Pierre Hérant qui m'ont envoyé ces "signes".

23.12.07

Un pressentiment

J'espérais naïvement qu'il vive jusqu'à la parution de la biographie de J.R. qu'il aurait aimé lire. L'écrivain Julien Gracq vient de mourir à l'âge de 97 ans. Etrangement, je relisais avec émotion, hier soir, la lettre qu'il m'avait envoyée, dans laquelle il répondait à mes interrogations au sujet du personnage de son roman, Un beau ténébreux. Son écriture en pattes de mouche ressemble à celle de Beckett. Une écriture ramassée, fine et régulière, discrète, comme si son auteur s'excusait de vous écrire. Pour écrire à Julien Gracq, il suffisait de mettre son nom accolé à celui de Saint-Florent-le-Vieil (où il était né et vivait retiré) et le code postal. Le facteur ne se trompait jamais. D'après une dépêche, Gracq aurait succombé à une hémorragie digestive. Dernier clin d'oeil ironique, lui qui écrivit un essai sur la déliquescence du milieu littéraire, intitulé : La Littérature à l'estomac.




" (...) Je ne saurais guère vous dire plus là-dessus, d'autant plus que le temps efface pour l'auteur les origines du livre. Nul doute que votre biographie m'apprendra beaucoup, je vous en remercie d'avance. Julien Gracq" (Lettre du 25 août 2005 à JLB)




"Le jour se lève, ça vous apprendra."



"Il avait ce sens terrible de la destinée."
(Philippe Soupault à propos de Rigaut,
extrait d'un entretien inédit)

Bonne fêtes à toutes et à tous.

22.12.07

Une histoire (hénaurme) d'archives


Jacques Doucet par Cappiello

"Le succès de la dispersion d’une collection René Char par l’étude Renaud-Giquello à Drouot, le 5 décembre, cache une réalité moins reluisante. Jamais ces «aphorismes» et «dialogues», cette suite de manuscrits, livres rares, lettres, dessins, aquarelles ou gravures n’auraient dû être mis à l’encan : ils avaient été donnés par la compagne du poète, disparu en 1988, à la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet. «Cette vente est l’histoire d’un don dédaigné» : Anne Favre-Reinbold avait écrit un texte liminaire destiné au catalogue, finalement abandonné par pudeur. Elle a bien voulu nous en confier le récit.

Fin 2000, elle a offert, sans contrepartie, la totalité des archives accumulées durant les vingt ans partagés à l’Isle-sur-la-Sorgue. Le don «est accepté avec reconnaissance» par cette bibliothèque prestigieuse qui dépend de l’université de Paris. Elle est reçue par un directeur, Yves Peyré, charmant et mondain. Mais il n’ira jamais la voir.

Listes. Anne Reinbold attend une aide pour inventorier cette masse, d’autant qu’elle redoute un peu l’émotion de cette plongée. Rien ne vient. Elle finit par s’y mettre, dressant des listes, dont chaque feuillet sera signé par le directeur, sans voir aucun document. Elle empaquette tout. En novembre, onze mois après son offre, elle reçoit un courrier d’acceptation, dans lequel le recteur, René Blanchet, la remercie de son «précieux concours», lui assurant que, comme requis, sa collection «ne sera jamais divisée, ni séparée de la bibliothèque Doucet». «La bibliothèque est objectivement enrichie et Char ne peut qu’y gagner», s’enthousiasme Yves Peyré, quelques jours plus tard. Mais personne ne vient prendre livraison des cartons. Yves Peyré semble toujours débordé. «Tout a été réglé concernant votre donation, il ne s’agit que de prendre possession au mieux des documents», écrit-il en juillet 2002.

Bobards. Sans nouvelles, cet été, elle rouvre les cartons, et remet les ouvrages en place. Elle en avertit la bibliothèque. En mars 2003, le directeur la prie de tout remettre en caisses. Ce qu’elle fait. Le 8 avril, il promet le transport pour septembre. Toujours rien. On lui raconte des bobards, allant jusqu’à lui parler d’un transporteur qui ne s’est jamais manifesté. Finalement, plus personne ne répondra à ses appels ou courriers. Lassée de tant d’«impéritie des institutions», elle se résigne à une vente, qui rapportera plus de 500 000 euros. «Il s’agissait d’un ensemble particulièrement cohérent», se désole-t-elle. On pouvait y retrouver le parcours du poète, de la notule jetée à l’aube, reformulée en carte postale, jusqu’aux épreuves corrigées. Une eau-forte de Giacometti accompagne une édition originale de Poème des deux années, avec cet envoi : «Pour Anne, des années que les dieux n’ont pas compté pour nous, R.» "


"Suite au récit, paru hier dans Libération, de la compagne de René Char, révélant comment elle s’était résignée à mettre en vente à Drouot les archives de vingt années de vie commune avec le poète, après les avoir offertes en vain à la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, la ministre de la Culture Christine Albanel a exprimé son émotion en «déplorant cette perte pour le patrimoine». Le ministère de l’Education, qui a la tutelle de cette bibliothèque de l’Université de Paris, n’avait cependant pas réagi hier.

Contacté avant la parution de l’article, l’ancien directeur de Doucet s’explique aujourd’hui, en confirmant que cette donation avait été, en 2001, «facilement acceptée». Déménagé depuis à la bibliothèque Sainte-Geneviève, Yves Peyré souligne qu’une de ses collaboratrices est allée aider Anne Reinbold à inventorier ce fonds d’archives. Le fait n’est pas contesté, même si apparemment cette assistance a tourné court.

Yves Peyré reporte son échec sur l’imprévoyance d’un chauffeur-livreur qui aurait «oublié» d’aller chercher les cartons. Contrariée, et «amplifiant» cet incident au-delà du raisonnable, Anne Reinbold aurait alors annoncé que ses projets «étaient changés et défait les cartons». En dépit de «trois à quatre lettres envoyées en 2002 et en 2003 pour dissiper le malentendu et reprendre le fil d’une donation qui était précieuse», Yves Peyré assure n’avoir «pas une seule fois obtenu de réponse».

L’intéressé, qui n’est pas très sûr du nombre de courriers et se trompe de plusieurs années sur les dates, a dû garder une mémoire embrouillée des événements. Libération dispose d’une copie des courriers envoyés pendant des années par Anne Reinbold afin de concrétiser sa donation, et des réponses espacées, cavalières et dilatoires, du directeur de la bibliothèque, qui se plaint constamment d’être débordé dans son travail. Il a raison néanmoins de juger «cette histoire aussi triste que curieuse dans ses développements»."

Source : Libération du 20 et 21 décembre 2007

20.12.07

Suicidés de la littérature

Lever aux aurores hier pour prendre le train Paris-Caen où se trouve l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) qui abrite des fonds d'archives d'auteurs, d'éditeurs et des acteurs de la vie littéraire contemporaine. C'est à l'IMEC que j'ai créé le fonds Emmanuel Bove. Les auteurs devraient de leur vivant déposer leurs archives dans ce genre d'institut, accompagnées de directives précises quant à l'exploitation éditoriale de leur oeuvre. Cela éviterait bien des imbroglios posthumes où les ayants droit se déchirent autour de manuscrits et autres artefacts littéraires. J'ai passé donc ma journée dans cette imposante abbaye d'Ardenne qui abrite la salle de lecture. Les précieuses archives se trouvent dans un autre bâtiment souterrain qui communique également souterrainement avec l'abbaye. Je n'ai malheureusement pas trouvé ce que j'étais venu y chercher : la fiche d'abonné du lecteur J.R. En revanche, j'y ai trouvé une émouvante lettre de Martin Kay qui raconte sa découverte en 1965 d'autres archives, celles de Jacques Rigaut, quelques feuilles manuscrites et correspondances qu'avait conservées le frère de J.R. qui venait de décéder dans un accident de voiture. Pour finir, j'aimerais rendre hommage à l'éditeur et ex-président de l'IMEC, Christian Bourgois qui vient de disparaître. En 1974, avec Eric Losfeld, il publia dans sa fameuse collection 10/18 le recueil des textes de Cravan, Rigaut et Vaché sous le titre : Trois suicidés de la société.





Entre Paris et Caen


L'abbaye au petit matin


La salle de lecture dans l'abbaye

17.12.07

J.R : l'homme de l'année 2007

3:AM NOVEL OF THE YEAR 2007
Our novel of the year could have been Tom McCarthy’s Men in Space, Matthew De Abaitua’s The Red Men or Steven Hall’s Raw Shark Texts, but we had to choose only one and that one is David Lalé’s remarkable but strangely-overlooked Last Stop Salina Cruz (Alma Books).

3:AM NON-FICTION BOOK OF THE YEAR 2007
Tom Bradley’s Fission Among the Fanatics.
A literary giant among pygmies.

3:AM ALBUM OF THE YEAR 2007
Puerto Merto’s Heaven & Dirt: Requiem For the Texas Chainsaw Massacre (Fire Records).
Divine sleaze.

3:AM MAGAZINE OF THE YEAR 2007
Bad Idea
Everyday life, extraordinary tales. Indie publishing at its most ambitious.

3:AM PUBLISHER OF THE YEAR
Akashic Books
A decade of reverse-gentrification of the literary world.

3:AM WEBSITE OF THE YEAR
Dazed Digital
At long bloody last.

3:AM BLOG OF THE YEAR 2007
L’Excentré Magnifique
Jean-Luc Bitton’s site dedicated to his work-in-progress on literary suicide Jacques Rigaut.

Source : 3:AM MAGAZINE

16.12.07

Bday


My Gladys gave me a flask...

15.12.07

Hasard objectif

Bonjour Jean-Luc,

Je découvre, ce matin, qu'E. Breton, marbrier de son état, figure dans la liste des Breton abonnés aux réseaux téléphoniques de Paris en 1917-1918, qu'André Breton utilisa pour sa lettre-collage à Jacques Vaché (Cf. L'imprononcable jour de sa mort - Jacques Vaché - Editions Jean-Michel Place).Nord.... 13.40 Breton (E.) mon. funèb., av Cimetière-Parisien, 23, Pantin. On ne sort jamais du cercle...

La liste en question n'est pas reproduite dans la lettre-collage à Vaché, mais dans la revue Cannibale (mai 1920) sous le titre PSST.

La famille de Crevel n'y pouvait rien, la messe était dite, la réalisation du caveau étant antérieure à sa mort. Une nouvelle "visite" s'impose pour préciser la date de l'ouvrage d'E. Breton (probablement en 1914, année du suicide du père de Crevel). On est saisi d'un certain malaise lorsque l'on découvre le nom de René gravé sur un caveau de famille, à proximité d'une grande croix. Étrange compagnie en égard à sa vie (rejet du cercle familial), à ses écrits, ses engagements. La mort a des outrages, mesquins.

à suivre donc.

Renseignements pris, l'ouvrage du marbrier Breton date probablement de juillet 1914, à l'heure du décès du père de Crevel, Paul. En mai 1920, André Breton passe donc en revue ses "homonymes" dans la revue Cannibale et rencontre Crevel en novembre 1921. Hasard plus ou moins objectif, donc. Breton ne craignait pas d'enfiler les raisons sociales (je pense au [Bois&Charbons] avec Soupault). Alors pourquoi pas celle-ci, malgré lui.



ps. Michel Carassou nous livre, dans sa biographie de Crevel, les derniers instants:[...] puis griffonne quelques mots sur un papier qu'il épingle au revers de sa veste "Prière de m'incinérer. Dégoût". Nul n'aura entendu cette ultime adresse. Les fiches du conservatoire du cimetière de Montrouge indiquent que Crevel ne l'a pas été.

Nouvel élément troublant qui m'avait échappé. Au rez-de-chaussée de l'Hôtel des Grands Hommes (résidence de Breton de septembre 1918 à juillet 1920) la Maison Borniol... pompes funèbres (il y a semble-t-il une expression "va te faire voir chez Borniol" pour va au diable). Sur le forum Languefrançaise.net on peut lire: Je confirme l'origine de borniol (mais je ne connais pas son orthographe exact) comme venant des pompes funèbres du même nom et qui, dans le milieu théâtral et audiovisuel, représente un morceau de coton gratté (en général)noir utilisé pour masquer une source lumineuse, un élément indésirable (pied de caméra sur un plateau par ex) etc... Vraiment troublant au plan de l'occultation, non? Georges Sebbag résume fort bien dans [l'imprononçable jour de sa mort] le don d'André Breton (dans le cas de la lettre-collage à Vaché, mais qui fonctionne ici): pressentir un passé qu'on ignore (E.Breton « constructeur de l'ultime « demeure » de Crevel).

Cordialement,

Emmanuel


9.12.07

Rigaut si é fermato a Amalfi

Travelling sur la côte d'Amalfi (Italie)




"L'été suivant, je me trouvais en Italie, sur le petit bateau d'un ami dans le golfe de Naples." (Ecrits, Jacques Rigaut) J.R. s'est arrêté à Amalfi...Il est decendu à l'Albergo della Luna où j'espère bientôt faire un pélerinage. L'auberge de la Lune est un ancien couvent byzantin qui fut la demeure d'Ibsen et de saint François d'Assise. Si vous voulez voir la vue qu'avait Jacques Rigaut de sa chambre, cliquez ici. (Merci à Emmanuel pour la vidéo de la côte amalfienne)

Ai revu hier, lors d'une soirée, le réalisateur Philippe Collin qui a été l'assistant à la mise en scène sur le Feu follet de Louis Malle. Il y fait également une figuration, dans la scène des toxicomanes on le voit (fugitivement) caché dans un placard comme allongé dans un cercueil. Il m'apprend qu'une édition américaine du Feu follet est en cours avec un bonus différent de l'édition française dont des entretiens avec Alexandra Stewart et lui-même.

7.12.07

Arrêt sur image





Jacques Rigaut en 1926
dans le film "Emak Bakia" de Man Ray

Alliance ou pas alliance?
Marque du costume?
Lord Patchogue en arrière-plan?
Le tableau accroché au mur?
Etc.

29.11.07

Rimbaud & Rigaut sont dans un bateau...


Rimbaud à New York par David Wojnarowicz

"Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. Et je l'ai trouvée amère. Et je l'ai injuriée." (Arthur Rimbaud)

"J'ai trouvé un jour ma chemise assise sur mes genoux, je l'ai appelée Beauté. Je suis depuis un peintre de chemises." (Jacques Rigaut)

Drieu ne se rappelait pas si Rigaut lui avait parlé de Rimbaud. Une chose est sûre, il l'avait lu. J'ai déjà évoqué ici mon admiration pour le travail de Jean-Jacques Lefrère, le biographe de "l'homme aux semelles de vent" qui vient de publier une nouvelle édition de la correspondance de Rimbaud chez Fayard.

A lire, un entretien de Jean-Jacques Lefrère sur Florilettres où il raconte quelques anecdotes de recherches...

Extrait :

[...] suivre les dernières pistes pour tenter de retrouver des lettres inédites ; donner, non seulement les lettres de Rimbaud, mais celles de ses correspondants, souvent révélatrices et contributives à la connaissance sur le poète (ou l’ancien poète) ; vérifier, chaque fois que cela était possible, sur le manuscrit, le texte de toute lettre, et ce même si la fidélité au texte original était « garantie » par les précédents éditeurs. J’ai eu pas mal de surprises dans ce domaine : ainsi, dans le Fonds Doucet — c’est-à-dire dans une des plus grandes et des plus accessibles bibliothèques publiques parisiennes — seules la première et la quatrième pages d’une lettre adressée à Rimbaud avaient été publiées, avec un texte donné comme s’il s’agissait d’un ensemble : or les deux pages centrales étaient restées inédites parce que le scholiaste qui copia jadis le texte — ou plus probablement le fit copier — omit simplement d’ouvrir le feuillet. Et au cours des quatre ou cinq dernières décennies, nul ne s’était donné la peine d’aller vérifier... [...]

25.11.07

A tribute to Maurice Ronet





J'ai lu que Maria Pacôme venait de publier ses Mémoires sous la forme d'une fiction autobiographique. Je serais curieux de savoir si elle évoque dans ses souvenirs Maurice Ronet avec qui elle a été mariée durant six ans.

22.11.07

Pot pourri




Une biographie n’est jamais achevée. Maurice Thorez n’aurait pas pu dire :”Il faut savoir finir une biographie !”. Voilà pourquoi l’expression même de “biographie définitive” est absurde. (citation extraite du blog de Pierre Assouline)

Cher Jean-Luc,
Vous m'oubliez, vous m'oubliez!
Quelques nouvelles de vous me feraient plaisir.
Où en êtes-vous?
Bien amicalement.

Olivier Rubinstein

17.11.07

Saint Jacques


Jacques Rigaut crucifié par Man Ray

"De nombreux martyrs suspendus à des croix vivent de longs jours; et les larrons étaient encore en vie, si bien que Pilate s'étonne que le Christ fut mort. Son âme, expliquait saint Augustin, n'a pas quitté son corps sous la contrainte, mais parce qu'il l'a voulu, quand il l'a voulu et comme il l'a voulu."
(Biathanatos, John Donne)

Encore un après-midi fructueux à la BN... Quelques belles découvertes dont deux citations inédites de J.R, l'une quelques jours avant sa mort. Des citations rapportées par son ami Soupault, habitué de la tradition orale, à qui l'on doit la célèbre phrase de J.R. mise en exergue de ce blog : " Mon livre de chevet, c'est un revolver." J'imagine Soupault notant dans son carnet les aphorismes cinglants de son ami Jacques.

Index

13.11.07

Miroir & Revolver


Petite annonce dans le carnet du "Monde" du 9 novembre 2007


À la Closerie des Lilas, Alfred Jarry, pour aborder une dame, sortit son revolver, tira dans un miroir, puis déclara : « Madame, maintenant que la glace est rompue, nous pouvons causer... »

12.11.07

Des nouvelles de Daniel (2)




("Le Feu follet" album NIJINSKY, 1994)

11.11.07

Une valise pleine de livres


Dédicace de Crevel à Jacques Rigaut

La valise n'était pas si vide que ça. Après-midi fructueux hier à la BN. En suivant une piste, je découvre que Rigaut faisait partie d'un des plus prestigieux cabinets de lecture parisien. Je dispose de son numéro d'abonné et ai localisé les archives de ce cabinet de lecture où avec un peu de chance je pourrais y trouver sa fiche d'abonné avec la liste détaillée des livres que Rigaut a lus. Autre découverte : Maurice Barrès était obsédé par le suicide. On comprend mieux la réponse de Rigaut lors du procès Barrès...

6.11.07

La dernière nuit (2)





Le lendemain à midi, une infirmière de la clinique le trouve étendu sur son lit, un revolver à ses côtés et une règle avec laquelle il mesura méticuleusement l’endroit du cœur. Un oreiller pour amortir la détonation et un drap de caoutchouc pour éviter les taches : « J’avais armé le chien, je sentis le froid de l’acier dans ma bouche. » Jacques Porel prévenu du suicide de son ami se rend après de lui : « Il était très beau sur son lit. Calme et simple. Sur son visage, l’expression de celui qui a, enfin, atteint l’étape ou qui a trouvé la solution au problème. Il avait l’air de me dire : - Pardonne-moi, mon Coco, mais c’était si fatiguant de vivre ! Souvent, je pense à lui. Il m’arrive même de le voir, la nuit, quelque part, dans l’air…Et qui me fait des signes, de grands signes d’amitié. » On trouvera à côté du lit de Rigaut, dans une valise soigneusement rangée, une liasse de manuscrits. En 1931, Raoul de Roussy de Sales et Théodore Fraenkel envoient des bulletins de souscription pour financer une publication des écrits de Rigaut, sans succès. Il faudra attendre 1934 pour que paraisse aux éditions « Au sans pareil » Papiers Posthumes de Jacques Rigaut : « Splendeur de ma voix qui s'élève seule, seule, dédaigneuse de toute oreille, faite pour aucune (...) Je frémis au sommet du mot seul, sur une limite aussi pathétique que le tournoiement du derviche hurleur, ou du chancellement du boxeur avant qu'il s'écroule, ou de l'avion qui pique en flammes. »
("Salut à Jacques Rigaut", NRF, octobre 2004)

5.11.07

La dernière nuit (1)


Le 5 novembre 1929, Rigaut quitte la clinique pour Paris. Il va au théâtre avec les Porel, dîne avec eux , puis s’engouffre dans un taxi « pour un rendez-vous important avec des amis ». Personne ne sait ce qu’a fait Lord Patchogue pendant ses dernières heures.

1.11.07

Jean Jacques



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J'ai déjà évoqué l'admiration de Jean Eustache pour Jacques Rigaut auquel il rendit hommage très discrètement dans son film culte "La maman et la putain". Après Paris, c'est la cinémathèque de Toulouse qui propose une rétrospective intégrale des films d'Eustache.

TOULOUSE (AFP) - La Cinémathèque de Toulouse propose en novembre une rétrospective intégrale de l'oeuvre de Jean Eustache, dans le cadre d'une programmation entamée en octobre et intitulée "France années 70". Douze films de ce réalisateur marqué par la Nouvelle vague mais extrêmement indépendant seront projetés, dont "La maman et la putain" avec Jean-Pierre Léaud, prix spécial du jury au festival de Cannes, qui lui apporta la célébrité en 1973. Jean Eustache, qui s'est donné la mort en 1981 à 43 ans, a construit en une quinzaine d'années une oeuvre originale, alternant très longs et courts métrages, passant d'un double récit de voyeurisme avec Michaël Lonsdale ("Une sale histoire" en 1977) à un documentaire sur l'art de transformer le cochon en charcuterie ("Le cochon" en 1970)."Obsédé par l'idée d'enregistrement, il n'a jamais fait que les films qu'il voulait, tous plus ou moins autobiographiques, entre fiction et document, toujours à la recherche de l'équilibre parfait et précaire entre le réel et sa représentation", écrit la déléguée générale de la Cinémathèque Natacha Laurent dans la présentation de la rétrospective. Une trentaine de films emblématiques de cette période sont projetés dans le cadre de "France années 70".

"Merci. Je pars."

"Comme dans le film Le Feu follet : le passage avec Jeanne Moreau, où Maurice Ronet la revoit et lui dit : "Qu’est-ce qu’il sont devenus, nos amis ?". C’est devenu Mes Amis, dans l’album : "Oh, tu sais, ils se marient, ils se suicident, ils font n’importe quoi !". Avec la voix de Jeanne Moreau qui est sublime."(Extrait d'une interview de Daniel Darc)





Extrait du film "Le Feu follet"

31.10.07

My last minute



Merci à Julien Chabot qui m'a envoyé ce lien où l'on voit Léos Carax mettre en scène sa "dernière minute". Un moment ultime dont l'humour noir n'aurait pas déplu à J.R.
Sur son blog, Julien nous fait également partager sa découverte du roman de Drieu : Le Feu follet.

27.10.07

Dans la ville du boxeur-poète

Après Nantes pour Jacques Vaché, je me devais de réaliser un modeste pélerinage littéraire dans la ville qui a vu naître "le poète aux cheveux les plus courts du monde" et neveu d'Oscar Wilde : le mythique et génial Arthur Cravan, troisième "suicidé de la société" (selon la formule d'Artaud au sujet de Van Gogh, reprise par Eric Losfeld pour Cravan Vaché Rigaut). Comme d'habitude le son est pourri, le phrasé maladroit et l'image hésitante, mais peu nous importe! Je dédie ce petit film amateur à Martin Kay et remercie les lecteurs du blog Rigaut qui m'ont envoyé des messages de soutien et de sympathie suite à sa disparition.





Texte : Autobiographie par Arthur Cravan

23.10.07

"La vie est dangereuse : la preuve c'est qu'on finit par en mourir."


Martin Kay à l'exposition Dada, Paris le 10 novembre 2005.

L'automne par Martin Kay.

"Feuille de vigne" par Martin Kay.


Le fils de Martin Kay vient de m'apprendre le décès de son père. Martin Kay est mort dans la nuit de dimanche à lundi d'un cancer foudroyant. Il y a un mois à peine, Martin m'avait appelé pour bavarder de notre ami commun J.R. Il m'avait promis de lire mon manuscrit. Martin me soutenait dans mon travail biographique et ce soutien m'était précieux. Il me manque déjà. C'est grâce à lui qu'on peut lire aujourd'hui les "Ecrits" de Jacques Rigaut parus chez Gallimard en 1970. C'est aussi grâce à lui que j'ai décidé de me lancer dans cette folle biographie de Lord Patchogue. Martin Kay sera incinéré ce jeudi. Ayez une pensée pour lui.


"Prénom : Martin
Nom : Kay
Né en 1941 à Kendal près de Liverpool
Signe particulier : toujours dadaïste au XXI ème siècle

Rendons hommage à Martin Kay sans qui rien ne serait arrivé. Avant d'être expulsé de France en mai 68, Kay a passé plusieurs années à travailler sur la vie et l'oeuvre de Jacques Rigaut. En stop, à vélo, il a parcouru Paris et l'Hexagone pour rencontrer les derniers témoins du mouvement Dada : Ribemont-Dessaignes, Soupault, Pierre de Massot, Georges Auric, Man Ray, Jacques Baron, Marcel Duchamp, Paul Chadourne... Il s'est également rendu chez le frère de Jacques Rigaut (qui venait de mourir) pour déchiffrer et retranscrire des manuscrits inédits de J.R., disparus aujourd'hui. L'éditeur (entre autres de Jean-Pierre Duprey et Stanislas Rodanski) François Di Dio (récemment décédé) lui confie alors la liasse de manuscrits qu'a laissée J.R à sa mort. L'aboutissement de ce travail de sauvegarde littéraire sera l'édition intégrale des écrits de Jacques Rigaut chez Gallimard en février 1970. Sur la page de garde de mon exemplaire, Martin Kay m'a écrit cette dédicace : "La vie est dangereuse : la preuve c'est qu'on finit par en mourir." " (Post du 11 novembre 2005)

18.10.07

Did you see my cane?



Ceux qui suivent ce blog se souviendront de l'énigme linguistique à laquelle j'avais consacré en juillet 2005 (deux ans déjà!) plusieurs posts pour conclure (avec l'aide de quelques lecteurs fidèles) que le mot "cane" en argot américain signifiait cocaïne... Ce soir alors que je m'installe confortablement pour regarder le documentaire culte "Don’t Look Back" de Pennebaker, qui filme Bob Dylan en 1965 lors d'une tournée en Angleterre, je sursaute dès les premières images en entendant (et en lisant les sous-titres) Robert Zimmerman prononcer le mot "cane" A voir ci-dessous... Merci à Daniel Darc qui m'a procuré ce DVD.



Lectures





"Il n'y a que les routes pour calmer la vie." (Roger Nimier)

"L’écrivain Roger Nimier s’est tué vendredi soir en voiture, à l’âge de 36 ans, sur l’autoroute de l’ouest. Dans son Aston Martin qui s’est écrasée à très grande vitesse sur le parapet du pont qui enjambe le carrefour des RN 307 et 311, à la Celle Saint Cloud, avait pris place la jeune romancière Sunsiaré de Larcône, 27 ans, qui est morte elle aussi. La voiture, qui roulait à plus de 150 à l’heure en direction de la province, se trouvait sur la gauche de la chaussée, lorsqu’elle vira brusquement à droite en amorçant un « freinage à mort ». Elle faucha sept énormes bornes de béton avant d’aller s’écraser contre le parapet du pont... Nimier avait eu déjà une Jaguar et une Delahaye. Ses voitures étaient ses jouets préférés. Il en parlait longuement. Il écrivait à leur propos. Dans un de ses livres, il décrit un accident d’auto." (Le Journal du Dimanche du 30 septembre 1962)

17.10.07

Singulier




Françoise Sagan nous parle d'Alain, le héros du Feu follet... (Merci à Seryeuse) On trouve l'intégralité de cet entretien dans le bonus du DVD du film de Louis Malle. Henri Graetz, musicien dadaïste belge, m'apprend qu'Edouard Levé était le protagoniste du livre de Valérie Mréjen : L'agrume, publié chez Allia en 2002. J'avais beaucoup aimé ce petit livre qui racontait une "histoire" amoureuse du début à la fin dans laquelle l'Autre est toujours nommé à la troisième personne du singulier masculin.

16.10.07

Un village


Entrée d'Angoisse par Edouard Levé

"L'écrivain plasticien Edouard Levé se serait suicidé
lundi 15 octobre en soirée. Peu de temps auparavant,
il a remis à son éditeur P.O.L. (qui aurait beaucoup
aimé) un manuscrit retraçant un suicide dont tous les
détails se sont révélés volontairement prémonitoires
donc précisément mis en acte..." (courriel de F.C.)

"Adolescent, je croyais que La Vie mode d'emploi m'aiderait à vivre, et Suicide mode d'emploi à mourir. " (Edouard Levé)


Presque simultanément, deux amis ce soir m'apprennent le suicide d'Edouard Levé. Je l'avais croisé plusieurs fois sans oser lui dire que son travail me plaisait. Il avait entre autres réalisé une série de portraits homonymes d'artistes et d'écrivains avec prénoms et noms trouvés dans l'annuaire comme celui d'Emmanuel Bove...

"Cherchant son chemin sur un atlas routier, une amie remarque un village nommé Angoisse. L'atlas refermé, elle ne parvient pas à le retrouver.Un mois plus tard, je me rends dans un bureau de poste. Je retrouve Angoisse. Je m'y rends. J'y passe trois jours. Je photographie les lieux : l'entrée d'Angoisse, l'école d'Angoisse, les maisons d'Angoisse. Le terrain de sports d'Angoisse, la base de loisirs d'Angoisse, la discothèque d'Angoisse...Rien d'extraordinaire si ce n'est le nom. Ce village français est moyen : un archétype sans qualités comme en traversent souvent les routes départementales.Pourtant, à regarder de plus près ces rues vides, ces maisons aux façades muettes, ces abords neutres, il suffit de prononcer "Angoisse" pour que les choses se parent d'une inquiétante étrangeté.
Le village entier obéirait-il à son nom comme une injonction ?" [Edouard Levé)

13.10.07

Admiration



D'une tempe à l'autre
le sang de mon suicide virtuel
s'écoule

noir, vitriolant et silencieux

Comme si je m'étais réellement suicidé

les balles traversent jour et nuit
mon cerveau

(L'inventeur de l'amour, Ghérasim Luca)

11.10.07

Attendons un peu...

PHILIPPE SOUPAULT ET LE SURREALISME
série, Témoins de Bertrand Tavernier
documentaire (1982)avec Jean AURENCHE.




J'avais déjà posté cet extrait du film de Tavernier où Soupault s'explique sur son "Invitation au suicide". Le lien d'avant étant inactif, je remets en ligne cet extrait. Merci à Eric pour la piqure de rappel.

7.10.07

Tiroir




C'est rageant de savoir que quelque part dans Paris dort dans le tiroir d'un collectionneur l'unique exemplaire peut-être de L'invitation au suicide qui a survécu à l'autodafé organisé par son auteur.

29.9.07

Dans le texte (2)



Ce texte paru dans Littérature en mars 1921 est la troisième publication de J.R.

"On n’a fait tant de place à l’amour que parce qu’il dépassait en utilité le reste des choses. A mesure que l’argent se fait plus nécessaire, plus exigeant, il devient plus admirable, plus aimable, comme l’amour. – On pourra soutenir le contraire avec autant de bonheur. – Je supporte plus facilement ma misère dès que je songe qu’il y a des gens qui sont riches. L’argent des autres m’aide à vivre, mais pas seulement comme on suppose. Chaque Rolls Royce que je rencontre prolonge ma vie d’un quart d’heure. Plutôt que de saluer les corbillards, les gens feraient mieux de saluer les Rolls Royce.

Penser est une besogne de pauvres, une misérable revanche. Quand je suis seul, je ne pense pas. Je ne pense que quand on m’y force ; les contraintes, le petit examen à préparer, les exigences paternelles, ce métier qu’il va falloir subir, tout effort salarié me mènent à penser, c’est-à-dire à décider de me tuer, ce qui revient au même. Il n’y a pas trente-six façons de penser ; penser, c’est considérer la mort et prendre une décision. – Autrement, je dors. Eloge du sommeil ! pas seulement le magnifique mystère de chaque nuit, mais l’imprévoyante torpeur. Mes compagnons de sommeil, c’est près de vous que j’imagine une existence satisfaisante. Nous dormirons derrière le clapotis de nos cylindres, nous dormirons les skis aux pieds, nous dormirons devant les villes fumantes, dans le sang des ports, au-dessus des déserts, nous dormirons sur les ventres de nos femmes, nous dormirons à la poursuite de la connaissance, armés de tubes de Crookes et de syllogisme, – les chercheurs de sommeil.

Quand je roule dans ma n HP, que les poètes prennent garde, qu’ils ne s’attardent pas sur les refuges des avenues, sans quoi je pourrais bien en faire quelques faits divers ! Ce penseur dédaigne les dollars, bien sûr ! il tient dans sa main des réalités aussi immédiates, bien sûr ! En attendant, il est là, sur un trottoir, un numéro à la main, sollicitant une place dans un autobus, et comme je passe près de lui dans ma voiture et que je souris de plaisir en l’éclaboussant, lui et quelques autres mal nourris, il murmure :

– Imbécile !

– Toi même ! je dors. Toi, dans ton bureau, tu t’irrites ou tu t’ennuies, tu penses à la mort, sale victime ! L’amour, ton intelligence ! tout de même, on se laisser aller à quelque indulgence pour ces femmes, quand on se rappelle quels rivaux elles ont données à leurs poètes d’amants ! Attendez un peu que je sois l’homme le plus riche du monde et vous verrez qui sera préposé aux ignobles besognes chez moi ! Taisez-vous ! Les penseurs panseront mes autos ! Riez maintenant ! Ne sentez-vous pas le mérite de mes millions ; qu’ils sont la grâce ? J’aurai enfin la première balance exacte ; je sais le prix des choses, tous les plaisirs sont tarifés. Consultez la carte. Love to be sold. Me voici assure contre les passions ! Le consentement des gens, je m’en passe, et si les sacrifices et l’à contre-coeur, le remplacent, je me frotte les mains.

Un homme qui me veut du bien, mais qui a vingt ans de plus que moi, m’offrait comme moyens d’existence, afin de ne pas m’écarter de cette vie spéculative pour quoi j’avais témoigné tant de dispositions, tu parles ! de classer des fiches dans une bibliothèque et de composer une anthologie des pensées d’un grand capitaine ou d’un monarque. D’effarement, je ne pus répondre à ce brave homme que j’espérais bien passer en Cour d’Assises avant d’en être réduit à de pareils travaux. Dieu soit loué ! il y a la Bourse, dont l’accès est libre même à nous qui ne sommes pas juifs. Il y a d’ailleurs bien d’autres façons de voler. Il est honteux de gagner de l’argent. Comment les médecins peuvent-ils ne pas rougir quand un client pose un billet sur leur table. Dés qu’un monsieur se met dans le cas d’accepter d’un autre quelque argent, il peut s’attendre à ce qu’on lui demande de baisser son pantalon. Si on ne rend pas de service bénévolement, pourquoi en rendrait-on ? Je vois bien que je volerais par délicatesse.

La petit V vient d’épouser un riche garçon ; elle l’aime. Ce n’est pas son argent qu’elle aime, elle l’aime parce qu’il est riche. La richesse est une qualité morale. Les yeux, les fourrures, la santé, les jambes, les mains, la 12 Packard, la peau, la démarche, la réputation, les perles, les partis-pris, le parfum, les dents, l’ardeur, les robes qui sortent de chez le grand couturier, les seins, la voix, l’hôtel Avenue du Bois, la fantaisie, le rang dans la société, les chevilles, les fards, la tendresse, l’adresse au tennis, le sourire, les cheveux, la soie, je ne fais pas de différence entre ces choses, et aucune d’entre elles n’est moins capable de me séduire que les autres.

On n’a jamais vécu que de possibilités et c’était tout de même autre chose que le balcon de Juliette, ce petit cube bleu qui circulait – à des épaisseurs variables – d’un joueur à l’autre sur le tapis vert de la salle Baccara. Un gros coup. Autour de la table, les visages fonctionnaient, les sourires se déclenchaient avec peine, puis s’immobilisaient des doigts qui tremblaient. J’ai deviné ce qu’était le respect quand j’ai vu, au petit matin, cette femme qui emportait dans son sac plusieurs années d’insolence, rencontrer sur la route, en sortant du casino, les pêcheuses de crevettes, qui revenaient de la mer, mouillées, chargées de filets, les pieds nus.



Jeune homme pauvre, médiocre, 21 ans, mains propres, épouserait femme, 24 cylindres, santé, érotomane ou parlant l’annamite. Ec. Jacques Rigaut, 73, boulevard du Mont-parnasse, Paris (6e)."

("Roman d'un jeune homme pauvre", Jacques Rigaut)

28.9.07

Cachez ce cercueil que je ne saurais voir



Jacques Rigaut, créateur et administrateur principal de « L’agence générale du suicide », une société reconnue d’utilité publique au capital de 5 000 000 francs, qui offrait aux indigents le suicide à 5 fr. par pendaison, aurait souri de cette dépêche publiée dans le quotidien 20 minutes Genève du 27 septembre 2007.

27.9.07

Dans le texte



Voici le premier texte paru de Jacques Rigaut dans la revue Action, en juillet 1920.

"Grimpé sur mon piano, je suis l’Antéchrist coiffé d’un entonnoir de gramophone. Triomphant, j’entre en sautant sur la tête dans le hall du Péra-Palace de Constantinople et je fais tourner avec mes orteils une crécelle géante. Dieu vous bénisse, bourriques de clair de lune !
Prestige de la démence ! Faire une chose qui soit complètement inutile — un geste pur de causes et d’effets. Jusqu’ici — comme ailleurs celui de la pesanteur — c’est le règne de l’utilité ; désormais par l’absurde je vais m’évader...
Je recommence. C’est comme si j’étais seul au monde. Événements de moi seul nés, de moi seul visibles ; la glace en oublie de refléter mon image. Nu, jusqu’à avoir perdu chair, os et toute consistance. Baignant sans effort (non pas au cœur d’un pauvre Rigaut) au cœur des choses. Étonné de l’existence indépendante et contradictoire de ce Rigaut qui se jauge faussement à son raisonnement ou à sa connaissance.
M’y voici. J’y suis. Ici au sein de cette conscience, j’emplis mes poumons d’un oxygène consumpteur mais qui rend l’air, ailleurs, irrespirable. Hors de cette pureté, tout est égal, toutes valeurs égales et il n’importe pas que je sois ministre ou portier. Ici, mes amis (mes amis, ai-je dit ?) ne me suivront pas. Et où nous joindrons-nous ? Il n’y a plus à présent, entre nous, de possibilité d’échange ou de communication.
Fatale, valide et légitime Immobilité. (L’Inde n’est pas si loin.) Moi le plus bel ornement de cette chambre aussi vivant que la lampe et que le fauteuil !
*
L’orgueil amer de se sentir sans origines. Creux comme un mirliton, je circule à l’incertaine poursuite de tout ce qui pourrait remplir cette concavité. — Avidité et aridité ne se séparent que d’une petite lettre —. Sans but, cela va de soi, mais les autres savent s’en tenir à leur maison, à leur chambre ; sans maison sans racines. A ma place pas plus et pas moins, dans ton lit ô Rosalinde, qu’au cloître, ni près d’amis que seul.
Mon ventre est intact. Je n’ai pas de nombril, pas plus qu’Adam. Sans origine.
*
Il est bien évident que je suis nul. Me suis-je assez moqué des mots « cœur » et « âme » pour découvrir avec pâleur, un beau matin, qu’il ne m’en restait plus ! Je n’imagine rien d’aussi sec que moi. Je ne tiens à personne ni à rien. Je n’attends rien.
Je me rappelle avoir éclaté de rire. Je me rappelle avoir eu l’échine glacée à la pensée de la gloire. Je me rappelle avoir été ardeur d’amour. Il n’y a plus aucune vie en moi. En dehors de l’ennui je ne me trouve pas, je n’ai pas de place.
Tout a été surfait ! Surfaite la guerre ! Surfaits les « paradis artificiels » ! Et l’amour donc !...
Quel coup ! Mais on vivrait. Il n’y a au monde qu’une seule chose qui ne soit pas supportable : le sentiment de sa médiocrité."

("Propos Amorphes", Jacques Rigaut)

26.9.07

La dernière lettre


André Gorz et sa femme Dorine


Le philosophe, cofondateur du «Nouvel Observateur», et sa femme, Dorine, se sont suicidés.


Lettres à D. Histoire d’un amour (1), paru en septembre 2006, sera son ultime texte. A 84 ans, André Gorz a choisi de partir avec Dorine, 83 ans, sa femme. «Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l’autre. Nous nous sommes dit que si, par impossible, nous ­avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble.» C’était la fin du livre. Hier, sur la porte de leur maison de Vosnon, dans l’Aube, où le couple s’était retiré depuis une vingtaine d’années, un simple message sur la porte : «Prévenir la gendarmerie». Une amie s’en est chargée. Ils reposaient tous deux côte à côte. Lettres à D., qu’André Gorz racontait avoir écrit en pleurant, disait toute la passion et la reconnaissance qu’il avait pour D., Dorine.
«Long dialogue». Au soir d’une carrière bien remplie de philosophe et de journaliste, André Gorz ne pensait qu’à elle, seulement à elle, qui l’avait soutenu toutes ces années dans l’ombre. Il fallait en léguer une image pour qu’elle lui survive. «Cette présence fut décisive dans la construction d’une œuvre dont la visibilité ne porte qu’un nom alors qu’elle fut celle d’un couple, le fruit d’un long dialogue.» De traces biographiques, il ne reste que les siennes à lui, mais il faut toujours voir D. dans ses pas.
André Gorz a eu plusieurs identités, même si pour D., «il a toujours été Gérard». Né à Vienne en février 1923 de père juif et de mère catholique, sous le nom de Gérard Horst, il s’exile à Lausanne au moment de l’Anschluss. C’est en Suisse, où il étudie la chimie, qu’il rencontre Jean-Paul Sartre, venu donner une conférence en 1946. Si le philosophe l’encourage à travailler sur son essai philosophique, Fondements pour une morale, cette somme ne sera finalement publiée qu’en 1977.
L’existentialisme sartrien correspond à son expérience vécue, celle d’un être «injustifiable» qui, dans son premier livre publié, le Traître (1955), longuement préfacé par Sartre, tente de «se restituer tout, comme venant de lui-même».
Après la période sartrienne - qui l’a vu aussi concevoir la plupart des numéros des Temps modernes de 1967 à 1974, ne quittant le comité de rédaction qu’en 1983 -, Gorz intègre à la philosophie morale et existentielle une dimension sociologique et économique. En ce sens, les Adieux au prolétariat (1980) marquent une nouvelle saison de la réflexion particulièrement féconde, puisque Gorz, de façon quasiment prophétique, annonce la fin de la centralité du travail industriel dans les sociétés capitalistes. Dès lors, rares sont les analyses des métamorphoses du travail qui ne réfèrent pas à celles d’André Gorz. Et quand des thèmes comme «la fin de la modernité» ou la «crise de la raison» deviennent quasiment des slogans, il insiste, lui, sur la crise, et la fin d’une rationalité économique dont le propre est de se renverser, de provoquer la cassure verticale des vieilles agrégations sociales (les «classes»), et de laisser ­apparaître de nouvelles élites hyperproductives, seules aptes à bénéficier des services. Aussi finit-il par montrer que l’immatériel, favorisé par la généralisation des outils informatiques, devient la forme hégémonique du travail et le «poumon» de la création de valeur. Toute la tentative d’André Gorz aura été d’étudier les conditions auxquelles une société peut récupérer son contrôle sur l’économie. Son dernier essai, l’Immatériel, explorait le potentiel de subversion, de gratuité et de ­liberté qu’il y a dans l’économie de l’immatériel.
Grand reporter. Parallèlement à son œuvre philosophique, Michel Bosquet (Bosquet, traduction française de Horst) poursuit une carrière de journaliste amorcée à Paris-Presse, puis à l’Express. Il suit Jean Daniel lorsque celui-ci transforme, avec Claude Perdriel, France Observateur en Nouvel Observateur en novembre 1964. Grand reporter, spécialiste des questions économiques, Michel Bosquet en sera un des rédacteurs en chef à partir de 1981. A la fois dans son travail philosophique et dans son métier de journaliste, il sera un des penseurs de l’écologie politique.
Il avait abordé Dorine, anglaise d’origine, un soir neigeux, le 23 octobre 1947, pour l’inviter à aller danser et ne l’a plus jamais quittée. Elle était atteinte d’une affection évolutive depuis de nombreuses années. Ils avaient choisi de ne pas avoir d’enfants. André Gorz disait à Libération, en septembre 2006 : «A mon avis, les bons pères sont ceux qui ont eu besoin de père dans leur enfance. Moi, je n’avais pas envie d’avoir de père parce que je n’aimais pas mon père. […] Tous les deux, on n’a pas de continuité, ni rien à transmettre. Nous n’avions pas de famille à fonder pour transmettre quoi que ce soit, puisque nous ­n’avions jamais eu de famille nous-mêmes. Si nous avions eu des enfants, j’aurais été jaloux de Dorine. Je préférais l’avoir pour moi tout seul.»

(1) Editions Galilée.

Frédérique Roussel (Libération du 25 septembre 2007)

André Gorz, le philosophe et sa femme

Arrivé à un âge où il ne se sent plus la force d'entreprendre un livre de longue haleine, André Gorz se retourne sur sa vie, se rend compte qu'il n'en a jamais écrit l'essentiel, sa relation avec sa femme, et il commence à lui écrire, à elle, directement : "Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien."

Très peu de livres accrochent ainsi, en quelques phrases qui donnent le ton, le tempo, la musique et l'émotion, la qualité d'une vie. On lit cette lettre d'amour à une femme vivante, malade et qui souffre et qui va mourir un jour, lointain peut-être encore mais de toute façon trop proche, et cette mort devient aussi inacceptable pour celui qui lit que pour celui qui écrit. Dans les dernières lignes, qui reprennent les premières sur un ton qui étreint le coeur encore plus, cette mort est envisagée. Un tel livre, court, exact, poli comme un galet sans effort apparent, vient rappeler ce que peut la littérature quand elle sonne vraie parce qu'elle sonne juste.

Racontant un amour singulier, il tombe à pic dans un débat encore une fois en cours sur le couple. A un extrême, Sartre et Beauvoir, que Gorz et Dorine ont bien connus : l'expérience de l'ouverture, la fidélité au pacte conclu d'engagement à vie et du tout se dire des autres relations amoureuses que l'on s'autorise sans trahir la relation fondatrice, priorité des priorités. A l'autre extrême, Gorz et Dorine, le même pacte mais cette fois dans l'engagement exclusif, corps et âme, puisque l'âme est le corps vécu. La fidélité devient réciprocité éthique : je ne te fais pas ce que je ne voudrais pas que tu me fasses. Entre ces deux paradigmes, toute la gamme des aménagements possibles, contrats tacites, compromis, mensonges, omissions, frustrations, réussites affichées, échecs cachés, ou l'inverse, arrangements qui sont le lot plus ou moins choisi de tant de couples quand ils durent.

Le magnifique, dans Lettre à D., n'est pas de donner un exemple - Gorz, philosophe du social, ne prétend pas établir une norme à partir d'une entreprise à deux qu'il sait exceptionnelle et en quelque sorte voulue par l'histoire, la grande, celle qui tranche les vies - mais de donner un sens politique à l'amour. Non pas sécession et refuge mais réalisation de quelque chose qui le dépasse en le confirmant et en s'affrontant au monde. En l'occurrence une oeuvre, philosophique, littéraire, journalistique dont l'un et l'autre puissent être fiers ensemble parce qu'elle agit. Ce n'est pas tout de rencontrer l'âme soeur, encore faut-il trouver un projet qui pérennise la rencontre et la rende productive d'autre chose que la relation elle-même. Gorz, quand il rencontre Dorine, écrit un essai philosophique qui doit fonder une hiérarchie des conduites humaines face à la finitude, à la précarité, à la vie collective, à l'histoire, à tout ce que Sartre appelle la "situation".


CONFIANCE SANS FAILLE


Une telle entreprise ne peut se réaliser pratiquement que si quelqu'un la valide en la reprenant à son compte. C'est ce que fait Dorine avec une confiance sans faille. Ils ont connu l'un et l'autre l'expérience fondatrice de l'insécurité ; ils bâtiront ensemble, en se protégeant mutuellement, le socle sur lequel écrire sur l'insécurité qui est la vie même. Ecrire est sa vocation. Elle l'aide, professionnellement aussi, devient sa documentaliste, son interlocutrice, sa première lectrice, sa seule critique, armée d'une capacité de jugement imparable. Galère d'abord, longue, décourageante parfois, pour lui, après l'inaboutissement de l'essai philosophique ; joie partagée, quand Le Traître paraît, de voir leur vie s'ouvrir aux autres et ceux-ci l'accueillir parce qu'à eux deux ils illuminent, affectivement autant qu'intellectuellement. Dorine est sociable, spontanée ; Gorz est intelligent, extrêmement, introverti, rétractile. Il va changer. Dans Lettre à D., il explique l'effet de la publication d'un livre quand celui-ci est reconnu : "Tu as souvent dit que ce livre ( Le Traître) m'a transformé à mesure que je l'écrivais. (...) Ce n'est pas de l'écrire qui m'a permis de changer ; c'est d'avoir produit un texte publiable et de le voir publié. (...) Magie de la littérature : elle me faisait accéder à l'existence en tant même que je m'étais décrit, écrit dans mon refus d'exister. Ce livre était le produit de mon refus, était ce refus et, par sa publication, m'empêchait de persévérer dans ce refus. C'est précisément ce que j'avais espéré et que seule la publication pouvait me permettre d'obtenir : être obligé de m'engager plus avant que je ne le pouvais par ma solitaire volonté, et de me poser des questions, de poursuivre des fins que je n'avais pas définies tout seul."

Ils reçoivent ensemble, dans un village de l'Aube, au seuil de la belle maison simple pour laquelle ils ont quitté Paris dans les années 1980. Du pré d'un hectare autour d'elle, ils ont fait un jardin avec deux cents arbres. Il est comme d'habitude, amical, discret, chaleureux ; elle aussi. Ils ont vieilli, lui moins qu'elle dont la pâleur frappe et les maux se taisent ; lui a pour elle toutes sortes d'attentions ; elle aussi pour lui. Il est en pleine santé, l'air fragile comme il l'a toujours eu, mais le corps mince et musclé, on le devine à sa démarche. Elle est diaphane et souriante, précautionneuse : la douleur guette un geste de trop pour bondir sur elle. Ils sont accueillants, posent des questions ; on est venu pour leur en poser sans les mettre sur le gril. Elle ne veut pas participer à l'entretien : c'est son livre à lui, il est le peintre, elle le modèle ; c'est lui qu'on est venu voir, dit-elle, pas le sujet du tableau à qui le tableau suffit bien et dans lequel elle ne se reconnaît pas tout à fait, même s'il dit la vérité, sa vérité à lui. Une subjectivité reste une subjectivité.

Celle de Gérard Horst (son vrai nom) est pleinement assumée sous le nom d'auteur d'André Gorz. Quand il a écrit ce texte, au printemps 2006, il n'était pas sûr de le publier, par discrétion à son égard, et puis il se demandait qui il pourrait intéresser. Michel Delorme, son éditeur chez Galilée, n'a pas hésité : il fallait que ce livre paraisse, car c'en est un, à tous les sens du mot, un livre beau, un livre nécessaire, un livre qui délivre. De quoi ? Gorz n'en est pas sûr mais écoute ce qu'on lui en dit : il délivre de la crainte d'exprimer à la première personne des sentiments pour les comprendre en philosophe existentialiste.

"J'avais déjà employé le "tu" dans Le Traître, en m'adressant à moi, pour m'objectiver, me voir tel que je pouvais apparaître à autrui, me décrire dans mes manies, dans cette fuite devant l'existence qui m'avait amené à la pensée théorique et m'y enfermait comme dans une bulle. Le Traître était un travail de libération, mais je n'y donnais aucune place à l'amour, et même je le trahissais. Mais, après avoir pris la mesure de ma position existentielle - singulière comme celle de chacun -, j'ai pu porter ma pensée sur le monde social et y décrypter l'aliénation des producteurs à leur propre produit. Dans cette lettre à Dorine, le "tu" me sert à prendre une vue vraie sur ma vie avec elle. Dans Le Vieillissement déjà, à 38 ans, j'avais compris que, vieillir c'est accepter ce fait d'expérience : on ne fait jamais ce qu'on veut et on ne veut jamais ce qu'on fait. De sorte que chacun est hétéronome. Et pourtant, on fait ce que l'on juge devoir faire parce qu'on se sent et donc se rend capable de le faire. Ainsi s'étend, si peu que ce soit, notre sphère d'autonomie. Il faut donc accepter d'être fini, d'être ici et pas ailleurs, de faire ça et pas autre chose, d'avoir cette vie seulement. LeSocrate de Valéry le disait justement : "Je suis né plusieurs, et je suis mort, un seul. L'enfant qui vient est une foule innombrable, que la vie réduit assez tôt à un seul individu, celui qui se manifeste et meurt." Vivre avec Dorine, l'aimer et aimer notre vie ensemble m'a appris cela, mais je ne le disais pas, car je ne comprenais pas encore combien j'avais besoin d'elle pour écrire, plus qu'elle n'avait besoin de moi pour vivre."


ECOUTER SANS JUGER


Quand on a connu Gorz et Dorine dans les années 1970, rencontré chez eux Ivan Illich, Herbert Marcuse, Rossana Rossanda, William Klein, et des intellectuels plus jeunes et actifs dans le mouvement social comme Marc Kravetz, Tiennot Grumbach, on se souvient de leur façon absolument non mondaine de recevoir des gens qui avaient quelque chose à apprendre les uns des autres et de leur présence discrète à eux, de sa façon à lui de vous interroger sans ambages sur l'essentiel, de sa façon à elle de vous écouter sans juger quand vous aviez des difficultés personnelles. Le monde extérieur existait très fort chez eux, à Paris. Aujourd'hui leur viennent encore, plus espacées, des visites de jeunes gens que le travail de Gorz inspire dans leur action, syndicale, politique, sociale. Des universitaires aussi qui travaillent sur son oeuvre. Ainsi le monde ne vient-il pas à eux dans leur campagne seulement par les publications qu'il lit assidûment et discute avec elle pour écrire dans des revues comme Multitudes ou EcoRev. Il y publie des articles toujours très clairs, ardus seulement parce qu'ils expriment une pensée radicalement différente de celle qui règne sur l'économie politique.

Votera-t-il pour la présidentielle ? "Probablement, mais sans croire au discours des candidats qui promettent le plein emploi et l'emploi à vie. Tous mentent sur cette question et le pire est que tous le savent. L'avenir ne se joue pas au niveau de la politique d'Etat, il se construit en réalité dans les petites collectivités, au niveau communal, par des comportements sociaux qui rompent avec la logique du profit financier. C'est là que les luttes ont un sens." Sur ce sujet, il peut parler des heures, animé d'une conviction entière. Sa critique radicale du capitalisme n'a pas désarmé. Ses livres la développent de façon de plus en plus fine, acérée. Mais on n'est pas venu pour parler de théorie, il le sait. On a une question sur les lèvres, une fois la Lettre à D. refermée sur ces mots : "Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la vivre ensemble." Un exit commun à la façon d'Arthur Koestler et de sa femme Cynthia ? "Nous avons parlé de ce suicide à deux quand nous l'avons appris. Mais c'était leur histoire, presque leur combat. Je n'y pense pas et elle non plus. Dorine et moi vivons dans l'infini de l'instant en sachant qu'il est fini et c'est très bien ainsi. Pour nous, le présent suffit."

On sourit à leur chance, elle n'est pas donnée à tous ; eux se la sont donnée ; ils l'ont construite. A quel prix ? Elle seule pourrait le dire. Mais rien dans son regard ne trahit le sacrifice, "si démoralisant pour la personne à qui l'on se sacrifie", disait Oscar Wilde. Un beau couple sans enfant mais avec oeuvre, ses livres, et en tout cas celui-ci, qui restera.


Michel Contat (Le Monde du 27 octobre 2006)

20.9.07

A lire


« Drieu », de Victoria Ocampo, notes et avant-propos
de Julien Hervier (Bartillat, 152 pages)



Quand Drieu en février 1929 rencontre Victoria Ocampo, au même moment la santé de son ami Rigaut se délite entre stupéfiants et cures de désintoxication. «Telle était la manière de Drieu de reconnaître que quelque chose lui plaisait : il se sentait obligé de faire des compliments en dénigrant.» (Victoria Ocampo)

La dernière liberté


Le Cabaret Voltaire au 1er de la petite Spiegelgasse, à Zurich (Suisse)

"Je suis un homme. Je suis maître de ma peau. Je le prouve." (Le Feu follet, Drieu la Rochelle)

"Le dadaïste aime la vie parce qu'il peut s'en débarrasser à tout moment, la mort étant pour lui une affaire dadaïste." (En avant dada, Richard Huelsenbeck)

Suicide médicalement assisté pour l'actrice Maïa Simon

La comédienne s'est rendue en Suisse pour "abréger ses souffrances". Atteinte d'un cancer, elle n'a pas voulu attendre d'être emportée par la maladie.


C'est son dernier coup de théâtre. La comédienne française Maïa Simon a décidé de mettre en scène jusqu'à ses derniers instants.


L'actrice, qui s'est éteinte hier à l'âge de 67 ans, avait rejoint la Suisse deux jours plus tôt pour pouvoir avoir recours à un « suicide médicalement assisté » afin d'« abréger ses souffrances », a indiqué l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

La comédienne est morte « mercredi matin à 11 h 30, entourée de ses amis » à Zurich, a précisé le président de l'ADMD, Jean-Luc Romero, à l'AFP. Elle a choisi de « vivre sa fin de vie selon sa propre acception de la dignité ». « Elle a pris d'elle-même un médicament, le penthotal, qui lui avait été prescrit» afin de mettre fin à ses jours, a-t-il ajouté.


Un geste qu'elle a souhaité expliquer de vive voix. Avant de mourir, l'actrice a enregistré une interview où elle explique sa décision de recourir à l'aide au suicide. Cet enregistrement a été diffusé par la radio RTL aujourd'hui. L'un des médecins de l'actrice devrait aussi s'exprimer sur l'antenne.


Le suicide de la comédienne replace sur le devant de la scène le débat sur l'euthanasie, lancé par la mort médicalement assistée de Vincent Humbert. En Suisse, l'assistance au suicide est légale lorsqu'il s'agit d'assistance passive et après que la personne a certifié son accord.


Née le 10 novembre 1939 à Marseille, Maïa Simon avait débuté au théâtre, jouant sous la direction de Maurice Béjart, Jean-Louis Barrault ou Jorge Lavelli à la fin des années 1960, avant d'apparaître dans de nombreux téléfilms et feuilletons. Au cinéma, elle jouait aux côtés de Jean Rochefort et Claude Brasseur sous la direction d'Yves Robert, dans la comédie Nous irons tous au paradis (1977), et tenait un petit rôle dans Les Témoins d'André Téchiné (2007).


(Source : Le Figaro du 20/09/07)

15.9.07

D'un blog l'autre



C'est l'ami Claro (traducteur entre autres de William T. Vollmann, Thomas Pynchon, Marc Z. Danielewski, Kathy Acker, Hubert Selby Jr.) qui ouvre le b.a.l en m'envoyant un courriel pour me prévenir qu'on parle (en bien) du Feu follet ici. Alors commence une belle partie de ping-pong virtuelle avec J.R. au centre de la table...

Fin de l'article

"Ces mots, sobres et violents, closent le livre. La puissance de ce petit roman a pour raison principale la parfaite adéquation du style et du contenu. L’ambiance créée par Drieu la Rochelle est lourde, triste et ses phrases courtes, saccadées contribuent à créer cette ambiance sinistre. Les métaphores, seules fantaisies stylistiques de ce livre, sont elles-mêmes empreintes d’une poésie mélancolique que certains trouveront peut-être aujourd’hui un peu trop convenue (« Le jour glissait sur la nuit comme un chiffon mouillé sur un carreau sale »). Quoi qu’il en soit, il faut lire et relire le Feu follet."

10.9.07

Un silence assourdissant



Environ 3.000 personnes se suicident chaque jour dans le monde, soit une victime toutes les 30 secondes en moyenne, a alerté lundi l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à l'occasion de la Journée mondiale de prévention du suicide.

Pour chaque personne qui met fin à ses jours, au moins 20 autres font une tentative de suicide, a encore indiqué l'OMS qui relève que le traumatisme émotionnel subi par l'entourage d'une personne suicidée ou qui a tenté de porter atteinte à sa vie «peut durer de nombreuses années».

«Le taux de suicide a augmenté de 60% dans le monde au cours des 50 dernières années et la hausse la plus marquée a été relevée dans les pays en développement», selon l'OMS. Le suicide est désormais la troisième cause de mortalité parmi les jeunes âgés de 15 à 34 ans, mais la majorité des suicides sont commis par des adultes.

De plus en plus de personnes âgées mettent en outre fin à leurs jours, a indiqué l'OMS qui appelle à faire tomber les tabous afin que le sujet puisse être abordé ouvertement et permettre ainsi la mise en place de stratégies de prévention.

Pour l'agence de l'ONU, «il faut que le suicide ne soit plus considéré comme un tabou ou le résultat acceptable de crises personnelles ou sociales, mais un indicateur de santé relevant de risques psycho-sociaux, culturels et environnementaux qui peuvent faire l'objet de politiques de prévention».

(Source : Libération du 10 septembre 2007)

4.9.07

La question


J.R. par Marjolaine Siriex

" (...) la plus grande illusion à propos du suicide réside dans cette croyance qu'il existe une réponse clef, unique et immédiate - voire même un faisceau de réponses - quant aux raisons susceptibles d'expliquer l'acte." (Face aux ténèbres, William Styron)

28.8.07

Les préférences de J.R.




En consultant un numéro de la revue Littérature paru en avril 1922, dans lequel étaient publiées les réponses du noyau dur du mouvement Dada au questionnaire " Quelques préférences de", je m'aperçois (non sans effroi) qu'à la question "13 Age", J.R. a répondu : 29. Piqûre de rappel pour le lecteur novice : Jacques Rigaut mettra fin à ses jours à l'âge de 29 ans en 1929. L'éditorialiste (Breton ou Soupault) de la revue n'a pas tort, on ne voit pas de quel droit les détectives privés (ou biographes) continueraient à se passer de ces éléments... d'autant plus qu'aux questions "28 Divinité" et "29 Heure", J.R. répond Fatalitas et 10H... Quant à la réponse à la question 37, c'est encore une autre histoire...

13.8.07

Le goût des autres




LIVES OF OTHERS
The biography business.
by Louis Menand


At a time when instruments for recording and disseminating information about people’s intimate behavior are cheap and easy to use, and when newspapers and magazines and television programs and Web sites purvey that kind of information without restraint, and when even ordinary people apparently can’t do enough to tell the world everything about themselves, a defense of the professional biographer’s right to pry does not seem something that civilization stands in dire need of. Just in case, though, two such defenses have recently been published.

Meryle Secrest is a biographer who has nine lives so far, all of figures in the arts, including Kenneth Clark, Leonard Bernstein, Frank Lloyd Wright, Richard Rodgers, and Salvador Dali. Her memoir, “Shoot the Widow” (Knopf; $25.95), is candid about the commercial bones of the enterprise. She started out as a reporter for local papers, in Canada and England, a job calling for a continual sacrifice of literary refinement in the interests of filling the page and meeting the deadline, and she approaches biography in something of the same spirit. “Deciding on a subject is mostly a cold-blooded business of weighing the subject against potential markets, timeliness, the availability of material, and the likelihood of getting the story, the kinds of factors publishers have to worry about,” she explains. Many of her stories about getting the story involve figuring out ways to maximize her advances from publishers and to massage the relatives, friends, ex-friends, lovers, ex-lovers, work associates, lawyers, dealers, executors, and agents—the many “widows” whom, as her title suggests, only semi-facetiously, she would like to shoot—who obscure a clear view into the private world of famous people.

What those uncoöperative witnesses want—and what the famous people themselves want, too, when, as has sometimes been the case for Secrest, they are still alive and competent to make trouble—is what everybody wants in life: to control the narrative. Secrest is either touchingly ingenuous or carefully disingenuous about this central fact of the biographical transaction: in her account, she is repeatedly astonished by the efforts people make to gerrymander the story to suit their interests—although, she says, she has grown wiser. “The older I get the more sympathy I have for families who discover that some stranger has decided to write about their famous member without, as it were, so much as a by-your-leave,” she admits. “Prurience titillates, the more the better, leading to bigger sales and better royalties for the writer who is, not to put too fine a point on it, making money from others’ misfortunes.”

Still, her collisions with her subjects and the people around them seem never to have prevented her from deciding that her next project will somehow please everyone (and earn back a nice advance). Not all the reactions she had to cope with involved hurt feelings or wounded egos. In the course of her research on Richard Rodgers, she learned about a possible connection with organized crime, and interviewed a person she identifies as “an old Broadway hand” on the matter. “If you quote me, I won’t kill you but I’ll get you killed,” he explained. “I won’t do it myself but I’ve good connections. One day they will find you somewhere with your manuscript.”

On the other hand, what were her subjects and their families and heirs and attendants thinking when they agreed to submit to her attentions? Secrest is, basically, a tell-all biographer—not Kitty Kelley, as she insists, not someone who would look to make her subjects feel ridiculed or humiliated, but she is interested mainly in the private lives of public people. She says that Kenneth Clark, who was a very wealthy man, the heir to a fortune made in the cotton industry, surreptitiously underwrote the publisher’s advance in order to insure that Secrest would write his biography, and then seems to have imagined that he would be able to edit what she said about his wife’s alcoholism and his own affairs. He tried, but he was not entirely successful, and Secrest claims that his son Alan, a powerful right-wing political figure in Britain, made sure that the reviews of her book there were vicious. (As she points out, Alan Clark went on to publish his own best-selling tell-all diary.)

“It seems to me that to invite someone’s confidences and then betray that person is a kind of treachery,” Secrest says. But she is in business because people like to confide. They want their stories told, and they somehow persuade themselves that in the right sympathetic hands their most embarrassing moments will be redeemed, and readers will appreciate the challenge, the complexity, the sheer human variousness of what it is like to be them. This is not on the theory that “there is no such thing as bad publicity.” That theory is a canard; just ask Barry Bonds. It’s on the theory that, at the end of the day, one’s moral account will not only balance but be in the black. Probably most people believe this, deep down, about themselves. The unlucky get biographies.

The purpose of biography, Secrest says, is “not just to record but to reveal.” That’s what many people would say: that there’s no point in writing, or reading, the life of a famous person if it doesn’t uncover some previously unpublicized piece of personal information. This is because the premise of biographies is that the private can account for the public, that the subject’s accomplishments map onto his or her psychic history, and this premise is the justification for digging up the traumatic, the indefensible, and the shameful and getting it all into print. How centrally that kind of information figures in the biographical account depends on the tact and ingenuity of the biographer, but a biography that did not use events in its subject’s personal life to explain his or her renown is almost unimaginable. Still, the premise poses a few problems.


Article publié dans le magazine The New Yorker du 6 août 2007

9.8.07

Jacques Rigaut de retour à Paris?

"Bonjour!
S'il vous plaît m'excuser, mon vocabulaire français est limité. Mais j'essaie d'apprendre! J'espère que vous pouvez comprendre cette lettre.Nous avons écrit au Human Toyz et elles ont dit : contacter la Fleche D'Or "And you can contact Aurore and Alexis from neo pop art, they set up a lot of Parties in several clubs in Paris.
Dou vous pensez que vous pouvez nous aider, s'il vous plaît ?
Vénus Bogardus sera en tournée à Paris. Novembre sixième est l'anniversaire de la mort de Jacques Rigaut. Nous avons relâché notre premier vinyle 7" ce jour en 2006. C'était une collaboration avec Jean-Luc Bitton (Paris), le biographe de Rigaut, et Stanley Donwood (Radiohead). Peut-être, avec Jean-Luc et n'importe quels amis à Paris, nous pouvons organiser un parti/concert pour l'anniversaire de Rigaut? J'enverrai cet e-mail à Jean-Luc. J'inclurai son contact ici. Le premier septembre, nous relâchons notre nouveau 'Motorman' de CD -une collaboration avec David Ohle, un associé de William Burroughs (Naked Lunch etc). L'art est par Laurent Collobert (Cassius, Alex Gopher). Il est merveilleux. Peut-être il peut nous aider aussi ? Cette année, Vénus Bogardus a joué au Festival de Glastonbury. Vénus Bogardus était aussi dans 'The Wire' la revue et CD pendant mai.S'il vous plaît écouter Vénus Bogardus. Je vous ai envoyé un lien. Nous serions très heureux de jouer pour vous. Ce sera notre seul concert en France cette année. Merci pour votre attention. Avoir un bon jour.

Amities,
James, Hannah, et Obaro

bonjour jean-luc! bonjour laurent! xx"





Vidéo by Tim Berry for Venus Bogardus' single Jacques Rigaut (2006)

2.8.07

Bring your flask



Quand J.R. débarque à New York en novembre 1923, la prohibition bat son plein. Il fréquente alors les fameux speakeasies, bars clandestins où l'on servait plus ou moins discrètement des boissons alcoolisées.

1.8.07

Bave et éternité



PARIS (AFP) - L'écrivain français d'origine roumaine Isidore Isou, fondateur du mouvement lettriste, est décédé samedi à Paris à l'âge de 82 ans, a-t-on appris mardi dans son entourage. Né le 29 janvier 1925 à Botosani (Roumanie), Isidore Isou Goldstein lance le mouvement littéraire lettriste à son arrivée à Paris en 1946. Dans la tradition des poètes futuristes et dadaïstes, il proclame la fin de la poésie des mots, au profit d'une poésie des lettres et des signes.

Contestataire radical, souvent d'une grande agressivité verbale, Isou théorise le mouvement dans "La dictature lettriste" (1946), "Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique" (1946) et "Essai sur la définition et le bouleversement total de la prose et du roman" (1950).

Au delà de la poésie, le Lettrisme se veut un mouvement de novation global. Dans un "Traité d'économie nucléaire" (1949), Isou développe des théories sur le potentiel révolutionnaire de la jeunesse comme base de changement de l'économie et compte alors parmi ses proches l'écrivain Guy Debord, qui devait ensuite être l'un des fondateurs de l'internationale situationniste.

Isidore Isou est l'auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages touchant de nombreux domaines du savoir --comme des traités de philosophie, de physique ou de mathématiques--, de pièces de théâtre et de films expérimentaux. Son "Initiation à la haute volupté", publiée en 1960, fut censurée jusqu'en 1977.

Son oeuvre, notamment des toiles et des textes lettristes, a notamment fait l'objet d'expositions en France, aux Etats-Unis, en Italie et en Allemagne.

Pour un dernier hommage à Isidore Isou et au lettrisme, rendez-vous vendredi 3 août au crématorium du cimetière du Père-Lachaise à partir de 9H30 AM.

The Bird



30.7.07

Des nouvelles de Daniel




Photo by Laurent Askienazy

24.7.07

Quiz cinématographique



Devinette pour cinéphiles : à quel film de Marcel L'Herbier fait allusion Lise Deharme dans son témoignage? Merci infiniment à celui ou celle qui me donnera la (bonne) réponse.

“(...) voilà Jacques Rigaut et c’est l’homme qui me disait à moi en m’emmenant voir un film de Marcel L’Herbier qui s’appelait…enfin je sais que c’est parce qu’il y avait beaucoup de femmes nues, et moi j’aime beaucoup Marcel L’Herbier que je connaissais aussi très bien, et y avait un lustre qui était fait tout en femmes nues, c'est-à-dire au lieu qu’il y ait des ampoules tout ça, c’était éclairé, mais y avait des femmes complètement à poil, le lustre était comme ça, alors je lui dis tout bas à l’oreille, c’est comme ça Jacques dans la vie ? (...)“

21.7.07

Jacques Rigaut LIVE



Bon, le son et l'image de cette captation sont pourris mais la violence et l'énergie sont là. Les témoignages se recoupent, J.R. avait une certaine violence en lui, une violence dont le point final a été son suicide par une balle dans le coeur. Pas une balle perdue.. Ne pas confondre violence et brutalité. Jean Genet a remarquablement expliqué cette distinction dans un texte publié en 1977 : « Plus la brutalité est cassante, plus la violence qui est vie sera exigeante jusqu’à l’héroïsme »

19.7.07

Close Up



Merci à Eric & Seryeuse pour ce bel hommage à Maurice Ronet.

16.7.07

La femme sans rivale


Paris, jardins du Palais Royal, 14 juillet 2007.

"Vous êtes la femme sans rivale. Fin du règne du superlatif qui chasse l'autre." (Jacques Rigaut) La boucle est bouclée. Cette biographie sera probablement achevée dans le pays duquel Dada a surgi pour se propager dans le monde entier. Comprenne qui pourra. Bon été à toutes et à tous.

10.7.07

Un camarade




Philippe Hériat dans "L'Inhumaine" de Marcel L'Herbier


L'écrivain et acteur Philippe Hériat a connu Jacques Rigaut au lycée Louis-le-Grand. Ils étaient dans la même classe de Terminale en 1915.

9.7.07

Clin d'oeil (2)





"Moi je m'appelle Lolita
Lo ou bien Lola
Du pareil au même
Moi je m'appelle Lolita
Quand je rêve aux loups
C'est Lola qui saigne
Quand fourche ma langue
J'ai l'aphorisme,
Dadaïste de mon doux phénomène,
Moi je m'appelle Lolita
Lo de vie, lo aux amours diluviennes"

Julien Doré

Un jeune homme qui fait couler beaucoup d'encre
dans les forums :

"Julien Doré a réussi son coup.
Faire une référence à Dada, et le milieu intello-musical s’enflamme dans une pléthore de commentaires dans un quasi-surréalisme que ne renierait pas André Breton.
Ce dernier aurait pu écrire un essai sur le caractère du chanteur Doré, tant celui-ci soulève une certaine anarchie, chère à l’auteur, et dans la forme et dans le fond, des commentaires et réfléxions que suscitent son idée.
Humour ?
Autodérision ?
Du sublime au trivial, la nuance est parfois mince; nombre d’artistes ont travaillé sur cette ambivalence; Gaudi n’a-t-il pas construit tout une cathédrale, à Barcelone, à la gloire de Jésus, avec des matériaux de récupération colorés, dans un chatoiement quasi-mièvre de riche dentelles de pierres et métaux ?
En ayant accompli un sévère coup de promo pour lui et ses potes, Julien Doré a lui aussi assemblé sa “Sagrada Familia” avec du matériel de récup’ de bric et de broc, à savoir ici la protégée de Mylène et une émission Mainstream, saupoudré d’influence “vieux-mais-moderne-chanteur-français-ex-branché”.
Intellectualiser sur une prestation de la “nouvelle star”, n’est-ce pas un peu comme quand on faisait des blagues sur l’Ethiopie, un humour qui peut être considéré comme malsain, mais qui est là pour dédramatiser une sitation difficile en temps de crise ?
Car c’est bien d’une crise dont il s’agit, depuis plus de vingt ans maintenant que la musique est devenu un business à l’échelle mondiale, depuis l’apparition du vidéo-clip, en musique tout est possible, surtout le pire lorsqu’il s’agit d’overground.
Aussi, pour moi Julien Doré, c’est le show-business parvenu à son paroxysme, à l’heure d’Internet et du téléchargement, le consumérisme musical devient sa propre caricature. Personnellement, je vois là-dedans beaucoup d’autodérision, et finalement, ben je trouve ça plutôt sain."

Source le forum de Radio Libre.be

Clin d'oeil

8.7.07

Le facteur sonne toujours deux fois





Déballage impatient du très beau livre 4 Dada Suicides que m'a envoyé Martin Kay. Cet ouvrage publié par Atlas Press présente une compilation illustrée des textes de Cravan, Rigaut, Torma et Vaché.Quatre suicides? Rien de moins sûr... Cravan le noyé?, Torma une imposture littéraire? Vaché le suicide-accident? Reste Rigaut le seul suicidaire sérieux dont la mort volontaire ne laisse aucun doute. J'ai appris hier soir que Gallimard a décidé de publier l'oeuvre de Drieu dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade. Le premier tome est prévu pour 2010. La Valise vide fait partie des textes choisis. Drieu doit sourire dans sa tombe de cette tardive consécration. Sinon un article à propos du blog Rigaut dans la revue Infosurr, le surréalisme et ses alentours.

7.7.07

Chez "l'Amazone"...


Natalie Clifford Barney devant le Temple de l'Amitié

A l'instar de son ami Drieu, J.R. a fréquenté le salon de "l'Amazone", mais je n'ai pas réussi à trouver son nom parmi ceux des nombreux invités inscrits sur une carte du salon à la manière de L'Oeil Cacodylate. Louis Malle, dans une scène du "Feu follet", fait allusion au salon littéraire de Natalie Clifford Barney quand Jeanne Moreau et Maurice Ronet se rendent dans l'atelier-fumerie : "La désintoxication, drôle de chose..." On aperçoit, au début de cette scène, le célèbre et mystérieux Temple de l'Amitié dont Natalie Clifford Barney fut la propriétaire. Merci à Guillaume Demey.


Jeanne Moreau et Maurice Ronet dans "le Feu follet".
Au fond de l'image,on aperçoit les colonnes du Temple de l'Amitié