28.3.08

Une folle Agence Générale du Suicide

Dignitas propose depuis quelques semaines à ses membres de se suicider en s'étouffant avec un sac plastique remplit d'hélium. Contrairement au natrium pentobarbital (NAP) utilisé jusqu'ici, l'hélium ne doit pas être prescrit par un médecin.

Le procureur zurichois Andreas Brunner, qui observe depuis longtemps l'organisation d'aide au suicide Dignitas, est outré. Cela montre une nouvelle fois que la Suisse doit se doter d'une vraie loi sur l'aide au suicide, a-t-il indiqué sur les ondes de la radio alémanique DRS.

Il ne s'agit pas de l'interdire, ni d'empêcher le tourisme de la mort, mais d'édicter des règles claires. Dignitas filme les candidats au suicide en train de se mettre le sac plastique sur la tête jusqu'à ce qu'ils s'étouffent et meurent.

L'organisation envoie ensuite les images au procureur afin de prouver qu'elle ne commet pas de crime. Selon M. Brunner, elles sont insupportables. Les personnes tressaillent durant "plusieurs dizaines de minutes" avant de mourir. Le natrium pentobarbital est beaucoup mieux adapté, estime le procureur.
(Source : Romandie News)

Acharnement judiciaire



La cause de la mort de Chantal Sébire est mieux connue. Elle a absorbé un barbiturique - du pentobarbital -, a révélé, hier, Jean-Pierre Alacchi, le procureur de la République de Dijon, en présentant les conclusions des analyses toxicologiques pratiquées sur le corps de Chantal Sébire. Atteinte d’une tumeur incurable qui lui déformait le visage, et retrouvée morte le 19 mars à son domicile de Plombières-lès-Dijon, cette femme de 52 ans avait auparavant sollicité de la justice, en vain, le droit d’avoir recours à l’euthanasie. «Le pentobarbital est un barbiturique d’action rapide, non utilisé ou d’une façon tout à fait marginale, en milieu médical. […] Il est en fait d’usage en milieu vétérinaire», a précisé le magistrat. Ce produit a été, par exemple, utilisé par l’association suisse Dignitas qui «aide» des personnes en fin de vie à mourir.

Selon les conclusions, les traces de pentobarbital ont été retrouvées «en grande quantité dans l’estomac de Mme Sébire, ce qui signifie qu’il a été absorbé par voie orale. Des traces de ce produit ont été retrouvées dans un verre et sur une cuillère». La quantité absorbée était trois fois supérieure à la dose mortelle, ce qui ne laisse planer aucun doute sur le caractère volontaire du geste de Chantal Sébire. Le procureur a aussi indiqué qu’il avait aussitôt informé la famille de la victime, dont le corps a été incinéré mardi.

Les interrogations portent maintenant sur la façon dont elle s’est procuré le pentobarbital, peu utilisé dans l’univers médical et qui n’est pas délivré en pharmacie. De ce point de vue, seule l’enquête judiciaire semble en mesure de déterminer de quelle manière Chantal Sébire a obtenu de quoi mettre fin à ses jours. Dans Le Monde, le procureur de la République de Dijon a confirmé qu’il entendait poursuivre «l’enquête pour rechercher les causes de la mort. […] Nous allons entendre de nouveau les membres de la famille, voire d’autres personnes si l’enquête en démontre l’utilité». Le cadre juridique pourrait être la «provocation au suicide». Néanmoins aucune enquête préliminaire, et encore moins d’information judiciaire, n’est pour l’instant envisagée, faute d’éléments matériels sur l’identité des personnes qui auraient pu fournir du pentobarbital à Chantal Sébire. L’avocat de celle-ci, par ailleurs vice-président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, a estimé que cette volonté d’enquêter sur les causes de la mort «ne (lui) paraissait pas du tout adaptée à la situation». «Il faudrait refermer le dossier de Mme Sébire et ouvrir celui de l’euthanasie pour en discuter dans le cadre d’un débat de niveau national», a aussi déclaré Me Gilles Antonowicz.

Sur l’opportunité de poursuivre l’enquête, Jean-Pierre Alacchi a indiqué, toujours dans Le Monde, que «la justice, dans cette affaire, ne cherche à faire que son travail, ni plus, ni moins. Je rappelle qu’une décision de justice a rejeté la demande de suicide médicalement assisté présentée par Mme Sébire. Il est donc légitime de savoir si une infraction pénale a été ou non commise, si le droit a été respecté». (Source : Libération du 28 mars 2008)


Le site de l'association EXIT

Courrier

Fabrice Lefaix m'a envoyé la réponse de son ami Marcel Duchamp, sans oublier en annexe de son courrier une suite au scandale de l'orthographe fautive récurrente du patronyme Rigaut. Les éditeurs radinent et font faire les corrections par des stagiaires? Je précise que je n'ai rien contre les stagiaires, je suis même solidaire de leur condition et pense que les entreprises culturelles en France les utilisent de façon abusive. Pendant ce temps là(s), certains se battent comme des chiffonniers pour une planque dorée à Rome.

26.3.08

Vintage



Original du document envoyé par "La Révolution surréaliste" dans le cadre de leur fameuse enquête "Le suicide est-il une solution ?". Les réponses seront publiées dans le n° 2 de la revue qui paraîtra le 15 janvier 1925.

22.3.08

Mise en abyme

J'avais évoqué ici la disparition de l'écrivain et photographe Edouard Levé et le livre posthume qu'il remit à son éditeur quelques jours avant son suicide. Je ne pouvais pas ne pas lire ce livre. "Suicide" est un très beau livre, peut-être l'un des plus beaux sur le thème de la mort volontaire, et pour des bonnes raisons. A sa lecture, on oublie très vite qu'il s'agit d'un ouvrage testamentaire, d'un point final à une oeuvre. Paradoxalement, jamais Edouard Levé ne fut aussi vivant qu'à travers ce livre. Je ne sais pas si Edouard Levé avait lu Jacques Rigaut, mais son ombre semble se déployer entre chaque ligne. De plus, Levé a conjugué son récit à la deuxième personne du singulier, comme Drieu dans son "Adieu à Gonzague". Lisez ces extraits de "Suicide". Vous comprendrez. :

" (...) Mort, tu me rends plus vivant.(...)Ton suicide fut la parole la plus importante de ta vie, mais tu n'en cueilleras pas les fruits. (...)Ta mort a écrit ta vie. (...)Ton suicide fut d'une beauté scandaleuse.(...)En art, retirer est parfaire. Disparaître t'a figé dans une beauté négative. (...)Ton suicide rend plus intense la vie de ceux qui t'ont survécu.(...)Tu es cette lumière noire mais intense qui, depuis ta nuit, éclaire à nouveau le jour qu'ils ne voyaient plus.(...)Ta vie fut moins triste que ton suicide ne le laisse penser.(...)Ton sens du raccourci fit qu'au lieu d'achever les travaux entrepris, tu t'es achevé toi-même.(...)"

20.3.08

Pendant ce temps là(s) en Belgique

Hugo Claus (Photo: Vincent Menzel)


L’écrivain flamand Hugo Claus, plusieurs fois favori pour le Prix Nobel de littérature, est mort, a annoncé son éditeur. Il avait la maladie d’Alzheimer et a demandé à être euthanasié. Il avait 78 ans.

L’écrivain et poète flamand est mort mardi midi à l’hôpital d’Anvers, a annoncé son éditeur. « Claus souffrait de la maladie d’Alzheimer. », a précisé sa maison d’édition, Bezige Bij, dans un communiqué.

Hugo Claus était atteint de la maladie d’Alzheimer depuis dix ans déjà, indique Piet Piryns, le journaliste qui s’est vu autoriser de rédiger la biog raphie de l’auteur.

« Hugo Claus lui-même avait été le premier à détecter la présence de cette maladie », poursuit Piet Piryns. « Il y a un peu plus de deux ans, un diagnostic officiel avait été rendu. Hugo a alors décidé qu’il voulait choisir lui-même la date de son départ. » « La date de l’euthanasie a été arrêtée tout récemment », poursuit Piet Piryns. « L’écrivain était parfois très perturbé ces derniers temps mais il avait encore tout de même des moments de lucidité pendant lesquels il comprenait parfaitement ce qu’il se passait. » Les funérailles de l’écrivain auront lieu le 29 mars au théâtre anversois du Bourla. Il n’y aura pas de service religieux.

« Je le connais suffisamment pour savoir qu’il voulait partir dans la fierté et la dignité. Il va nous manquer », a déclaré le ministre flamand de la Culture, Bert Anciaux.

Son décès constitue une « grande perte pour toute la société », a-t-il dit, ajoutant que « pour moi, il est le meilleur poète de tous les temps ».

Né le 5 avril 1929 à Bruges, Hugo Claus, romancier, poète, dramaturge, scénariste, auteur d’une centaine d’ouvrages, avait également participé au tournant des années 1950 au mouvement artistique Cobra, comme son compatriote le peintre belge Pierre Alechinsky.

Ayant vécu un temps à Paris, où il a été influencé par le mouvement surréaliste et Antonin Artaud, mais a choisi d’écrire en néerlandais, il s’était présenté avec son sens bien connu de la provocation comme « un flamingant francophone ».

Dans son roman le plus célèbre, « Le chagrin des Belges », il décrivait avec le lyrisme brutal et truculent qui est sa marque de fabrique une certaine médiocrité réactionnaire du milieu provincial flamand. Il y dénonçait la collaboration flamande avec l’occupant allemand durant la Seconde guerre mondiale, un des thèmes tabous de la politique belge.

En septembre dernier, il a signé avec 400 autres personnalités flamandes une pétition pour s’opposer au « discours de séparatisme qui plane dans les négociations gouvernementales ».

(D’après Belga, AP, AFP)

Rêver à la Suisse (suite et fin)







PARIS (Reuters) - Chantal Sébire, une femme de 52 ans souffrant d'une tumeur incurable et qui venait de se voir refuser lundi par la justice une aide à mourir, a été retrouvée morte mercredi à son domicile près de Dijon, a-t-on appris de source proche du gouvernement.


Aucun détail n'était disponible dans l'immédiat sur les causes de son décès. La nouvelle de la mort de Chantal Sébire a été publiée dans un premier temps sur le site internet du quotidien régional Le Bien public.

Atteinte d'une esthésioneuroblastome, tumeur rarissime et incurable aux sinus et à la cavité nasale, qui la défigurait et la faisait atrocement souffrir depuis huit ans, cette ancienne enseignante, mère de trois enfants, avait médiatisé depuis plusieurs semaines son sort.

Elle disait vouloir être conduite vers la mort, en accord avec ses enfants et réclamait qu'on permette à son médecin de famille de lui administrer une dose mortelle de pentothal.

Elle avait donné de nombreuses interviews à la presse, écrit à l'Elysée et saisi la justice. Un juge de Dijon avait repoussé lundi sa requête, estimant qu'elle se heurtait au code de déontologie médicale, qui interdit à un médecin de donner délibérément la mort, et au code pénal, qui fait de la provocation au suicide une infraction.

"La demande de Mme Sébire, humainement concevable, ne peut juridiquement en l'état du droit prospérer (...) Même si la dégradation physique de Mme Sébire mérite la compassion, le juge, en l'état de la législation française, ne peut que rejeter la demande", concluait le jugement.

La semaine dernière, l'Elysée avait exclu toute réforme législative mais proposé une nouvelle consultation médicale chez des spécialistes parisiens à Chantal Sébire, ce qu'elle avait refusé.

LOI LEONETTI EN RÉEXAMEN

Aux journalistes, Chantal Sébire disait vouloir affronter la mort en toute conscience et en toute lucidité. "Je veux partir en faisant la fête entourée de mes enfants, amis et médecins, avant de m'endormir définitivement à l'aube", avait-elle déclaré.

Elle soulignait en effet que la loi actuelle ne lui permettrait que d'être plongée dans un coma par sédation, ce qui lui permettait au mieux de mourir, sans alimentation et sans hydratation, après dix à quinze jours d'agonie.

Alors que le gouvernement excluait la semaine dernière toute réforme sur la question de l'euthanasie, Matignon a décidé mercredi une réflexion.

Plusieurs personnalités, notamment le député PS Gaëtan Gorce et le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, mais aussi la nouvelle secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, se sont dites mercredi plutôt favorables à une réforme.

Il s'agirait, comme en Belgique et aux Pays-Bas, de permettre aux médecins de provoquer directement la mort d'un patient, dans certains cas extrêmes, après autorisation de plusieurs commissions et dans le cas d'une demande du patient et de la famille.

Le député UMP et médecin Jean Leonetti a été chargé par le Premier ministre, François Fillon, d'une mission d'évaluation de la loi de 2005 qui porte son nom, et dont il fut rapporteur.

Elle a été mise au point après l'affaire Vincent Humbert, un jeune tétraplégique dont la mort avait été provoquée médicalement à sa demande et à celle de sa famille.

Cette loi permet "l'euthanasie passive", c'est-à-dire, pour les malades atteints de pathologies incurables en phase terminale, l'arrêt des traitements et l'administration de sédatifs, même s'ils risquent d'entrainer la mort. Elle proscrit toujours cependant "l'euthanasie active", le fait de provoquer directement la mort, et à fortiori le suicide assisté.

François Fillon charge le député "d'évaluer la mise en oeuvre concrète de la loi et de faire des propositions, pour remédier à la méconnaissance ou la mauvaise application des textes et éventuellement à l'insuffisance de la législation".

Thierry Lévêque

19.3.08

S'embrouiller



«Emmanuel Brouillard est poète et écrivain, mais ce travail est alimentaire. Pour s’amuser, il est agent du Trésor public.»Voilà comment il se présentait lui-même, lors de la sortie de son dernier livre,Trois Claques pour Balzac, paru en 2007 (Castor Astral). A chacun ses pudeurs, sa façon d’assumer un gagne-pain où l’on ne s’épanouit pas, de se débrouiller avec sa vie. Ou de ne pas. Il s’appelait Emmanuel Brouillard, il avait 44 ans, et c’était son vrai nom, qui disait bien la zone floue où il se débattait, débrouillard avec les mots, embrouillé avec les choses.

Les mots, il en était une sorte de cambrioleur virtuose, aux Papous dans la tête, l’émission de France Culture à laquelle il participa de 1997 à 2005, comme dans ses textes pour le théâtre. Il courrait sans fausse honte après le calembour le plus absurde, avec la pincée de mauvais goût nécessaire pour que ce soit vraiment drôle. Dans Trois Claques pour Balzac, recueil de limericks (petits poèmes, à forme fixe et à contenu souvent grivois, d’origine anglaise), il imagine les mille et une raisons pour foutre son poing dans la gueule à un écrivain.

Par exemple, une homonymie fâcheuse : «Comme ce type s’appelait Charlus/Tous ses voisins lui disaient : suce/Il rencontre Proust/Il lui fout une rouste/Et le bout d’sa canne dans l’anus.»

Mais il y avait aussi cette réalité à laquelle il se cognait, la dépression qui le taraudait. Dimanche 2 mars, Emmanuel Brouillard s’est donné la mort. Brouillé pour toujours.

(Source : Libération du 11 mars 2008)

18.3.08

Echo

« Nous avons le gouvernement le plus répugnant qu'on puisse imaginer, le plus hypocrite, le plus méchant, le plus grossier et en même temps le plus bête, disons-nous, et naturellement ce que nous pensons est juste, et nous le disons d'ailleurs à tout moment, a dit Reger, mais lorsque nous regardons en dehors de ce pays abject, hypocrite et méchant et menteur et bête, nous voyons que les autres pays sont tout aussi menteurs et hypocrites et, tout compte fait, tout aussi abjects, a dit Reger. »

Thomas Bernhard, Maîtres anciens, Gallimard, Paris, 1988, p. 149.

Merci à Fabrice.

17.3.08

Rêver à la Suisse



Qui sont ces gouvernants, qui sont ces juges, quelles sont ces autorités médicales pour refuser à Chantal Sébire (et à d'autres) le droit élémentaire de mourir dans la dignité? Pour qui vous prenez-vous? Deux mots me viennent à l'esprit : lâcheté et hypocrisie.

15.3.08

La cible






Autoportrait tiré de Jacques Rigaut


Je vous conseille vivement d'aller faire un tour à l'hôtel Sully à Paris où se tient (jusqu'au 18 mai 2008) une passionnante exposition consacrée au merveilleux et fantaisiste univers de la carte postale. Saviez-vous qu'en 1900, en France, 52 millions de cartes ont été envoyées? Les boîtes aux lettres débordaient de cartes postales et les facteurs s'arrachaient les cheveux devant cet engouement épistolaire. Dadaïstes et surréalistes se sont enthousiasmés pour cette imagerie populaire. Paul Eluard a collectionné les cartes postales de façon obsessionnelle. L'exposition présente (entre autres) sa collection, quatre gros albums, dans lesquels il a reconstitué une "hallucination liliputienne du monde". Les "gais terroristes" adoraient également se faire tirer le portrait par les photographes installés dans les fêtes foraines, qui proposaient à leurs clients de poser dans des décors ludiques où l'on passait sa tête dans le trou d'une toile représentant un avion ou une voiture. Il existait aussi des stands de tir photographique où le tireur déclenchait la prise de vue s'il atteignait la cible dans le mille... Jacques Rigaut était un bon tireur, comme on peut le constater sur l'image ci-dessus.

11.3.08

Un été à Guéthary (2)


Le café de Madrid, hier...

Le café de Madrid, aujourd'hui...

Merci à Lola Stormy pour ces deux photographies.

Un été à Guéthary


Le café de Madrid à Guéthary

Une autre vue du café de Madrid

Rigaut et Drieu devant la maison de Guéthary (1924 ou 25)

En 1924 ou 1925, lors d'une soirée d'été probablement très agitée, Paul Chadourne, Pierre Drieu la Rochelle et Jacques Rigaut ont écrit au café de Madrid à Guéthary un "cadavre exquis" à trois mains. Si quelqu'un(e) dispose d'informations sur le Guéthary de cette époque, je suis preneur...

8.3.08

L'ami américain à Paris


Jacques Rigaut par Man Ray, 1922

PARIS (AFP) - Peintures, sculptures, photographies, objets, dessins... L'exposition "L'Atelier Man Ray" à La Pinacothèque de Paris présente jusqu'au 1er juin toutes les facettes de cet artiste américain façonné par le dadaïsme et le surréalisme.Man Ray, né à Philadelphie en 1890 et mort à Paris en 1976, est surtout connu du grand public pour son travail de photographe - portraits d'artistes ou la célébrissime photo de 1924 de Kiki de Montparnasse, dont le dos nu est orné vers le bas de deux ouies de violon.

L'exposition, qui rassemble près de 250 oeuvres, suit les quatre grandes étapes de la vie américaine et parisienne de Man Ray, vite fasciné par l'avant-garde artistique européenne. Sa rencontre à New York en 1915 avec Marcel Duchamp et Francis Picabia fut déterminante.

Avant même de venir s'installer en France en 1921, ses premières oeuvres sont déjà marquées par l'influence du cubisme ou du dadaïsme comme sur un autoportrait de 1916 (lithographie) où son visage est "remplacé" par une main rouge. Son folio "Portes tambour", dont la première page est une baguette de pain bleue, en est un autre exemple.

Dès le départ également, il fait vagabonder son imagination débordante sur tous les supports: photos, lithographies, collages, peintures, clichés-verre, pièces d'échecs, fer à repasser et passoire compris.

Quand Man Ray (né Emmanuel Radnitsky) s'installe à Paris -en 1921 puis définitivement en 1951-, "il va être accepté comme artiste à part entière. On le laisse devenir sculpteur, peintre etc, ce qui n'était pas le cas aux Etats-Unis", explique Françoise Kunzi, directrice adjointe de la Pinacothèque. "Man Ray comprend que la France c'est la liberté", résume-t-elle.

Duchamp présente Ray aux dadaïstes parisiens. Il croisera aussi pêle-mêle le couturier Paul Poiret, Jean Cocteau ou Erik Satie.

Les artistes passent devant son objectif comme Picasso dont le profil semble en relief. La photo "Les Surréalistes" où prennent la pose notamment Breton, Tzara, Dali, Ernst, Tanguy, Eluard.. et Man Ray, est un témoignage unique du bouillonnement intellectuel du moment.

"Noire et blanche" (1936), tête de Kiki couchée sur une table à côté d'un masque africain Yorouba, symbolise son amour des femmes, nombreuses dans sa vie et ses inspirations.

L'idée étant plus importante que l'oeuvre, il s'attachera souvent à reproduire un même thème comme la sculpture d'Herma, un bronze de 1919, dont les mouvements sont repris dans une lithographie de la même année "Les trois nus".

Le fameux Violon d'Ingres, photo noir et blanc au départ, est devenue en 1969 une lithographie couleurs. Le thème de l'abat-jour se retrouve à la fois dans une encre sur papier, en carton ondulé ou épreuve gélatino-argentique.

L'oeuvre de Man Ray peut être également admirée à la Tate Modern de Londres où se déroule jusqu'à fin mai une exposition consacrée au trio dadaïste Marcel Duchamp, Man Ray et Francis Picabia.

(Pinacothèque de Paris, 28 place de la Madeleine, 75008, tlj de 10h30 à 18h00, entrée 7 euros)

Annus horribilis

5.3.08

La traversée du miroir




"[...] J'ai connu autre fois un homme d'une fort médiocre beauté mais équipé d'une sensibilité si aiguë et doué d'une vélocité d'esprit tellement excessive qu'il n'avait jamais pu trouver deux fois de suite son visage sans le même miroir- il suffisait qu'il abaissât, dans un clin d'œil la paupière- il avait devant lui une autre image.

Il me dit- vous comprendrez, j'en suis sûr, que je ne me connais absolument pas moi-même. Et comme je ne connais pas davantage les autres, qui changent sous mes yeux aussi vite que ma propre image dans la glace, je commence à croire qu'il n'y a jamais eu au monde, ni personne, et à me demander ce qu'il y aurait de changer pour moi et pour les autres si nous nous décidions à anticiper sur cette fin du monde en dégradé, et dégradante, en effet, qui livre, avec tant d'indifférence l'homme aux caprices du temps

Et les hommes -détachés de l’humanité par la mort comme les grains de sable des rochers par le flot tout aussi inlassable- s’en vont un à un fournir la matière anonyme des vastes étendues de l’éternel oubli. [...]"

Pierre Reverdy in La liberté des Mers p:42-43.