21.5.15

Dans crève-cœur y a cœur


"Une angoisse docteur? c'est pas une angoisse, c'est une angoisse perpétuelle." 
(Alain Leroy au docteur La Barbinais)


6.5.15

Des (bonnes) nouvelles d'Henri Calet




"Je travaille en ce moment à un guide de Paris où j'ai choisi de parler des XIXe et XXe arrondissements , ce qui m'a conduit à faire quelques balades assez déprimantes aux abattoirs de la Villette et aux Buttes-Chaumont", écrit Henri Calet à son ami Georges Henein le 30 mars 1949. Ce "guide de Paris" restera inédit jusqu'à aujourd'hui. Le grand exhumateur de Calet, Jean-Pierre Baril, nous explique dans une éclairante préface le cheminement compliqué de ces balades parisiennes que l'auteur de Peau d'ours tentera vainement de publier entre 1950 et 1955, sous le titre Huit quartiers de roture. Henri Calet est le chef de file cette littérature  dite arrondissementière, ce journalisme intimiste où l'auteur invite le lecteur à le suivre dans une déambulation autobiographique et poético-littéraire des quartiers de Paris, en dehors des sentiers battus. Pour son projet, Calet rassemble quelques-uns de ses articles d'écrivain-voyageur en zone urbaine, déjà parus dans la presse, puis arpente les rues des XIXe et XXe arrondissements qui lui sont familiers, puisqu'il s'agit de sa terre natale. Comme le souligne Jean-Pierre Baril, Calet se met "à l'écoute de lui-même, de ses sensations, et du bruit de son pas sur l'asphalte. C'est le bruissement de la ville, c'est son cœur, c'est son battement secret qui l'intéresse." Malgré un contrat d'édition signé, le projet achevé restera dans les archives de l'écrivain.  Pour autant, Calet ne se décourage pas et propose l'adaptation radiophonique  de son projet au directeur de la Radiodiffusion française. Huit quartiers de roture sera finalement diffusé sur les ondes françaises durant l'automne 1952. Le Dilettante qui publie aujourd'hui les versions inédites du texte a eu la bonne idée d'insérer dans l'ouvrage un CD comportant de larges extraits de la version radiophonique. On peut y entendre avec émotion la voix chaleureuse et rocailleuse de Calet qui lit son texte avec une diction merveilleuse, parfois teintée d'ironie, un montage poétique de narration et de musique, une mise en ondes parfaitement réussie. "J'aime ces faubourgs pauvres où il n'y a rien à voir. On croise le minimum de gens, on se sent presque seul, on s'enfonce dans une agréable mélancolie, au risque d'y perdre pied, insensiblement", écrit Calet, aux environs de la place Gambetta. Puis, il invite le lecteur à suivre ses pas dans les allées ombragées du cimetière du Père-Lachaise. On contemple avec lui la vue panoramique sur Paris, de la terrasse de la chapelle, d'où Rastignac lança sa fameuse apostrophe à la capitale : "A nous deux maintenant!" A son habitude, Calet apporte quelques touches humoristiques qui rendent la balade souriante, dans un lieu qui, au premier abord, n'incite guère à sourire : "Je ne rencontrais personne, hormis quelques vieillards assis légèrement sur des bancs où l'on dirait qu'ils cherchent à prendre des habitudes." Après le succès de l'adaptation radiophonique de ses promenades, Calet fit une dernière tentative pour publier Huit quartiers de roture. Les éditions Grasset et d'autres maisons refuseront le manuscrit. Calet aurait aimé poursuivre ses dérives psychogéographiques à travers la ville, et écrire un livre sur Paris, arrondissement par arrondissement. La maladie l'en empêchera. Son cœur usé s'arrêtera de battre un 14 juillet 1956. Quelques jours avant sa mort, il écrira ces notes dans son agenda : « C’est sur la peau de mon cœur que l’on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent. Faites comme si je n’étais pas là. Ma voix ne porte plus très loin. Mourir sans savoir ce qu’est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà ? Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. »

Henri Calet, Huit quartiers de roture, établissement du texte, notes, préface et postface de Jean-Pierre Baril, un CD inclus, éditions Le Dilettante, mai 2015, 19 euros.  






2.5.15

Rigaut chez l'homme pressé




"Cher ami,
Ne trouvez-vous pas qu'il y a dans le goût de la mort, chez Drieu, quelque chose d'aussi désuet que dans le romantisme ; cela date d'avant la bombe atomique. Depuis, on ne peut plus parler de la mort de la même façon, même si l'on doit en parler. Avez-vous connu Jacques Rigaut quand il était le secrétaire de J.E. Blanche ? Moi, oui. Il venait me voir avenue Charles Floquet, mais m'a toujours caché la drogue. [...]"


Lettre de Paul Morand à Jacques Chardonne du 15 septembre 1963
Remerciements à Bertrand Lacarelle