29.12.12

Un Rigaut peut en cacher un autre



"On sait qu’allumer la radio en voiture peut être dangereux : Mitterrand avait failli verser dans le fossé plusieurs fois en tombant sur une déclaration de son ministre des relations extérieures Cheysson. C’est ce qui a failli m’arriver il ya quelques jours en entendant l’annonce d’une soirée d’hommage à Jacques Rigaut.
Surtout que j’étais sur ma radio favorite, RTL, pas vraiment spécialisée dans la littérature de l’entre-deux-guerres.

 En fait, il s’agissait d’un homonyme (peut-être avec une orthographe différente), apparemment ancien administrateur de la radio, qui venait de casser sa pipe. Il aurait aimé ça, Rigaut (le vrai), lui qui a si bien écrit sur l’ennui, qu’on le confonde avec un de ces pesants bureaucrates décorés de la Légion d’honneur. Mais qu’importe, c’est là l’occasion d’avoir une pensée pour l’authentique Jacques Rigaut (1898-1929), feu follet de la littérature, qui, outre l’ennui, a écrit de belles choses sur la richesse : « la petite V… vient d’épouser un riche garçon ; elle l’aime. Ce n’est pas son argent qu’elle aime, elle l’aime parce qu’il est riche. La richesse est une qualité morale. Les yeux, les fourrures, la santé, les jambes, les mains, la 12 Packard, la peau, la démarche, la réputation, les perles, les partis pris, le parfum, les dents, l’ardeur, les robes qui sortent de chez le grand couturier, les seins, la voix, l’hôtel Avenue du Bois, la fantaisie, le rang dans la société, les chevilles, les fards, la tendresse, l’adresse au tennis, le sourire, les cheveux, la soie, je en fais pas de différence entre ces choses, et aucune d’entre elles n’est moins capable de me séduire que les autres. », sur les indignés : « La révolte est une forme d’optimisme à peine moins répugnante que l’optimisme courant. », et bien entendu sur le suicide : le fameux « Essayez, si vous le pouvez, d’arrêter un homme qui voyage avec son suicide à la boutonnière. ».  Le fondateur de l’Agence Générale du Suicide, « l’AGS offre enfin un moyen un peu correct de quitter la vie, la mort étant de toutes les défaillances celle dont on ne s’excuse jamais. » est de ceux qui vont au bout de ses idées : il se tirera une balle en plein cœur à l’âge de trente ans.

 S’il fallait recommander un livre de Rigaut, ce serait celui édité par Cent pages, rien que pour le titre : Le jour se lève ça vous apprendra."

François Marchand

Source : Causeur.fr
29 décembre 2012

22.12.12

Souhait



Le blog Rigaut vous souhaite de Joyeuses Fêtes de fin d'année.

10.12.12

Jacques Rigaut ramasse les copies dans deux heures



ANTICIPATION – Des élèves de 3e incités à imaginer leur suicide

Depuis l'introduction du Mythe de Sisyphe de Camus, on sait que le seul problème philosophique vraiment sérieux est le suicide. Mais de là à demander à des collégiens de mettre fictivement fin à leur jour, il y a un pas... "Vous venez d'avoir 18 ans. Vous avez décidé d'en finir avec la vie. Votre décision semble irrévocable. Vous décidez dans un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant votre autoportrait, vous décrivez tout le dégoût que vous avez de vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l'origine de ce sentiment." Il y a un peu plus d'un mois, les élèves de deux classes de 3e du collège de Montmoreau-Saint-Cybard, en Charente, ont dû plancher sur ce sujet de rédaction. Un énoncé un peu dérangeant, surtout si l'on considère que le devoir n'était accompagné d'aucun cours de sensibilisation à la problématique du suicide, qui reste la deuxième cause de mort chez les jeunes de 15 à 24 ans.

"C'EST QUASIMENT DE L'INCITATION !"

L'énoncé de la rédaction, dévoilé par La Charente libre, a été dénoncé par un groupe de parents d'élèves, qui n'ont pas hésité à l'envoyer au principal et à l'Inspection académique. Indignés que l'on puisse proposer un tel sujet à des enfants qui "à cet âge sont mal dans leur peau", les parents se sont également étonnés que rien n'ait filtré depuis le 22 octobre, jour où la rédaction a été proposée aux deux classes. "Un sujet comme ça, c'est quasiment de l'incitation !", a affirmé au quotidien le président des parents d'élève FCPE du collège. De leur côté, les enfants ne semblent pas avoir particulièrement tiqué sur l'incongruité du sujet, qu'ils ont pris comme un énième exercice de fiction. "On n'a pas eu l'idée d'en parler à nos parents. Quand le prof nous a donné le sujet, ça nous a étonnés. On lui a posé des questions. Il n'a pas voulu répondre, et nous a dit : 'C'est comme ça.'", témoigne Louis, un des élèves concernés. Parmi les éléments qui ont suscité la colère des parents d'élèves, ce commentaire, à côté de la note d'un élève : "Pas assez précis." Le rectorat a indiqué que le professeur responsable de la rédaction était "suspendu à titre conservatoire, le temps que l'enquête administrative soit diligentée". L'enseignant de lettres, âgé d'une trentaine d'années, doit être entendu lundi après-midi par le directeur académique, à Angoulême, saisi par les parents d'élèves indignés.

Source : Le Monde.fr

7.12.12

Jacques Rigaud est mort



 "Jacques Rigaud, ancien président de RTL, de 1980 à 2000, haut fonctionnaire et homme de culture, est mort à l'âge de 80 ans, a annoncé la radio vendredi 7 décembre. "Jacques Rigaud, président de RTL pendant vingt ans, est mort", annonce RTL sur son site Internet. "Toute la société rend hommage ce vendredi matin à Jacques Rigaud, décédé à l'âge de 80 ans. Ancien de l'ENA, haut fonctionnaire, membre du Conseil d'Etat, avant de rejoindre le monde des médias, c'était un homme très attaché à la culture. Il était l'un des chantres de l'indépendance de la radio de la rue Bayard", poursuit RTL. Né le 2 février 1932, Jacques Rigaud était passé par le Conseil d'Etat, le cabinet de Jacques Duhamel aux ministères de l'agriculture (1969-71) puis des affaires culturelles (1971-73), avant d'être sous-directeur général de l'Unesco (1975-78) et chargé de mission auprès de Jean-François Poncet au ministère des affaires étrangères (1978-79). Il était arrivé en 1980 à RTL et avait alors "tiré un trait" sur sa carrière politique, au nom de l'indépendance qu'il estimait devoir adopter. Nœud papillon, lunettes vissées sur le nez et costume tiré à quatre épingles, Jacques Rigaud n'avait pas vraiment l'allure du patron d'un grand média de masse. Mais il indiquait que c'était "précisément le grand public" qui lui avait plu à RTL. "J'ai joué à fond le jeu d'une grande radio commerciale, tout en maintenant une exigence de qualité", avait-il dit en 2000, à son départ de RTL."


Source :  Le Monde.fr avec AFP

De son vivant J.R. s'amusait de l'orthographe fautive récurrente de son patronyme. Dans une lettre de 1918 à Simone Kahn, il notera à propos d'Amiot son ancien professeur : " (...) Inutilement je lui répéterai que mon nom prend un "t", il l'écrira toujours avec un "d". (...)"

2.12.12

Le père Noël n'est pas une ordure




A paraître le 5 décembre, le N° 5 de la désormais incontournable revue Schnock, avec un portrait de Maurice Ronet par votre serviteur (dans les bonnes librairies & les relais H)

18.11.12

Reflets dans un miroir


Roger Gilbert-Lecomte en 1924

Étrange révélation la semaine dernière grâce à mon ami Henri Graetz, violoniste talentueux, debordien et probablement le dernier dadaïste belge au XXIème siècle. Henri se trouvait à Paris pour y répéter avec la blonde diva Arielle Dombasle qu'il accompagne sporadiquement dans ses tournées. Il m'apprend alors que l'égérie de Rohmer lui a demandé de tenir le rôle d'un opiomane dans le film qu'elle est en train de réaliser au sujet de Cocteau (période dada). Nous décidons de nous retrouver sur le plateau du tournage pour y discuter littérature entre deux prises (sans mauvais jeu de mots). Je me retrouve donc au milieu de la nuit dans un vaste appartement haussmannien des beaux quartiers , vidé de son mobilier et envahi par toutes les personnes qu'on retrouve habituellement au générique de fin d'un film. Une atmosphère très Roaring Twenties... hors-champ des costumes d'époque attendent sagement sur les cintres, les maquilleuses s'affairent autour de Julie Depardieu travestie en une sorte de Mata Hari toxique, pendant que les accessoiristes préparent la machine à fumée pour les volutes opiacées qui planent au-dessus des têtes des fumeurs allongés sur d'épais coussins rouge sang. Je croise Grégoire Colin, acteur au visage lunaire, assez persuasif dans le rôle de Cocteau. Henri me présente à Arielle qui se souvient des détails de la mise en scène du suicide de JR. L'ambiance du plateau me fait songer à la scène de la fumerie dans le Feu follet et au monologue d'Urcel : "La désintoxication, drôle de chose.. Pourquoi fait-on semblant de se désintoxiquer, mon dieu? ... Par gentillesse, pour faire plaisir à quelques amis inquiets, pour ne pas laisser toute cette pauvre humanité seule dans son malheur..." Henri profite des nombreuses périodes d'attente de tournage pour me montrer ses dernières emplettes littéraires, dont un exemplaire de l'édition originale des oeuvres complètes de Roger Gilbert-Lecomte, le Tome 2 consacré à l'oeuvre poétique, publié chez Gallimard en 1977, ouvrage quasiment introuvable et malheureusement jamais réédité. Je feuillette au hasard le précieux livre et tombe en arrêt sur un poème qui semble avoir été écrit en hommage à Jacques Rigaut, même si "Rog-Jarl" l'a dédié à Arthur Adamov. Le poète du Grand Jeu connaissait l'existence de Rigaut et avait probablement lu ses textes. Reste à trouver la date d'écriture de ce poème dont le contenu ressemble de façon frappante à l'histoire tragique de Lord Patchogue, l'homme qui a traversé les miroirs.


L’éternité en un clin d’œil

Quiconque voit son double en face doit mourir
Échéance du drame au voyant solitaire
Miroir un œil regarde un œil qui le regarde
Offert et renoncé pur don et dur refus
D’étrangère qui n’en peut plus qui n’en peut plus
Donatrice abreuvée aux sources des insultes

Hantise du reflet glacial ombre vaine
De ce double avéré plus soi-même que soi
Simulacre nié de menteuse lumière
Perdue aux ondes d’ombre aux sombres eaux de mort

Miracle du regard regardant l’œil qui darde
Un inverse regard vigilant assassin
Provocateur
Assassinat se dit suicide au jeu mortel

Immortelle qui passe à travers le miroir
Pupille que contracte un acte pur détruire
C’est l’étoile-fantôme à l’âme de feu noir
Le point nul en son propre intérieur vibrant

L’œil dévorera l’œil au point nul éternel

6.11.12

"Je serai un grand mort"






Tombe de Jacques Rigaut, cimetière Montmartre, 6 novembre 2012.

Photos Franck Chevalier






5.11.12

Demain...



Le 5 novembre 1929, Rigaut quitte la clinique pour Paris.
Il va au théâtre avec les Porel, dîne avec eux ,
puis s’engouffre dans un taxi
« pour un rendez-vous important avec des amis ».

2.11.12

Entre deux eaux




Nous ne cesserons de rappeler, comme l'intéressé à son époque,
que Rigaut s'orthographie avec un T, à l'instar de la mort.
Recension de l'ouvrage quand il sera arrivé dans notre boite aux lettres.



8.10.12

Nuit Blanche



Le musicien Delaney Blue, le comédien Grégoire Leprince-Ringuet et le chanteur Daniel Darc lors du documentaire "Jacques Rigaut, Portrait au revolver" en direct pour la Nuit Blanche du 6 octobre 2012.
Photo Franck Chevalier.

3.10.12

Le jour se lève, ça vous apprendra.



 En public et en direct du Palais de Tokyo
 Nuit blanche 2012 "Jacques Rigaut, Portrait au revolver"
 06 octobre 2012 à 21 heures



Un documentaire sur scène de Stéphane Bonnefoi (production) et Céline Ters (réalisation)

Avec des lectures du comédien Grégoire Leprince-Ringuet et du chanteur Daniel Darc.


« Tant que je n’aurai pas surmonté le goût du plaisir, je serai sensible au vertige du suicide, je le sais bien » - J.R.



Le feu de la première guerre. L’emprise violente de Dada. Le corps à corps fugitif, désespéré, avec l’écriture. Le souffre du plaisir. Le vertige du suicide…
Jacques Rigaut n’a vécu que 30 ans, mais il a laissé sur ses contemporains, et bien au-delà, un souvenir aussi entêtant que son obsession méticuleuse pour le suicide.
Maître des aphorismes, des récits sacrifiés, des manuscrits raturés sur le vif, Rigaut a écrit comme il a vécu : sans espoir du lendemain.

Portrait au revolver, objet documentaire diffusé le 24 avril dernier pour l’Atelier de la création de France Culture, sera joué en live le 6 octobre 2012 à 21 h au Palais de Tokyo, dans le cadre de la Nuit blanche parisienne.

Archives sonores, entretien, musiques, bande son du film de Louis Malle Le feu follet­ et lectures : cette performance scénique est une autre manière de « voir » le documentaire radiophonique, et surtout d’entendre les écrits détonants de celui qui voyageait avec son suicide à la boutonnière…


Jacques Rigaut est né le 30 décembre 1898 à Paris. Il publie son premier texte dans la revue Action en 1920, aux côtés d’Artaud, Tzara ou Max Jacob. L’année suivante, il signe le manifeste « DADA soulève tout ». Dandy, gigolo, alcoolique et héroïnomane, il se marie avec une richissime américaine, Gladys Barber en 1923. L’idylle durera quelques semaines. Rigaut ne publiera plus aucun texte. Il mène une vie misérable à New-York et le 20 juillet 1924, il se jette dans un miroir. Ses amis le rapatrient en France. Le matin du 6 novembre 1929, le directeur et gérant de l’Agence générale du suicide se tire une balle en plein cœur. Il a 30 ans.



27.9.12

Un autre feu follet




"Il y a de quoi être troublé quand on s'aperçoit qu'on va passer sa vie à travailler avec, pour seul salaire, la mort au bout." Belle citation circonstancielle de Bernard Frank  mise en exergue d' Une âme damnée, passionnant récit d'Arnaud Le Guern, consacré à Paul Gégauff, ce talentueux scénariste/dialoguiste, méconnu du public, voyou dandy du cinéma français, qui traversa la vie comme un chien dans un jeu de quilles. Un faux dilettante à qui l'on attribue cette géniale réplique dont la dangerosité nonchalante lui fut fatale : "Tue-moi si tu veux, mais arrête de m'emmerder." Un soir de Noël 1983, dans un chalet norvégien  ( on se croirait dans un mélo de Douglas Sirk),  sa jeune compagne de vingt-cinq ans prit l'amusante supplique au pied de la lettre, et le tua de trois coups de couteau, mettant FIN à soixante et une années d'une vie considérée avant tout comme une partie de plaisir. Rewind. Arnaud  Le Guern rembobine avec tendresse le film de cette existence tumultueuse et libre, surimpressionnant sa vie à celle de Gégauff. Un exercice littéraire délicat voire casse-gueule qui mêle autobiographie, investigation biographique, digressions intimes, fiction et témoignages. Le lecteur se perd avec bonheur dans les méandres de ces vies confondues. Quand Arnaud Le Guern évoque le coup de foudre d' amitié entre Maurice Ronet et Paul Gégauff qu'il compare à Brett Sinclair et Danny Wilde d'Amicalement vôtre, il fait aussi allusion à un autre duo d'amis : "Avec Ronet, Gégauff aimait boire, parler de Jacques Rigaut et Drieu la Rochelle."  Quand on lit la vie de Gégauff, il est difficile de ne pas penser à celle de Rigaut, quasiment deux frères d'armes…  Le Guern a retrouvé dans un vieux Paris Match les mots de Roger Vadim qui rend hommage à Gégauff, son ami disparu, des mots qui auraient pu servir de notice nécrologique pour Rigaut : "C'est ainsi que je le vois, mi-poète, mi-fou, égoïste et vulnérable à la façon des enfants, avide d'aventures et de plaisirs, curieux, atteint de tous les dons mais, finalement, d'une grande rigueur intellectuelle dans  les désordres de sa vie."  Puis l'auteur nous entraîne dans une soirée amoureuse avec la charmante Miss K. qui devient le fil d'Ariane du livre auquel le lecteur se raccroche avec délice. Il y a aussi Louise, la petite fille de l'auteur, grâce à laquelle on découvre les contes de Pierre Gripari qu'on aimerait lire à son petit garçon. Et c'est reparti pour la tournée des grands-ducs avec la bande de Gégauff dans une dérive situationniste rive gauche,  un name dropping  de noctambules invétérés dont Christian Marquand, Anita Pallenberg, Dani, Amanda Lear, Tina Aumont… L'hiver à Paris, l'été à Saint-Tropez.  Le Guern raconte aussi le Gégauff écri-vain : quatre romans publiés dans les années 50 aux éditions de Minuit et quelques nouvelles. Une œuvre mince mais remarquée par Bataille : "Paul Gégauff a voulu décrire un univers plus vrai, où le saugrenu et l'injustifiable caprice feraient la loi comme il n'arrive que dans les rêves." Roger Nimier salue également les velléités littéraires de Gégauff : " Les qualités de Paul Gégauff sont : le cynisme, le sens de la drôlerie, un style vif où la pensée saute d'un mot à l'autre comme une puce."  La littérature ça impressionne mais ça ne paie pas les virées nocturnes. Gégauff se tourne alors vers le cinéma. Une première rencontre avec Rohmer qui le fait jouer dans son premier court-métrage : Journal d'un scélérat. Gégauff se moque de la passion de Rohmer pour les jeunes filles, puis s'envole pour l'Espagne où il se lance dans quelques affaires interlopes tout en multipliant les conquêtes féminines.  Une mésaventure le laisse sur la paille, presque clochard, puis un heureux rebondissement et le voici de retour à Paris les poches déformées par les billets. Cet épisode romanesque inspirera à Rohmer un de ses films : Le Signe du lion. Gégauff apportera quelques corrections aux dialogues, mais refusera de tenir le rôle principal. Comment décemment jouer son propre rôle ?  Gégauff se moque encore, de la "Nouvelle vague" du cinéma français, des Cahiers du cinéma, de Truffaut qu'il trouve prétentieux et coincé, de Godard qu'il surnomme "le Dostoïevski de Lausanne".  Lors d'un débat dans un ciné-club, il provoque un jeune réalisateur débutant,  Claude Chabrol qui vient de finir une longue tirade sur Hitchcock : " Monsieur, vous n'y connaissez rien. Vous êtes un inculte, cinématographiquement parlant."  La joute verbale se poursuit alors au bistrot d'où les deux protagonistes sortiront les meilleurs amis du monde. Gégauff s'installe chez Chabrol qui lui confie les dialogues de son prochain film : Les Cousins. Ours d'or au festival de Berlin en 1959. Dans le film, Chabrol fait porter à Jean-Claude Brialy un casque à pointe allemand. On impute cette provocation à Gégauff qui ne dément pas. En 1950, il s'était présenté à un bal costumé attifé d'un uniforme de la Wehrmacht tout en faisant le salut nazi.  La farce à tonalité dadaïste avait jeté un froid sur la soirée. Gégauff prend un malin plaisir à provoquer les bien-pensants, les donneurs de leçons et autres terroristes intellectuels de l'époque. Une attitude politiquement incorrecte qui lui assure une mauvaise réputation immédiate et durable. Gégauff enfonce le clou en ajoutant : "C'est la coquetterie qui m'incite à cultiver cette image de fasciste. Les humanitaristes sont tellement nombreux, tellement ennuyeux, tellement collants, que ça m'amuse de trancher là-dessus." Arnaud Le Guern a raison de citer Antoine Blondin pour illustrer ce grand malentendu (plus que jamais d'actualité) : "Ils disent que nous sommes des écrivains de droite, parce qu'ils n'arrivent pas à nous classer à gauche." Gégauff se fout de la politique comme de la morale, c'est un cocktail dandyesque avec beaucoup de Fitzgerald et un zeste d'Oscar Wilde, un poète tendre et amer qui écrit en catimini de sublimes haïkus : " C'est beau les nuages / Pourtant, on me reproche / D'être toujours dedans " Gégauff devient le scénariste attitré (15 films!) de Claude Chabrol qui se retrouve dans ce dandy désabusé à l'humour corrosif. Dans ses mémoires, Chabrol évoque son ami scénariste : "Anar de droite ou de gauche, aujourd'hui encore je ne sais pas vraiment où Paul se situait. Il avait un point de vue radicalement différent de monsieur Tout-le-monde. Il était terriblement doué, mais socialement peu compatible, dirait-on aujourd'hui. Il incarnait la liberté que je ne savais pas conquérir seul." Lors de la sortie du film Les Bonnes Femmes, les deux compères sont attaqués pour misogynie, Françoise Sagan sera une des rares à prendre la défense de cette fable flaubertienne qui décrit sans indulgence l'aliénation féminine. Chabrol doit beaucoup à Gégauff qui lui a permis de réaliser ses meilleurs films. Au début des années 60, lassé par les querelles germanopratines, Gégauff prend le large pour Tahiti où il souhaite adapter pour le cinéma un roman de Stevenson, Le Reflux. Il réussit à convaincre un producteur de lui confier quelques millions de francs, alors qu'il ne possède même pas les droits d'adaptation. Sous les cocotiers polynésiens, dans l'ancienne maison de Stevenson, il écrit le scénario de son unique film en buvant du Moët & Chandon 1957. Il réalise quelques prises de vues, puis délègue la réalisation à son assistant. Pour Gégauff, tout est sur le papier, le reste n'est qu'une banale et ennuyeuse question de technique. Pour des raisons juridiques et probablement commerciales, le film ne sera jamais projeté en salle. On peut voir quelques images de ce film fantôme dans L'intrus (2004) de Claire Denis, une mise en abyme cinématographique dans laquelle la réalisatrice fait tourner l'acteur Michel Subor qui tenait un rôle dans le film de Gégauff. En 1968, Gégauff s'amuse des gesticulations estudiantines, et préfère écluser de nombreuses bouteilles à Saint-Tropez en compagnie de Maurice Ronet, Vadim, Sagan, Bernard Franck et Johnny Hallyday… "C'est l'homme qui m'a fait le plus rire et le plus pleurer de ma vie", avouera le rocker français. De retour à Paris, Gégauff descend les Champs-Elysées avec les gaullistes en scandant des slogans surréalistes : "La cuisine avec nous!, la cuisine est française!" L'agitation retombée, Gégauff renvoie tout le monde dans les cordes en écrivant le scénario de Que la bête meure, le plus noir des films de Chabrol, avec l'admirable Jean Yanne (imposé par Gégauff) dans le rôle du salaud intégral. Lors d'un dialogue, à propos de la littérature,  entre les protagonistes du film, le scénariste Gégauff se permet une note d'humour à son égard : " - Que pensez vous de Gégauff ??  Bien sûr personne n'en parle mais si on suit ce qu'il a écrit on peut se dire que son œuvre est très profonde , elle va loin ! -Ah oui , oui ça va très loin Gégauff." Il existe une (petite) famille gégauffienne dans le cinéma français, dont fait partie Jean Eustache, autre électron libre et iconoclaste. Un jour, Gégauff donnera sa définition du cinéma au réalisateur de La maman et la putain : " Le cinéma doit être le glacial reflet de la vie. Il faut montrer les choses dans tout leur ennui, dans toute leur froideur. Ou alors, on fait autre chose." En 1969, Barbet Schroeder, producteur des films de Rohmer, passe à la réalisation avec un premier film dont il confie le scénario à Gégauff. More, film mortifère sans concessions sur le caractère illusoire des idéaux libertaires et le repli dans la drogue (héroïne) sous le soleil aveuglant d'Ibiza, avec pour bande son la musique puissante et hypnotique du groupe Pink Floyd. Gégauff participera également à La vallée, autre film de Schroeder qui évoque les limites et les paradoxes de l'utopie rousseauiste prônée par la génération hippie, en opposition à la médiocrité et au conformisme de la vie bourgeoise de leurs parents. Gégauff n'aime pas qu'on galvaude le mot liberté : " Ceux qui parlent de liberté sont presque toujours des pauvres mecs terrorisés par leur belle-mère, ficelés comme des saucissons. Très peu de gens souhaitent réellement être libres." Une liberté d'esprit qui s'accorde peu aux contraintes d'une vie conjugale qui part à vau-l'eau. C'est Chabrol qui filme le naufrage dans  Une partie de plaisir où Gégauff joue enfin son propre rôle avec sa femme Danielle, amour défunt, qu'il piétine à mort dans un cimetière. Gégauff le colosse vacille. Les dernières années passent mal, Chabrol ronronne au cinéma, il n'a plus besoin de Gégauff qui fait de sa vie un film inachevé : quelques gribouillages scénaristiques, une jeune et séduisante compagne, des engueulades, des retrouvailles, un enfant, des ébauches de romans ou de films, et de nombreux verres de whisky avec les amis fidèles, Ronet et Marquand.  L'amertume semble inévitable. "J'ai visité une jolie ruine. C'était moi.", écrit Gégauff. Un très bel aphorisme qui aurait pu lui servir d'épitaphe. Le 14 mars 1983, dans une chambre de l'hôpital Laennec, s'éteint un autre feu follet du cinéma français, son ami Maurice Ronet. Et le lendemain, ce titre qui fait grimacer à la Une du quotidien Libération : "Maurice Ronet : la mort d'un looser des sixties "  Quelques mois plus tard, Gégauff se laissera tuer, une mort cinématographique, dans un ultime scénario qu'il avait lui-même écrit. Le dernier souffle d'un homme libre, jusqu'à la fin.      


Une âme damnée - Paul Gégauff, d'Arnaud Le Guern (Pierre-Guillaume de Roux, 2012)      

6.9.12

Le Samouraï



"Seuls ceux qui vont mourir savent toucher un homme s’il est vivant. " (Jacques Rigaut)

20.8.12

ALABAMA




LOS ANGELES — Le cinéaste et producteur britannique Tony Scott, qui a notamment réalisé "Top Gun" et "Jours de tonnerre", s'est suicidé dimanche à l'âge de 68 ans en sautant d'un pont à San Pedro (Californie, ouest).
Le corps du cinéaste, frère du réalisateur Ridley Scott, a été retiré des eaux près du pont Vincent Thomas, au sud de Los Angeles, et une note écrite de sa main faisant état de son intention suicidaire a été retrouvée dans sa voiture garée sur le pont, selon la police.
Un passant avait signalé à la police avoir vu un homme se jeter du pont vers 12H30 (19H30 GMT), a précisé le lieutenant Joseph Bale, de l'institut médico-légal de Los Angeles.
L'homme a été identifié dans l'après-midi comme étant Tony Scott, a ajouté M. Bale.
"Je confirme que Tony Scott est effectivement décédé", a déclaré Katherine Rowe, l'une des porte-parole du cinéaste.
La police a précisé que Tony Scott avait garé sa voiture, une Toyota Prius noire, sur le pont avant d'enjamber la rambarde et de sauter dans l'océan Pacifique. Des témoins ont assuré avoir vu ses chaussures flotter à la surface.
Des plongeurs ont recherché le corps dans le détroit de San Pedro, selon les pompiers de Los Angeles, avant de trouver son cadavre un peu avant 15H00 (22H00 GMT), a précisé M. Bale.
Un ferry, faisant la liaison entre la côte et l'île de Santa Catalina, a été retardé le temps des recherches, et un hélicoptère des garde-côtes avait été dépêché dans la zone pour aider les plongeurs du Port de Los Angeles, qui ont découvert le corps.
Aucune information n'a filtré sur le contenu de la note laissée par Tony Scott, marié en troisièmes noces avec l'actrice Donna Scott, avec laquelle il a eu deux enfants.
"Il n'y aura plus de films de Tony Scott. Jour tragique", a écrit dans la soirée sur son compte Twitter le cinéaste américain Ron Howard.
Outre son grand succès "Top Gun" (1986) dans lequel Tom Cruise avait le rôle principal - celui d'un pilote émérite de l'US Air Force -, Tony Scott avait notamment réalisé "Jours de tonnerre" (1990), "Ennemi d'Etat" (1998) et "Spy Game - Jeu d'espions" (2001), avec Robert Redford.
Né en 1944 dans le Northumberland, en Angleterre, Tony Scott était le cadet de sept ans de Ridley Scott, le réalisateur d'"Alien" et de "Gladiator".
Après des études d'art graphique à Londres, il a fait ses armes de réalisateur dans la publicité auprès de son frère, avec qui il avait créé en 1973 la société de production publicitaire RSA.
Depuis lors, les deux frères n'avaient jamais cessé de travailler ensemble. Récemment, ils ont en particulier été coproducteurs des séries télévisées à succès "The Good Wife" et "Numb3rs" pour la chaîne de télévision CBS, et Tony Scott avait produit le dernier film de science-fiction de son frère, "Prometheus".
Virtuose de la caméra, Tony Scott s'était fait une spécialité des films d'action riches en adrénaline, de "Top Gun" à "Jours de Tonnerre", en passant par "Le Flic de Beverly Hills 2" (1987), "Revenge" (1990) avec Kevin Costner et "Le dernier samaritain" (1991) avec Bruce Willis.
Après avoir porté Tom Cruise au firmament d'Hollywood, il fera longtemps équipe avec Denzel Washington, qu'il a mis en scène dans "Man on Fire" (2004), puis "Déjà Vu" (2006), "L'attaque du métro 123" (2009) et "Unstoppable" (2010), son dernier film en tant que réalisateur.

"Trop exigeant pour vivre"



Dans quatre jours, il sera trop tard, l'exposition consacrée au poète lyonnais Stanislas Rodanski fermera ses portes. Il ne restera aucune trace des "Horizons perdus de Stanislas Rodanski", les concepteurs de l'exposition ne s'étant pas donné la peine d'éditer un catalogue malgré la richesse des documents présentés (manuscrits, correspondances, livres, revues, peintures, photographies, etc.). Dommage, celui qui était "trop exigeant pour vivre" aurait mérité un catalogue d'exposition aussi modeste qu'il ait été. Quelques photos punaisées sur un mur des influences et amitiés de Rodanski, parmi ces influences, entre Claude Tarnaud et Gérard de Nerval : celle de Jacques Rigaut. On trouve également présenté dans une vitrine le célèbre livre-objet réalisé en 1975 par le peintre Jacques Monory pour La Victoire à l’ombre des ailes : une valise de tueur à gages contenant un pistolet d’alarme, deux balles, une carte du Pacifique, et six sérigraphies illustrant l’édition sur beau papier du seul livre publié du vivant de son auteur. On rappellera que Rodanski a été exclu du groupe surréaliste en 1948 avec entre autres Sarane Alexandrian et le peintre Roberto Matta. En 1954, Rodanski entrera volontairement à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu où il demeurera jusqu'à sa mort en 1981.

8.8.12

« Unconcerned, but not indifferent »


Man Ray "Suicide" Autoportrait 1932

23.7.12

15.7.12

Un soleil noir


Stanislas Rodanski

"Ce sera, en 1975, La Victoire à l'ombre des ailes, avec une très haute préface de Gracq et des illustrations de Jacques Monory; le livre qui le fera entrer vivant dans la légende, qui en fera, avec Arthur Cravan, Jacques Vaché, Jacques Rigaut, Roger Gilbert-Lecomte, Jean-Pierre Duprey - et Antonin Artaud - un des héros noirs de notre temps." (Dominique Rabourdin)

Très bel article intitulé "Un soleil noir du Surréalisme" de Dominique Rabourdin dans La Quinzaine littéraire du 1er au 15 juillet 2012, à propos du poète Stanislas Rodanski, qui passera la moitié de sa vie reclus volontaire dans des asiles psychiatriques où il finira par mourir en 1981, à l'âge de 54 ans. Lyon, sa ville natale et de finitude, lui rend hommage avec une exposition "Les horizons perdus de Stanislas Rodanski" à la bibliothèque de la Part-Dieu, jusqu'au 24 août.
"
"Il semble que le feu ait pris aux poudres..." (Stanislas Rodanski)




26.6.12

New York, New York


 Le bateau de Jacques Rigaut

12.6.12

Le droit de s'en aller


                                       Jean Eustache

"A la vidéothèque de Paris, dans cet horrible souterrain des Halles, pour voir La maman et la putain, de Jean Eustache. Durée : trois heures trente-sept. Mais un chef-d'oeuvre. Jean-Pierre Léaud qui m'agaçait souvent dans les films de Truffaut, est prodigieux, comme le sont aussi Bernadette Laffont et surtout Françoise Lebrun. Son monologue est digne de celui de Molly, dans Ulysse. Allusion à Baudelaire, lorsque Léaud prétend qu'il manque deux articles à la "Déclaration des droits de l'homme" : le droit de se contredire et le droit de s'en aller. Jean Eustache s'en est "allé". " (Bernard Delvaille, Journal 1978-1999, p. 257.)

5.6.12

Hommage?



A la sortie du livre de Jean Teulé, je m'étais interrogé : avait-il lu Jacques Rigaut?
Je me pose la même question pour l'adaptation cinématographique de l'ouvrage de Teulé réalisée par Patrice Leconte.

1.6.12

Des nouvelles de l'AGS



"Switzerland is a country where very few things begin, but many things end." (F. Scott Fitzgerald)

Les habitants du canton de Vaud en Suisse voteront le 17 juin prochain sur l’initiative « assistance au suicide en EMS » proposé par "l'Agence Générale du Suicide" EXIT et sur le contre-projet de l'Etat.

  Initiative EXIT : «Les EMS qui bénéficient de subventions publiques doivent accepter la tenue d'une assistance au suicide dans leur établissement pour leurs résidents qui en font la demande à une association pour le droit de mourir dans la dignité ou à leur médecin traitant en accord avec l’art. 115 du code pénal suisse et l’art. 34 alinéa 2 de la Constitution vaudoise»

  L'EMS c'est quoi ? Un Etablissement Médico-Social (EMS) est un lieu de vie médicalisé offrant des prestations sociales, hôtelières, de soins et d’animation. Il peut s’agir, soit d’une institution autonome, soit d’une division d’un hôpital, destinée à l’hébergement de personnes ayant besoin de soins chroniques.

  La loi : En 2011, l'euthanasie active n'est légale que dans trois pays : les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Le suicide assisté est légal en Suisse ainsi que dans les Etats américains de l'Oregon et de Washington. Cependant, nombre de pays interdisant l'euthanasie active, dont la France, ont légalisé l'arrêt des traitements à la demande du patient, interdit l'acharnement thérapeutique et institué des initiatives d'accompagnement des patients en fin de vie.

France vs Suisse

 Les Suisses ont la chance de pouvoir choisir leur fin de vie. En France, l'hypocrisie règne, les familles et les patients sont tributaires du bon vouloir des établissements hospitaliers sans être égaux devant la mort. Des infirmières pratiquent une euthanasie passive en catimini dans la douleur et la culpabilité, parfois ce sont les familles elles-mêmes qui sont obligés d'abréger les souffrances de leur parent. La France devrait suivre l'exemple de la Suisse : proposer un référendum sur le sujet.



Un patient se donne la mort en attendant Exit PAYERNE (VD) — Un homme de 84 ans voulait mourir avec Exit. Mais il n’a pas eu la force d’attendre tous les documents médicaux obligatoires et s’est jeté de la fenêtre de l’hôpital.


C’est le drame d’un homme qui a contacté Exit pour obtenir une assistance au suicide alors qu’il était déjà au bout de ses forces. Tellement exténué qu’il a choisi de ne pas attendre que tous les documents administratifs obligatoires arrivent. Dans la nuit du 14 au 15 mars dernier, vers minuit et quart, cet homme de 84 ans, souffrant d’une grave maladie pulmonaire irréversible, s’est jeté de la fenêtre de sa chambre de l’Hôpital intercantonal de la Broye (HIB) à Payerne (VD). Il est tombé du 3e étage et a fait une chute mortelle d’une dizaine de mètres. Son fils, Alexandre Destraz, 37 ans, prof de physique et de chimie, a souhaité comprendre ce qui a mené à cette issue fatale précipitée: «Je l’ai aidé dans ses démarches auprès d’Exit, notamment pour écrire sa lettre manuscrite. Il souffrait beaucoup. Il avait peur de l’amputation et de l’étouffement. J’ai eu une très longue discussion avec lui, comme jamais, de l’ordre de la passion qui existe entre un fils et son père. Il voulait mourir, ce désir grandissait chaque jour et j’ai l’impression que l’hôpital n’a pas tout fait pour accélérer les processus administratifs.»


Il manquait une seule pièce


En clair, il manquait une seule pièce au dossier de René Destraz: un avis médical qui certifiait qu’il était en pleine possession de ses capacités de discernement pour choisir une assistance au suicide. «Et nous n’avons pas pu l’obtenir. J’ai eu l’impression qu’il y avait un blocage.» René Destraz a daté sa demande écrite de suicide assisté du 13 mars, Exit l’a reçue le 15 mars, le jour de son décès. Car épuisé, l’homme a préféré en finir lui-même. Le Dr Charly Bulliard, doyen du collège des médecins du HIB, indique que toute l’équipe médicale a été fortement marquée par ce drame. «Mais c’est notre rôle, dans les cas de demande d’assistance au suicide, de bien différencier le désir réel de mourir d’un symptôme de détresse. Et ce processus prend du temps, il ne peut se faire en deux jours.» Le Dr Xavier Dégallier, médecin adjoint au HIB, complète: «Ce patient est rentré à l’hôpital mi-février et son projet Exit a été mûri en dix jours seulement. Il était donc de notre devoir de procéder à une évaluation psychiatrique. Cette dernière a conclu qu’il souffrait d’un syndrome dépressif. Pour répondre à la question de sa réelle capacité de discernement, il fallait donc une autre expertise psychiatrique. Nous n’en avons pas eu le temps, puisque le patient a mis fin à ses jours. Et en qualité de médecin traitant du patient, je n’ai jamais refusé une assistance au suicide, mais la précipitation soudaine de la démarche souhaitée par le patient ne devait passer outre une évaluation spécialisée sur les symptômes dépressifs.»


  «Un abus de pouvoir médical»

Un récit qui fait bondir le Dr Jérôme Sobel, président d’Exit Suisse romande: «Ce patient a subi un abus de pouvoir médical et une grève du zèle de l’équipe soignante.» Il estime que ce drame est symptomatique de la problématique qui sera soumise en votation populaire en juin prochain: «Le contre-projet de l’Etat de Vaud pour l’assistance au suicide ne permettra pas d’empêcher de tels blocages institutionnels puisque c’est le médecin traitant et le personnel soignant qui devront juger de l’admissibilité d’une demande d’assistance au suicide et cela tant dans les hôpitaux que dans les EMS. L’autodétermination des patients sera d’autant plus réduite que l’évaluation d’une demande d’assistance au suicide par une équipe soignante opposée à la démarche sera problématique quant à sa neutralité, son objectivité et son délai de réalisation.» Le Dr Xavier Dégallier réplique qu’il n’appartient pas au médecin de prendre position quant à la décision de suicide assisté d’un patient. «En revanche, il ne faut pas nier que cette problématique est difficile dans le milieu médical, car il y a une confluence de valeurs différentes et ce n’est pas un lieu de vie au même sens du terme qu’un EMS. Au HIB, nous ne sommes pas opposés à Exit, d’ailleurs il y a déjà eu un cas voici trois ans: une dame a reçu une assistance au suicide, mais elle est retournée à la maison pour le faire. C’est une évolution de la médecine que nous devons prendre en compte en protégeant impérativement toutes les parties», complète le Dr Charly Bulliard. Alexandre Destraz indique d’ailleurs que son père était prêt à retourner à la maison pour mourir avec l’aide d’Exit: «Il insistait bien sûr pour que je sois présent.» La teneur symptomatique de ce drame n’est donc niée par aucune des parties qui estiment qu’il faut améliorer les processus. Ainsi, la Commission d’éthique du HIB, fondée en 2010, qui ne s’est encore jamais réunie en plénum, va prendre l’affaire en mains. «C’est un cas qui mérite naturellement réflexion. Je vais convoquer une séance, ce sera la première», assure Pierre Aeby, son président, auquel «Le Matin Dimanche» a appris le drame. Le personnel médical a également suivi des séances de débriefing sur cet événement tragique. Nadia Marchon, infirmière-chef générale adjointe au HIB, précise: «C’est un drame qui laisse des traces. Des infirmières m’ont confié qu’elles y repensent à chaque fois qu’elles pénètrent dans cette chambre.» Voici la lettre de René Destraz, datée du 13 mars dernier, tenue ici par son fils Alexandre, par laquelle il demande l’assistance d’Exit pour se suicider.

 (Le Matin) 24.03.2012

30.5.12

Enigma





Le 26 août 1923, Jacques Rigaut écrit quelques mots dans le livre d'or de la villégiature estivale où il a séjourné deux semaines. La mauvaise photocopie de la page originale ne me permet pas de déchiffrer deux mots (voir agrandissement ci-dessus), je lance donc un appel aux lecteurs du blog Rigaut pour résoudre cette énigme calligraphique. Par ailleurs, à l'instar de Cocteau et sa fameuse étoile, J.R. agrémente sa signature d'une sorte d'ex-libris ou armoiries qui ressemble à deux épées entrecroisées (voir agrandissement ci-dessus). On retrouve cette symbolique dans le Dix d’épée du Tarot de Marseille, une arcane mineure dont Jodorowsky donne l'interprétation suivante : "Le dix d’Épée en faisant pénétrer son ovale par deux épées annonce un changement de l’activité à la passivité comme l’As de Coupe." Rigaut était un joueur de cartes mais plutôt poker et baccara que cartomancie, reste donc à découvrir ce que signifie ce curieux blason. Deuxième appel...

8.5.12


Rigaut(à gauche) et Drieu (entre les jambes) au Canadel en 1921-22.


 L'émission "Mauvais genres" du samedi 12 mai sur France Culture sera consacrée à Pierre Drieu la Rochelle. L'historien et chercheur Julien Hervier qui a voué sa vie à l'étude de Drieu (et de Jünger) participera à l'émission, ainsi que Jean-François Louette qui a dirigé l'édition des oeuvres de Drieu dans la Pléiade. J'interviendrai brièvement pour tenter d'apporter un éclairage sur la relation complexe entre Drieu et Rigaut.

27.4.12



Bernard Delvaille en 1995

Lecture du (très beau) Journal de Bernard Delvaille dont les trois tomes ont été publiés en 2001 aux éditions de La Table Ronde. Le 2 octobre 1974, il évoque une rencontre avec Philippe Soupault :

"Déjeuné avec Philippe Soupault dans un restaurant de l'avenue de la Tour-Maubourg. Il aime bien le vin blanc et fume des cigarettes anglaises. Il a conservé une prodigieuse mémoire, bourrée d'anecdotes. Il me parle tour à tour de Rigaut et de Crevel, d'Apollinaire et d'Aragon. Je l'interroge sur la rédaction des Champs magnétiques et sur sa découverte des Chants de Maldoror, dans une librairie de médecine rue Monsieur-le-Prince, je crois, tout à fait par hasard. Nous décidons de faire une série d'entretiens radiophoniques sur son oeuvre personnelle et sur le surréalisme. Il est grand; son chapeau mou est cabossé; il ne se sépare pas de son parapluie."

On peut entendre des extraits de ces entretiens dans le documentaire "Portrait au revolver, Jacques Rigaut" de Stéphane Bonnefoi diffusé sur France Culture le 24 avril dernier. Le podcast du documentaire est disponible quelques jours sur le site de la radio, mais également à l'écoute en streaming durant 500 jours!

9.4.12

SAVE THE DATE



Portrait au revolver, Jacques Rigaut (écrivain dadaïste, 1898-1929)

FRANCE CULTURE mardi 24 avril 2012 - 23:00




Un documentaire de Stéphane Bonnefoi, réalisé par Céline Ters
Avec Grégoire Leprince-Ringuet, Daniel Darc, Jean-Luc Bitton
Et la voix de Philippe Soupault et de Louis Malle



« Tant que je n’aurai pas surmonté le goût du plaisir,
je serai sensible au vertige du suicide, je le sais bien » - J.R.


Ceci n’est pas un portrait. Encore moins un hommage. Mais une résurrection comme un coup de feu. De ceux qui jalonnèrent la vie de l’écrivain Jacques Rigaut.
Le feu de la première guerre. L’emprise violente de Dada. Le corps à corps fugitif avec l’écriture. Le vertige du suicide.
Jacques Rigaut n’a vécu que 30 ans, mais il a laissé sur ses contemporains, et bien au-delà, un souvenir aussi entêtant que son obsession méticuleuse pour le suicide.
Maître des aphorismes, des récits sacrifiés, Rigaut a écrit comme il a vécu : sans espoir du lendemain.
A l’âge de 23 ans, il cesse de publier ses textes.
D’ailleurs, Rigaut n’a pas écrit, il a raturé sur le vif : « penser est une besogne de pauvres, une misérable revanche. Il n’y a pas 36 façons de penser ; penser, c’est considérer la mort et prendre une décision ». Une décision que Rigaut a prise depuis longtemps…
A 24 ans, Rigaut se jette contre un miroir pour tenter de faire corps avec son double. De ce fracas, naîtra Lord Patchogue : l’homme qui « criait son propre nom lorsqu’il faisait l’amour, comme pour en frapper son adversaire, comme une seconde manière de jeter sa semence ».
Le 6 novembre 1929, après une dernière nuit blanche, il se tire une balle dans le cœur. En pur dandy qu’il fût (« le plus beau et le mieux habillé de Dada », selon Man Ray – avec qui il tourna le cinépoème Emak Bakia), Rigaut a posé le canon du revolver contre son cœur, après s’être servi d’une règle pour être certain de ne pas le manquer. Il a posé un drap de caoutchouc pour ne pas abîmer le matelas, et un oreiller pour amortir le son de la détonation. Il s’agissait surtout de ne pas rater son suicide. Rigaut avait 30 ans.

« Je serai un grand mort », avait-il écrit.

Breton, Drieu la Rochelle, Soupault, Eluard, lui consacrèrent maints récits ou témoignages, jusqu’au Feu follet que Louis Malle adapta au cinéma en 1963, et qui narre les derniers jours de la vie de ce « Chamfort noir ».

Ceci n’est pas un portrait. Mais un rendez-vous programmé avec la mort.

Avec :

* Lecture des aphorismes et des écrits de Jacques Rigaut par le comédien Grégoire Leprince-Ringuet et d’Adieu à Gonzague de Drieu la Rochelle par le chanteur Daniel Darc, grand admirateur de l’écrivain.

* Bande son du film de Louis Malle

* Archives Ina de Philippe Soupault et de Louis Malle

* Visite à Jacques Rigaut au cimetière de Montmartre avec Jean-Luc Bitton, biographe de Rigaut (et de Lord Patchogue…)

6.4.12

J-14


Rigaut et Drieu devant leur maison à Guéthary

Bernard Morlino, biographe de Berl et de Soupault évoque sur son blog l'entrée des oeuvres de Drieu dans la Pléiade.

"A l’occasion de l’entrée des romans de Pierre Drieu La Rochelle dans La Pléiade, chez Gallimard. La polémique sera au rendez-vous: pour ou contre ? Par son suicide, Drieu s’est lui-même condamné. Après avoir déjà publié son Journal (1939-1945)- qui comporte plusieurs passages d’une grande bassesse - Gallimard publie une partie de l’oeuvre romanesque qui mérite qu’on s’y arrête. Une partie de Drieu m’écoeure mais je n’arrive pas à le détester totalement car on ne peut pas classer la période de l’Occupation en deux parties, avec les bons et les méchants. A la Libération, beaucoup d’écrivains se sont confectionnés une panoplie littéraire sur mesure. Loin d’être un héros, comme le trop injustement méconnu Jean Prévost, Drieu n’a pas cessé de nous livrer toutes ses contradictions. C’est néanmoins le contraire d’un imposteur. Désespéré chronique. Excessif en tout.

“Qu’on soit pour ou contre, l’entrée de Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945) dans La Pléiade est un événement. Bien sûr, il s’agit du romancier, cet académicien du malheur. Les écrits antisémites de l’ancien pronazi sont absents de l’édition papier Bible. Ses errements politiques font encore ombrage à son œuvre. Ici, je tente un portrait de Drieu et je ne parle pas de son oeuvre romanesque alors que d’habitude je me m’en tiens pour l’essentiel au livre, mais je tiens à être juste envers Drieu. Je m’attends à ce qu’on écrive encore pas mal d’âneries à son sujet.
Et si les éditions Gallimard avaient une dette envers Drieu ? En effet, l’écrivain dirigea la NRF lors de l’épisode le plus noir de la célèbre institution, entre décembre 1940 et le printemps 1943. La présence de Drieu dans les locaux de la rue Sébastien-Bottin permit à Gaston Gallimard de faire tourner la boutique alors qu’auparavant il fut question de nommer un administrateur allemand. Le 21 juin 1940, Drieu écrit dans son Journal: “Quand à la NRF, elle va ramper à mes pieds. Cet amas de Juifs, de pédérastes, de surréalistes timides, de pions francs-maçons va se convulser misérablement". Six mois plus tard, il publiait le premier numéro de la revue où ne pouvait plus signer Benjamin Crémieux qui mourra à Buchenwald : le chroniqueur régulier de chez Gallimard n’avait jamais été un fervent de Drieu qui voyait dans l’hitlérisme un rempart pour lutter contre «les ravages que déchaîneraient un conflit final sur le sol de l’Europe entre l’Amérique et la Russie ». Le 1er janvier 1943, Drieu, directeur-gérant de la NRF, écrit dans la revue : «Je n’ai vu d’autres recours que dans le génie de Hitler». Tâche à la fois débile et indélébile. Sous son règne le sigle NRF signifiait Nouvelle Revue Fasciste… Comme il croyait que l’Allemagne nazie était en train de construire les Etats-Unis d’Europe, il misa sur la case du nazisme. Jusqu’à sa mort, Drieu ne cessa pas d’être un foyer de contradictions, égaré dans tous les courants politiques possibles, disant tout et son contraire.
A l’inverse de Gaston Gallimard qui ne fit pas la Première Guerre mondiale, Drieu est un ancien soldat de la boucherie de 1914-1918. «Si Drieu et moi n’avions pas été traumatisés par la guerre, il est évident que nous aurions consacré tout notre temps à écrire des romans au lieu de nous épuiser à trouver des solutions politiques» m’a dit son ami Emmanuel Berl avec la sincérité qui le caractérisait. Quand je l’ai questionné sur Drieu sous l’Occupation, il me confia sans l’ombre d’une hésitation : «C’est lui qui sauva la NRF ! Sans Drieu, l’empire Gallimard risquait de s’effondrer pour toujours». L’audience culturelle de la NRF était si grande que tout Paris répétait une phrase attribuée à l’ambassadeur allemand Otto Abetz : «Il y a trois puissances en France : le communisme, les grandes banques et la NRF ». La revue faisait la pluie et le beau temps dans le monde littéraire depuis sa création en 1909, sous l’impulsion d’André Gide. Drieu fut pris entre deux feux : d’un côté Gaston Gallimard avait besoin de lui pour maintenir vivante la NRF; de l’autre Otto Abetz se servait de Drieu pour diffuser la peste nazie par le biais d’une diffusion de prestige. Aux différents sommaires de la revue collaborationniste, on note les présences de : Jouhandeau, Chardonne, Ramon Fernandez, Morand, Léautaud … mais aussi de Giono, Aymé, Audiberti, Armand Robin, Henri Thomas et Fargue. Drieu fit cette remarque : «Je suis loin de croire que « Fontaine » et « Poésie 41, 42 » aient présenté des sommaires plus importants que les nôtres. (…) Toute une nouvelle génération de poètes s’est levée dans la NRF (…) Certains m’ont reproché de faire de la politique dans la revue. J’aime mieux ceux qui me haïssent pour y avoir fait une certaine politique». Présent dans la livraison de la NRF de février 1941, Paul Eluard fut, à la Libération, sans pitié pour le perdant.
Eternel insatisfait, Drieu ne se réjouit pas longtemps de prendre la place de Jean Paulhan : « La revue, la collaboration, tout cela m’embête (…) Je suis excédé par le rôle qui me faut tenir jusqu’au bout. J’ai souvent envie de me suicider tout de suite », note-t-il dans son Journal, le 17 décembre 1942. Le mois suivant, il tente un examen de conscience : « Ai-je eu tort, ai-je eu raison de me lancer dans cette petite entreprise ? J’ai certes eu tort à l’égard de moi-même (…) Le propre d’un écrivain est d’écrire et non de s’occuper de l’écriture des autres». Berl avait bien raison de dire qu’ils avaient été détournés de l’essentiel en raison de l’actualité qui devenait trop vite de l’Histoire. La NRF cessa de paraître en juin 1943 alors que Drieu s’en était déjà détournée deux mois auparavant.
La décision de pouvoir lire la prose de Drieu dans la plus prestigieuse collection Gallimard n’a pas été prise à la légère: dans un passé pas si lointain dès qu’on évoquait la pléiadisation possible de l’auteur de « Rêveuse bourgeoisie », on se ravisait aussitôt afin de ne pas heurter, par exemple, la susceptibilité d’Hervé Bazin qui espérait voir son œuvre connaître les honneurs de La Pléiade. Avec le temps, on finit par récompenser celui qui porta un temps à bout de bras la maison Gallimard. A la fin de la guerre, les écrivains du bon côté frappèrent d’interdiction la NRF mais ne réclamèrent aucune sanction contre son éditeur qui pouvait toujours éditer leurs livres. Le Comité National des Ecrivains, composé à majorité de communistes, dressa une liste noire où figurait Drieu qui se suicida le 15 mars 1945, après deux tentatives ratées: «Ma mort est un sacrifice librement consenti qui m’évitera quelques salissures, certaines faiblesses ». Berl et Malraux avaient essayé de le localiser pour l’aider, en vain. Gaston Gallimard assista aux obsèques, à Neuilly, alors que Drieu ne le souhaitait pas. L’éditeur savait ce qu’il devait au disparu sans connaître ce que confia beaucoup plus tard le lieutenant Gerhard Heller, chargé de la censure dans la France occupée: «Drieu m’a demandé de veiller à ce qu’il n’arrive jamais rien à Malraux, Paulhan, Gaston Gallimard et Aragon… » Quand la demande ne fut pas respectée, Drieu intervint pour faire libérer Jean Paulhan. Proférer des horreurs sur sa première femme, Colette Jéramec, ne l’empêcha pas de l’extirper de Drancy. Drieu n’a pas pris soin de ses proches pour plaider ensuite le double jeu. Persuadé de finir en prison ou d’être condamné à la peine capitale, le samouraï de la NRF se supprima. Sa mort violente et celle de Brasillach (fusillé) permirent à Céline, Chardonne et Jouhandeau de mourir dans leur lit.”

-Romans, récits, nouvelles
De Pierre Drieu La Rochelle
Sous la direction de Jean-François Louette, avec Julien Hervier, Hélène Baty-Delalande et Nathalie Piégay-Gros
La Pléiade, Gallimard, 1936 p., 65, 50 € jusqu’au 31/08/2012, puis 72, 50 €. MISE EN VENTE le 20 AVRIL 2012

10.3.12

des feux follets



Manuscrit du roman Le Feu follet de Pierre Drieu la Rochelle

Journée rigaltienne. Rendez-vous avec Stéphane Bonnefoi ( journaliste, producteur et biographe de Marc Bernard) sur la tombe de JR dans le cadre d'un enregistrement pour France Culture. Le gardien du cimetière Montmartre nous refuse d'abord l'entrée avec le Nagra pour une rocambolesque histoire d'ayant droit. Céline Ters la chargée de réalisation réussit à convaincre par téléphone une responsable des lieux, l'entretien se réalisera tout de même sous la surveillance d'un gardien. Rigaut devait ricaner dans sa dernière demeure. L'émission sera diffusée sur France Culture le mardi 24 avril prochain à 23H, avec des extraits des Ecrits de Rigaut lus par le comédien Grégoire Leprince-Ringuet, et Adieu à Gonzague de Drieu lu par Daniel Darc. Save the date! Je passe du cimetière Montmartre au MK2 Hautefeuille pour voir le film "Oslo, 31 août", adaptation cinématographique du Feu follet de Drieu par le cinéaste norvégien Joachim Trier, sacré défi de passer après Louis Malle... Le réalisateur norvégien relève haut la main ce défi, son film est aussi bouleversant(et anxiogène) que celui de Louis Malle. Une mention spéciale pour l'acteur Anders Danielsen Lie qui tient le rôle d'Alain Leroy/Jacques Rigaut, magistrale interprétation égale à celle de Maurice Ronet en 1963.

8.3.12

"Rendez-vous dans le jardin de l'église"


Visite du groupe dada à Saint-Julien-le-Pauvre, avril 1921,
collection Timothy Baum

Jacques Rigaut était présent ce jour-là, la preuve par l'image... Saurez-vous le trouver? Remerciements à Fabrice Lefaix.

29.2.12

Le Feu follet version norvégienne



Anders Danielsen Lie dans Oslo, 31 août


En salles le 29 février, Oslo, 31 août, deuxième film du norvégien Joachim Trier, est librement adapté du roman de Drieu La Rochelle.

Déjà adapté en 1963 par Louis Malle avec Maurice Ronet dans le rôle principal, Le feu follet de Pierre Drieu la Rochelle revient sous la direction du jeune cinéaste norvégien Joachim Trier, pour son deuxième long métrage Oslo 31 août, présenté dans la sélection officielle « Un certain Regard » à Cannes en mai dernier.

A la différence de Louis Malle qui en avait fait un héros alcoolique, Anders, le personnage de Joachim Trier, dont on devine qu’il est écrivain raté, est comme celui de Drieu la Rochelle toxicomane. Grand amoureux de littérature, citant Rilke, Anders sera engagé par un éditeur, Folio, où il deviendra secrétaire de rédaction avant de sombrer dans une mélancolie sans issue.

Publié au début des années 30, Le feu follet raconte les dernières heures d’un dandy déchu en pleine crise existentielle dont la seule issue est le suicide. Le personnage est inspiré de la vie du poète surréaliste Jacques Rigaut, qui avait imaginé la création d'une Agence générale du suicide, titre d'un de ses recueils posthumes.

Disponible chez Folio, Le feu follet de Pierre Drieu La Rochelle est regroupé le 5 avril avec une sélection de Récits, romans et nouvelles dans la bibliothèque de La Pléiade.

(Source : LIVRESHEBDO.fr)

Les critiques saluent cette nouvelle adaptation du roman de Drieu :

Le Monde

Culturopoing.com


Télérama

Artistikrezo.com

Les Echos

Libération







27.2.12

24.2.12

La Valise vide empléiadée


Drieu par Man Ray

C'est officiel, l'oeuvre romanesque de Drieu la Rochelle entre dans la mythique Pléiade dont La Valise vide (nouvelle jamais rééditée dans son intégralité) et Le Feu follet. Une consécration littéraire qui exaspère certains et qui réjouit d'autres. Parution, avril 2012.

23.2.12

Rigaut par Josset

Portrait de Jacques Rigaut par Josset en illustration d'un article de Frantz-André Burguet paru dans Le Magazine Littéraire N° 39 (avril 1970), rubrique "Le livre du mois", à l'occasion de la publication des Ecrits de Rigaut par Martin Kay chez Gallimard. Si quelqu'un possède des infos sur ce dessinateur, je suis preneur.

19.1.12

Madame Vichy


"Étoile sans lumière" 1946, Mila Parely, Marcel Herrand

L'actrice Mila Parely vient de disparaître à l'âge de 94 ans. Lors de mes recherches sur le comédien Marcel Herrand (ami de Rigaut), on m'avait conseillé de la rencontrer. Entre-temps, j'avais eu d'autres sources d'informations et avais délaissé la piste de la comédienne recluse à Vichy. Je le regrette aujourd'hui, tant la disparition de ces actrices oubliées, qui ont fait les beaux jours du cinéma français, me touche. Je me souviens avec émotion de ma conversation téléphonique avec Jacqueline Porel, fille de Jacques Porel, un ami intime de Rigaut. Je n'ai jamais osé la rappeler pour lui demander un rendez-vous.




12.1.12

SCHNOCK N° 2



p.175 Le Schnock des photos : « Rigaut & Man Ray » par Jean-Luc Bitton

5.1.12

Des nouvelles de Daniel (Bis Repetita Placent)



"Si. Je trainais avec des gens d’extrême droite. Même si je suis d’extrême gauche. Enfin j’étais… L’époque du punk, les gens s’en font une idée super cool, mais c’était pas du tout ça. Il y avait de tout, et ça se barrait dans tous les sens. Ce qui fait que tu pouvais très bien parler avec un maoïste et cinq minutes plus tard, avec un nazi. Et puis on se connaissait tous. C’est ce qui a pu se passer au Etats-Unis au tout début du bop ou même en France à Saint-Germain-des-Prés. Il y avait un truc à essayer, fallait le faire, on s’en foutait de ce qui se passait. C’est étrange. Je crois qu’avec Drieu, c’est ce qui s’est passé, d’ailleurs. Mais c’est surtout Jacques Rigaud [sic], pour moi. Comme pour Le Grand Jeu. C’est une revue avec Daumal, Roger Gilbert-Lecomte. Pour moi, ils ont un rôle assez proche de celui de Jacques Rigaud [sic], là-dedans. Daumal est plus articulé… Il y a ceux qui arrivent à s’adapter et puis les autres. C’est assez darwinien comme truc, en fait. Je sais plus ce que je voulais dire. C’est bien, parce que ça me touche, en fait… Ah oui, si, Drieu. Je l’ai connu par un mec d’extrême droite. Non, en plus c’est pas vrai, je me fais une sorte de légende, là. Je l’ai connu parce que je lisais. Mais la littérature est plus intéressante, pour moi, à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche… [...] C’est comme courir un marathon. Moi, je fais du 100 mètres. C’est aussi lié à un mec que Miossec cite pas mal, qui est Henri Calet. Je l’ai découvert, et j’ai eu l’impression de lire Céline, mais sans la haine. Et ça fait du bien. Céline, petit nerveux, un peu. Il y a toute la beauté du monde à portée de main, mais il va pas aller voir, il a trop peur et il va rester à fixer le sol en disant : « Enculé de Juif, enculé de Juif ». Il y a Rigaud [sic] aussi. Dans Le Feu-Follet, il a une chance de s’en sortir, mais il ne s’en sort pas. Je pense que si Rigaud [sic] avait pu écrire, il s’en serait sorti. Mais je ne pense pas qu’il faille privilégier ceux qui n’y arrivent pas, même si j’ai tendance à le laisser entendre, des fois. Il faut arriver à faire son truc. Mais peut-être que je suis né pour décevoir."


L'intégralité de l'interview de Daniel Darc dans HARTZINE

2.1.12

La difficulté



"Un soir, Axler prit la parole, n'ayant pas connu, réalisait-il, un public aussi nombreux depuis qu'il avait renoncé à monter sur scène. "Le suicide, leur dit-il, c'est le rôle que vous écrivez pour vous-même. Vous l'habitez ou vous le jouez. Tout est mis en scène avec soin - où on vous trouvera, et comment on vous trouvera." Puis il ajouta : "Mais il n'y aura qu'une représentation." (...) Au cinéma, les gens passent leur temps à tuer, mais la raison pour laquelle on fait ces films, c'est que 99,9 % des spectateurs sont incapables de passer à l'acte. Et si c'est si difficile de tuer quelqu'un, quelqu'un que vous avez toutes les raisons du monde de vouloir détruire, imaginez la difficulté de réussir à se tuer soi-même."

(Philippe Roth, Le rabaissement, Gallimard, septembre 2011)