27.10.13

Lou RIP



"Les stupéfiants se passent de justification." (Jacques Rigaut) 


16.10.13

Précision









Bonjour,

Dans votre billet du 12.9.13 sur Love on the Left Bank à la galerie Vu, vous écrivez : « Pour l'anecdote, certaines photographies témoignent même des dissensions internes au sein de ces mouvements, comme le détail reproduit ci-dessus du pantalon de Jean-Michel [Mension] où l'on peut lire : "L'internationale lettriste ne passera pas". »
En fait ce message n'est pas un signe de dissension interne mais un jeu de mots (no passaran !) car il faut plutôt comprendre ici que (le temps de) l'Internationale lettriste ne passera pas !
J'en veux pour preuve l'enregistrement en décembre 1956 d'Histoire de l'Internationale lettriste au cours duquel on entend les lettristes reprendre en chœur (et sept fois plutôt qu'une !) ce slogan – cf. Guy Debord, Enregistrements magnétiques (1952-1961), Gallimard 2010, page 68, et écouter vers deux minutes avant la fin de cet enregistrement sur le CD.

Cordialement,

Alexis

4.10.13

Cravan bande encore! (2)



Nous étions très impatients de nous rendre à cette soirée Arthur Cravan organisée par la revue La Règle du jeu à l'occasion de leur numéro d'octobre consacré intégralement au mythique poète-boxeur. Nous n'allions pas bouder notre plaisir, même si le choix de la revue de Bernard-Henri Lévy nous paraissait quelque peu incongru voire oxymorique, pour accueillir ce légendaire rebelle des Lettres. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse, écrivait Alfred de Musset. D'autant plus que ledit numéro avait été concocté par l'ami Bertrand Lacarelle, dont nous avions déjà lu avec beaucoup d'intérêt le dossier consacré à Cravan publié dans la NRF (N° 587) en octobre 2008, mais également ses essais pertinents sur Jacques Vaché et Arthur Cravan. Notre première surprise fut de constater ce soir-là la présence d'un public très clairsemé, mais assurément des fidèles lecteurs et admirateurs du neveu d'Oscar Wilde. Parmi les trois (quatre) pelés et un tondu, nous repérons l'ex (?) éditeur Raphaël Sorin, Olivier Corpet ex-directeur de l'Imec, Stéphane Bonnefoi, biographe de Marc Bernard. Malgré tout, on sent une tension dans l'air, comme si l'esprit de Cravan était prêt à cogner à nouveau sur Paris. Après quelques raclements de gorge et hésitations, la soirée commence avec Yann Moix qui semble lui-même très tendu. L'auteur de Podium, tente alors de donner aux spectateurs son interprétation de Cravan dans un long discours alambiqué qui laisse de marbre la maigre mais fervente assemblée des cravanologues. Une femme se lève pour partir en claquant la porte et en lançant : "Boxez les bavards!" Puis un deuxième inopportun annonce son départ bruyamment en criant : "Bonne soirée Bertrand!" Malgré ces tentatives de déstabilisation, Moix, un peu énervé tout de même, continue le fil de sa démonstration oiseuse devant une salle quasi assoupie. Au point final de son discours, Moix relève le défi que lui a lancé l'inopportun : "Il est où le connard de toute à l'heure, j'aimerais lui foutre mon poing dans la gueule", avant de disparaître lui-même dans l'ombre de l'arrière-salle. Cette fois-ci l'esprit de Cravan semble souffler sur la salle qui se réveille. Las, le scandale attendu n'aura pas lieu. Prudente, l'écrivaine Cécile Guilbert reprend le flambeau en évitant l'écueil de l'intellectualisme pour Cravan, préférant à juste titre s'interroger sur le décalage entre la monstruosité du corps de Cravan et la délicatesse d'esprit qui caractérise le poète-boxeur. S'ensuivit la projection de quelques extraits du documentaire "CravanVSCravan"de Isaki Lacuesta que nous avions déjà vu, mais qui a le mérite de montrer quelques émouvantes et seules images filmées de Cravan flirtant et boxant. A l'ouverture de la deuxième partie de la soirée, un monsieur qu'on tente mollement de repousser s'empare du micro : " J'ai les preuves qui démontrent que Cravan n'était qu'un immense charlatan!!!." Le public retient son souffle, le voici enfin le vrai scandale, Cravan ne serait qu'un vulgaire imposteur. Le mythe s'effondrerait-il sous nos yeux? Magnanimes, les organisateurs de la soirée invitent l'agité à s'asseoir et décident de lui donner la parole. Ce dernier devient subitement calme et se présente avec un accent britannique prononcé comme l'unique petit-fils d'Oscar Wilde! Incroyable coup de théâtre, l'animateur au visage cramoisi confirme que l'intervenant intempestif s'appelle Merlin Holland, et que son grand-père est bel et bien l'auteur du Portrait de Dorian Gray. En observant le petit-fils, on peut apercevoir effectivement le grand-père, une coupe de cheveux dandyesque, la même mollesse désinvolte dans le visage, mais surtout le même esprit caustique. La soirée commence alors à devenir intéressante, voire passionnante. Merlin évoque la visite de son grand-père chez Gide, et du texte qui en découla, publié par Cravan dans sa revue Maintenant, reproduit partiellement dans La Règle du Jeu, avec la version inédite et vengeresse de Gide qui relate à son tour la visite du trouble-fête Cravan. Puis, Bertrand Lacarelle interroge le collectionneur et galeriste Marcel Fleiss, grâce auquel aujourd'hui on peut admirer quelques précieuses reliques et manuscrits du poète-boxeur. La soirée s'achève avec une discussion très animée autour de la vie incroyablement romanesque de Cravan qui mériterait une nouvelle biographie [je laisse la place aux jeunes passionnés] dont l'écrivain pataphysicien Bastiaan Van Der Velden nous offre de nombreux détails inédits dans une brillante chronologie publiée dans la revue. Avant de disparaître dans la nuit germanopratine, je salue Bertrand Lacarelle et ses invités. Raphaël Sorin m'accoste pour me demander des nouvelles de l'achèvement de la biographie de Rigaut. "J'espère que je ne serai pas mort avant sa parution", me lance-t-il en souriant. 2016, c'est demain et vous me semblez en pleine forme Monsieur Sorin. Si vous avez raté la soirée Cravan, précipitez-vous dans une librairie pour acheter ou voler ce numéro cravanesque de La Règle du jeu (20 euros). Vous ne serez pas déçu : une belle présentation d'Arthur par Bertrand Hylarius Lacarelle, un entretien avec l'ange gardien de Cravan, Marcel Fleiss, un texte de Sollers qui pour une fois ne parle pas de lui, l'impressionnante chronologie par Bastiaan Van Der Velden, une amusante conversation autour de Cravan avec Enrique Vila-Matas, le texte Cravan VS Wilde de Merlin Holland, mais aussi ceux de Sébastien Lapaque, Eduardo Arroyo, Marcelin Pleynet, sans oublier les textes de Cravan himself dont des lettres inédites à son père, à sa mère et à ses "trois femmes"… La parution d'une correspondance avec l'une d'entre elles (Sophie Treadwell) est annoncée prochainement aux éditions Cent pages. La petite fille de Cravan apporte aussi un témoignage émouvant sur sa grand-mère Mina Loy et sa mère Jemima Fabienne Cravan Benedict qui avant de se suicider en 1997 enverra les archives concernant son père à tous ses anges gardiens. On trouvera également dans ce riche numéro des documents inédits dont de surprenantes photographies de Cravan en train de s'entraîner ou de combattre sur le ring. Définitivement, oui, Arthur Cravan est vivant! bien plus vivant que certains soi-disant vivants. 



Jemima Fabienne Cravan [Lloyd] Benedict (1919-1997) en décembre 1937, fille de Mina Loy et d'Arthur Cravan, photographie de Carl Van Vechten.