31.12.06

30.12.06

"Jean Eustache aimait le rien"


Portrait de Jean Eustache

J'ai déjà évoqué ici l'admiration du cinéaste Jean Eustache pour Jacques Rigaut. Dans son film mythique "La maman et la putain" Eustache rend un hommage à J.R. dans une scène où Jean-Pierre Léaud mentionne "la secte d'hérétiques dont parle Borges, je crois, et dont la qualité essentielle est dans l'ennui. Pas dans la foi, l'enthousiasme : dans l'ennui, le nul". Léaud sort ensuite une feuille manuscrite de sa poche en disant "d'ailleurs j'ai fait mon autoportrait". Les phrases qu'on peut voir sur cette page sont celles du texte de J.R., le "passeport idéal" : "Cheveux....cheveux, front...front, etc." (Merci à Greg qui m'avait signalé cet hommage pour initiés.)

L'écrivain Jean-Jacques Schuhl, ami du cinéaste, dans le journal Libération du 6 septembre 2005, faisait le lien entre le suicide d'Eustache et celui de J.R. : ""...dans le coeur comme Jacques Rigaut..." A l'occasion de la rétrospective des films d'Eustache à Beaubourg, Schuhl cite à nouveau Rigaut (merci à Jefferson Selve qui m'a envoyé l'info), dans un bel article publié dans le Libération du 13 décembre 2006. Je me dis que je devrais rencontrer l'auteur d'"Ingrid Caven"...

JEAN EUSTACHE AIMAIT LE RIEN

"Tu as bien connu Eustache, tu devrais écrire sur lui !" Celle-là, je l'ai pas mal entendue. Qu'est-ce que ça veut dire ? Les meilleurs nous restent opaques... On apprend après des choses : à 20 ans, il récitait ivre mort des poèmes dans des bars, il se promenait avec un flingue à Pigalle où il se faisait appeler Robert et allait guincher au musette... Une suite de reflets... On n'en sait pas plus après dix ans, vingt ans... On se trompe toujours... Il rêvait d'un penthouse sur la Cinquième Avenue, il était royaliste, à la fin il croyait à l'au-delà, il avait acheté à Genet un scénario, titre : La plus belle ville du monde ne peut donner que ce qu'elle a, et il lui avait filé un chèque sans provision ! Je le revois, c'est comme si c'était hier, il est là, il arrive, son pas chaloupé, la Gauloise bleue au coin des lèvres, mains dans les poches, il aimait bien Gabin, Jean, Gueule d'amour . Son Burberry... Il aimait bien Bogey aussi... et sa Gauloise bleue qu'il allume en plissant les yeux, bleus.

«J'file à Narbonne demain... T'sais... Ils s'apprêtent à détruire le café... Faut que j'tourne vite avant que...» Il avait gardé un peu l'accent de là-bas. [...]
J'ai peine à imaginer deux personnes aussi passives et capables de ne rien faire si longtemps, strictement rien, une longue torpeur dans les bars, que Jean Eustache et moi, du moins en Occident. Non ! C'est pas juste : il jouait, au baccara, beaucoup ! Et puis les filles... beaucoup... de tout : des belles, des moches, des travelos du Bois... N'importe... En rentrant fauché du baccara... Et il a fini par faire un ou deux films. Moi, très longtemps, j'ai continué à ne rien faire. Là-dessus, c'était quand même moi le plus fort, qui ai tenu le plus longtemps. C'est ce qu'il appréciait en moi, je crois, cet aspect ascétique, plus nul que lui. Et puis j'ai cédé à mon tour : il a bien fallu que je commence à vaguement m'y mettre moi aussi... Il n'était plus là, quelques autres non plus, j'étais un peu seul alors à ne rien faire, c'est difficile, je ne suis pas un héros quand même ! Je n'avais plus personne avec qui ne rien dire, ou alors parler pour ne rien dire ! Alors autant un peu travailler, comme les autres.

De toute façon il aimait le rien, le nul, le beaucoup de bruit et puis rien, les foirades, quoi ! Ça devait bien finir comme ça : une annulation. Et bien sûr j'étais complice un ou deux autres, aussi. On voulait lancer un mouvement, nous si immobiles ! Le nullisme ! Il était allé raconter ça au Nouvel Observateur au Festival de Cannes le nul, le nullisme... n'être rien ! quand il a présenté la Maman et la Putain . Au fait, j'y pense : j'y suis dans la Maman et la Putain l'ami d'Alexandre, Charles, aucun doute, c'est moi ! Il fait des trucs de potache, de carabin, débiles, décadents... Non, même pas, juste un simulacre, une velléité : il vole un fauteuil chromé de paralytique dans une cage d'escalier et l'amène chez lui où il y a sur une table un bras artificiel dans la main duquel Charles a placé une rose or terni en plastique... Oh ! So kitsch ! So camp ! So chic !... L'espèce de morbide décadent que j'étais à l'époque... Et Alexandre et Charles reprennent mot pour mot les conversations idiotes à n'en plus finir que j'avais avec Jean : vaut-il mieux manger chaud et boire froid ou manger tiède et boire chaud ou dur et froid ou tout mou... ? Ils finissent après très longtemps par trouver la conclusion : il faut manger mou et boire tiède !

Je revois le sourire éclatant sous les flashs à Cannes au palais, Jeanne d'Arc-Ingrid Bergman remettant le trophée à Jean de France, l'ajusteur électricien... Car s'il se voyait en cloche, nul, ruiné... il aurait, je pense, aimé être cloche nulle ruinée dans un palace «Au Carlyle, t'sais ! Sur Madison Av... Le Russian Tea Room t'sais ! »
Ce n'était pas un caractère... fuyant... pas net... lâche... recherchant l'inconsistance... c'est pas facile... Etait-il même cinéaste ? ! Je n'ose qu'à peine écrire ce mot, il ne lui convient pas. Il me fait sourire, si chargé d'importance, de prestige prométhéen... Il a fait des films, oui... mais... Je lui avais suggéré : «Tu devrais avoir une boutique avec sur la plaque : "Jean Eustache, cinéaste pour Noces et Banquets"» ... Alors là maintenant... quoi faire ? De la pointe mal taillée du crayon ébaucher quelques phrases qui tracent le contour d'une forme plutôt vide, presque une ombre blanche... A quoi ça avance, les souvenirs, la vie... tout ça ? ! Face à son cinéma si neutre, si blanc, toute anecdote semble un effet de mauvais goût, un rien devient haut en couleurs, pittoresque. Ses films si discrets en un sens appellent le retrait. Ou bien alors, comme il l'a fait, laisser parler les autres ?

Cher Jean-Jacques,
Voici quelques raisons pour lesquelles j'ai dédié mon film Broken Flowers à Jean Eustache : Ici, dans ma maison située au milieu d'une épaisse forêt des montagnes des Catskill, il y a la petite pièce où j'écris, et dans cette pièce se trouve une vieille table en bois dont on m'a dit qu'elle a été fabriquée il y a plus d'un siècle comme table de travail d'un cartographe, et c'est là-dessus que j'ai assemblé chacun de mes scripts ( Dead Man , Ghost Dog et plus récemment Broken Flowers ). Au mur sont épinglées des coupures de journaux (nécrologies de William Burroughs, Fela Kuti, et Jean Rouch) et quelques petites photographies (Joe Louis, Robert Mitchum, Geronimo, et Buster Keaton). Mais la seule qui est encadrée, c'est une photo de Jean Eustache sur le tournage de la Maman et la Putain que j'ai découpée dans l'article nécrologique du New York Times remontant à l'automne de 1981. Elle est accrochée tout près du coin où je travaille.
Cette photo jaunie est la raison immédiate qui m'a fait dédier mon film à Jean Eustache. Le script a été écrit très vite en deux semaines et demie, et Jean Eustache semblait, alors plus que jamais, être présent, veillant sur moi pendant que je griffonnais tout le long des nuits (j'écris à la main dans des carnets à dessins et, cette fois, la première chose que j'ai écrite a été : «Pour Jean Eustache») [...].
Pendant que je t'écris ce fax, je suis à nouveau dans ma petite pièce dans les Catskill, et là, tout près de moi sur le mur, il y a cette image d'Eustache accroupi juste à côté d'un tourne-disque aujourd'hui démodé, la cigarette dans une main tandis qu'il fait doucement un geste de l'autre, son visage en partie caché par des lunettes noires et de fins cheveux longs, toute son énergie absorbée par le beau film compliqué qu'il est en train de créer.
Jim Jarmusch

«Comme le bouchon de liège au fil de l'eau», une métaphore qu'Eustache avait un jour employée pour m'expliquer son affinité avec Jean Renoir. Et lui c'était pareil. Il a toujours filmé selon... «Donc tu te dégages/Des humains suffrages/Des communs élans ! Tu voles selon» les circonstances, les commandes, les phrases en vol, les récits effilochés des autres, les soubresauts de la mémoire. «Les choses sont là. Pourquoi les manipuler ?» Il suffit de les recomposer un peu, les rythmer, c'est tout. Cinéma de poésie ! Scribe des autres, ethnologue de lui-même. «Jamais l'espérance Pas d'orietur. Plus de lendemain Braises de satin.»

C'est Rimbaud qui continue. Et le mélange, chez Eustache, de son côté évangélique, catéchisme même, douce France, p'tits clochers, royauté, Jean de France, avec son goût pour le clandestin un peu louche m'évoque l'Enfance, Rimbaud dont le poème Mes petites amoureuses , titre d'un film d'Eustache, commence comme ça : «Un hydrolat lacrymal lave/Les cieux vert-chou...» L'enfant du film va au cinéma voir Pandora , le passage où Ava Gardner sort de l'eau, et je m'autorise cet innocent détournement en sampling : «un hydrolat lacrymal lave Ava Gardner mouillée».

Ça a été Jean le premier. Après, tout de suite, il y a eu Fassbinder et puis très vite Rassam le producteur, que j'ai nommé Mazar dans un roman, je dis ces trois-là parce qu'il se trouve qu'ils ont été proches de moi et que pour eux la vie et le cinéma ne faisaient qu'un, autant dire le réel et le rêve... Et aussi qu'ils ont fini pareil, cloîtrés chez eux sur un lit, au tournant du siècle et moi j'ai gardé, persistante, l'image, comme celle, décomposée, de l'Homme qui court de Etienne-Jules Marey, de ces trois-là, à peu de temps de distance, comme le même trois fois, mais ils ne courent plus : à plat ventre demi-nus sur le lit, les yeux vides encore rivés à un petit écran par terre, ça a été exactement ainsi, tous les trois, comme une parabole dont le titre serait : «Le Cinéma rendant les armes devant la Télévision» . Et c'est vrai, c'est de ce moment-là, j'ai songé, que le cinéma, ça n'a plus été pareil, de l'Art, des fois, sans doute, mais plus un art de vivre, un style de vie.
Louxor j'adore ! Quel rapport ce clip en tube techno-pop interprété par un chanteur dansant en collants et justaucorps pastel que les télés avaient montré et remontré ces derniers temps pouvait bien avoir avec un cinéaste janséniste qui refusait toute imagination et se reconnaissait comme maîtres Bresson et Dreyer ? je me demandais en allant à mon rendez-vous de l'hôtel Montalembert. Tout récemment alors que je préparais cet article, j'étais tombé sur une interview de Philippe Katerine, il avouait une passion pour le cinéma de Jean Eustache. Alors je lui ai téléphoné pour le rencontrer... Et sur Eustache il savait tout... Et sur ce monde d'avant et sur les films : des dialogues par coeur, et des phrases bêtes vite dites il y a longtemps, des surnoms de gens anonymes totalement oubliés étaient passés, grâce au regard, à l'oreille et à la caméra de quelqu'un, dans la tête d'une vedette electro-pop de notre ère colorée ultracellulaire. Et moi, sans doute stimulé par ce court-circuit dans le temps... je parlais... je parlais... d'Eustache... de Picq... son inspirateur, son comparse... et puis de Biaggi... qui, lui aussi, est évoqué dans la Maman et la Putain «Je suis en vert et contre tout» , il dit, vêtu de vert... enfin les bêtises qu'aimait Eustache. Philippe Katerine me regardait un peu sidéré : c'était moi qui faisais le récital...
«C'est pas tout ça, j'ai dit, mais vous ne m'avez pas soufflé mot sur Eustache.
Mais vous n'avez pas arrêté de par...
Oui d'accord mais, pour mon article, j'ai rien de vous alors j'ai une idée... Puisque vous êtes chanteur-compositeur, vous pourriez écrire une chanson sur Eustache, lui, ses films, comme vous voulez, ou même un début de chanson.» Je la collerai dans mon truc, je me disais, comme j'ai collé le fax de Jarmusch... Il a eu une expression curieuse entre l'intérêt amusé et le scepticisme. Et puis il a quitté le Montalembert avec sa valise à roulettes.

Le lendemain j'ai appelé Philippe Katerine et j'ai laissé un message, je regrettais d'avoir trop parlé : «Je suis désolé, j'ajoutais, et en plus j'ai l'impression d'avoir mis trop la pression pour obtenir de vous une chanson sur Eustache...» et que peut-être, à défaut, il pourrait me dire quel genre de chanson il imaginait, même s'il ne l'écrivait pas !
Le jour d'après, j'ai écouté mon répondeur :
«Allô, c'est Philippe Katerine. J'ai eu votre message hier... Je suis à Nantes... J'ai essayé d'écrire un peu mais en vain... Sans la musique... noir sur blanc c'est un peu difficile... Le sujet aussi est difficile... J'étais parti quand même sur ses yeux bleus... Plutôt une chanson d'amoureux sur son physique, ses cheveux longs, ses yeux bleus délavés, ses habits... Quelque chose de plutôt sensuel comme si j'étais une de ses petites amoureuses... J'étais parti là-dessus, sur quelque chose de presque érotique... Comme sur une rock star... J'étais sur ce registre... Si j'écrivais une chanson sur lui, ce serait une chanson d'amour sur son physique, ses yeux, et ce qui en émane...»

Ce qui en émane ? Son «coup du regard», comme on appelait ça avec Picq, et qui en faisait en effet craquer pas mal... La séduction. Mais il y avait un autre regard, celui qu'il avait au tournage et dont m'avait parlé Ingrid Caven qu'il avait dirigée dans Mes petites amoureuses . «Jean était là sur le plateau. On ne l'avait pas entendu venir. Il corrigeait des petits détails ici et là, presque silencieux. Regard à travers la caméra... Chuchotement à Nestor. Il semblait s'absenter, le regard s'éloignait, il nous écoutait depuis un lointain, s'abandonnant à quoi ? Nous abandonnant au "silence, on tourne" de l'assistant.» Il l'avait choisie pour incarner la mère du petit garçon (lui à 13 ans) sans la connaître, pour l'avoir vue au cinéma, c'était la Paloma , elle était Viola, chanteuse d'un cabaret interlope, phtisique diaphane et pâle comme le drap où dans le temps on projetait. Sa mère était Viola. Le petit garçon voulait, face à sa mère, retrouver les sensations éprouvées devant l'écran.

Jacques Rigaut, le poète surréaliste rédigeait ainsi sa fiche anthropométrique : «Nez : Nez ; OEil : OEil ; Bouche : Bouche ; Barbe : Barbe ; Teint : Teint» ... Il écrivait quelque temps avant de se tuer, à 30 ans, d'une balle au coeur : «Je vais vous dire une bonne chose, la perte de la personnalité, c'est la seule émotion qu'il me reste.» Ça peut se dire autrement : Jean Eustache, quelque temps avant de se tuer d'une balle au coeur, vit reclus chez lui, couché, souvent déprimé, devant la télé. Il téléphone à Maurice Pialat qu'il n'a pas vu depuis assez longtemps : «Allô ! Maurice, salut, c'est Jean... Salut ! Ecoute, je vais faire un film, et j'aimerais que tu joues le rôle de moi. Mon pauvre Jean, tu n'y penses pas ! Je vis reclus chez moi, couché, déprimé, devant la télé !» «J'essaie, disait-il, d'une réalité qui existe et qui existe indépendamment de moi, de faire non pas une fiction mais un film.» La vie devenue film ? Sa vie un film, une fine pellicule que, presque comme une décalcomanie, on détacherait de sa peau et qui en garderait la marque ? J'imagine que ce que le film lui restituait, la projection plutôt, un peu immatérielle, fantomatique, c'était sa vie, détachée, immatérielle à son tour, moins pesante, et ailleurs... Le téléphone dans une main, le revolver à deux coups dans l'autre, le magnéto, avec lequel il a enregistré tout et tout le monde, à côté... Et puis les deux coups de feu, la dernière bande continue... Le monde enfin sans lui : il avait dû souvent essayer de s'imaginer cette chose impensable : voir le monde sans soi, pur, enfin lavé de son regard.

En quittant le cimetière, la belle mystérieuse qui avait filé trop vite m'a fait penser au jeu et au hasard, à Eustache et à la roulette... «Non, c'était le baccara...» , m'a fait Picq tandis que nous marchions dans la lumière d'après-midi d'un mois de novembre. A la table de baccara, Gauloise en coin, entre ces petites vieilles habituées qu'il affectionnait... «Banco ! Carte !...» Même à 7 il tirait toujours ! Je crois qu'il aimait dire «Carte !» et puis se retrouver juste off limits ... Et souvent retour d'Enghien, seul dans le vieux car brinquebalant à quatre heures du mat', ruiné ! Oui, il m'avait dit un jour : «C'est quand je rentre après avoir tout perdu que je bande le mieux... !» «C'est quand même un sacré dilemme !» j'ai ajouté, mon vieux fond huguenot qui revenait. «Non ! m'a dit Picq sagement, comme une leçon, il faut perdre ! - Oui ! Voilà ! Toujours tirer à 7 !»

Jean-Jacques Schuhl



23.12.06

Cadeau de Noël


Jacques Rigaut au début des années 20.

Ce détail d'une photographie inédite où se trouve J.R. est un document extraordinaire qui a failli être perdu à jamais. Cette photographie non tirée se trouvait dans un sac avec d'autres négatifs, la personne qui possédait ces précieux négatifs allait tout jeter au moment de mon arrivée... Un document qui, malheureusement, ne sera peut-être pas publié dans la bio si je n'arrive pas à convaincre les ayants droit des personnes qui se trouvent aux côtés de J.R., de m'accorder leur autorisation de publication. Je trouve ce portrait de J.R. fascinant. C'est l'unique photo où on peut le voir sourire. On retrouve son regard malicieux et provocateur à l'instar de celui d'un enfant en train de faire une bêtise.

Ai retrouvé l'un des fils de Victor Crastre qui m'a indiqué où se trouvaient les archives de son père. Des archives inédites dans lesquelles j'ai pu retrouver les lettres de Jacques-Emile Blanche adressées à Victor Crastre où Blanche parle de son secrétaire Rigaut... Je remercie le journaliste et éditeur qui m'a envoyé cette correspondance.

Je vous souhaite à toutes et à tous de Joyeuses Fêtes!

15.12.06

Coup de foudre littéraire



Reçu courrier des ayants droit d'un poète surréaliste. A ma demande ils ont fouillé leurs archives et ont découvert une correspondance dans laquelle J.R. risque d'être mentionné. Un rendez-vous est pris pour début janvier. J'ai déjà évoqué ici le fantastique Journal de Mireille Havet publié par Claire Paulhan. Une biographie de Mireille Havet est en préparation. J'échange des informations avec sa biographe qui hier m'envoie par mail un précieux document qui confirme que J.R et M.H. se fréquentaient. Une brève amitié sous l'influence des stupéfiants.

Les critiques des écrits de J.R. de son vivant sont rares. La plupart des articles de presse sont posthumes. J'ai réussi tout de même à localiser un article (quelques lignes ironiques) dans "le Journal du Havre" en 1921. La Bibliothèque nationale possède la collection originale de ce quotidien régional, malheureusement incommunicable même exceptionnellement : "papier brûlé". Le papier journal vieillit très mal, il jaunit, s'émiette puis finit par tomber en morceaux. La numérisation est le seul moyen de sauvegarder ces journaux qui renferment des pépites pour les chercheurs. Reste à trouver les budgets pour réaliser cet immense chantier de numérisation. Heureusement les Archives municipales du Havre avaient microfilmé ce quotidien et viennent de m'envoyer une photocopie de l'article en question. Les instituts d'archives en province sont souvent plus souples que leurs confrères parisiens. Le chercheur en province ou à l'étranger, même pour un document, devra venir à Paris pour le consulter.

Les recherches permettent de faire des rencontres littéraires en annexe de son sujet principal. Par exemple, en m'intéressant à l'opium, je suis tombé par hasard sur la critique d'un ouvrage d'un certain Maurice Magre : Confessions sur les femmes, l'amour, l'opium, l'idéal, etc... En 1924, à propos de Maurice Magre, le Figaro écrivait : " Magre est un anarchiste, un individualiste, un sadique, un opiomane. Il a tous les défauts, c'est un très grand écrivain. Il faut lire son oeuvre." Voilà quelqu'un qui gagne à être connu.

Autre coup de coeur littéraire, plus proche de nous, l'écrivain Frédéric Berthet (1954-2003) dont j'ai parcouru les premières pages de son Journal de Trêve. Ai ressenti une proximité immédiate et foudroyante avec ses textes. Trop rare pour ne pas le remarquer.

7.12.06

Le feu sous la glace



Il y a des semaines fastes pour un biographe. Grâce à une correspondance inédite je viens de découvrir un article de Victor Crastre qui relate les derniers moments de Jacques Rigaut. Crastre est également l'auteur d'un autre article-hommage intitulé "Sur le suicide de Jacques Rigaut" publié dans la N.R.F du 1er août 1930. Suite à cet article, Crastre fut injustement et violemment pris à partie par les surréalistes qui saluèrent la disparition de leur ami J.R. par un silence assourdissant.

Pour vous lecteurs du blog Rigaut, voici un extrait de cet article : " (...) Son esprit, sa lucide, sa dure intelligence lui restaient; sa vie gardait un aliment : pur comme de la glace, mais le feu brûlant sous la glace. (...)"

Je n'avais pas lu "Jacques Rigaut est vivant!" l'article de Tristan Ranx en réaction à mon hommage filmé du 6 novembre dernier sur la tombe de J.R. au cimetière Montmartre. Ce blog d'érudit qui ne se prend pas au sérieux est à ajouter à vos favoris...




29.11.06

Date limite


La cour du lycée Louis-le-Grand par Franck Chevalier


"Choisir, c'est vieillir."
(Citation de Soupault
en exergue du premier chapitre)

"Quand on est jeune c'est pour la vie" disait Soupault. Définitivement, j'aime beaucoup Soupault. C'est François Martinet qui m'a conseillé de lire Les Dernières Nuits de Paris en précisant qu'un personnage du roman pouvait bien être Jacques Rigaut. J'ai trouvé (encore un petit miracle) un exemplaire du roman à la librairie Henri Vignes sise au 57, rue Saint-Jacques dans le cinquième. Chaque fois que je passe dans cette librairie, je suis sûr d'y trouver un livre qui m'intéresse. Effectivement dans ce roman un personnage s'appelle Jacques... Extrait : " Jacques était en effet plus avide de savoir où elle allait que de la saisir par le bras ou de lui baiser les lèvres. Je compris qu'il était enfin plus amoureux du mystére que de la femme qui courait selon son destin." Il est vrai que les traits psychologiques peuvent correspondre à ceux de J.R., mais Soupault était également l'ami de Jacques Baron même s'il voyait moins ce dernier.

Hier soir après ma visite chez le libraire, je me suis rendu au lycée Louis-le-Grand pour assister à l'élection des 20 meilleurs livres de l'année par la rédaction du magazine "Lire". En traversant la grande cour du lycée, j'ai eu une pensée pour J.R. qui fut l'élève de ce prestigieux établissement. Ai jeté un coup d'oeil sur un prospectus qui proposait entre autres une liste des anciens « magnoludoviciens » (c'est ainsi qu'on appelle les élèves de ce lycée), Rigaut n'y figurait pas. Puis debout, dans la grande salle de conférences, j'ai sagement écouté les résultats des votes. J'en profite pour féliciter Jean Echenoz (fidèle lecteur de ce blog) dont le livre Ravel a été élu meilleur "roman biographique" de l'année. En revanche pas de surprise pour le premier meilleur livre de l'année : Les Bienveillantes par Jonathan Littell. Antoine Gallimard monte sur scène pour nous dire qu'il est très content et que les ventes en sont à 600 000 exemplaires. Je trouve ça étrange cette manie en France de "surconsacrer" une oeuvre, Les Bienveillantes ont déjà reçu deux prix dont pas les moindres (Prix Goncourt et Prix du roman de l'Académie française). Je serais l'auteur, je me méfierais. Sans vouloir faire de jeux de mots, trop de bienveillance nuit. J'ai toujours trouvé l'unanimité suspecte. Je me souviens plus qui (Beckett?)(1) a dit qu'à partir d'un certain nombre d'exemplaires il y a forcément un malentendu. Une amie américaine me dit avoir connu Littell quand il était enfant. "C'était un joli petit garçon, me dit-elle, un peu premier de classe et arrogant c'est vrai, mais charmant." Je n'ai pas lu Les Bienveillantes mais j'aimerais bien prendre un verre avec son auteur pour savoir ce qu'il pense de ce succès. « Les honneurs déshonorent ; le titre dégrade ; la fonction abrutit. Ecrivez ça sur les murs. » (Gustave Flaubert) - Extrait d'une lettre à Guy de Maupassant - 15 Janvier 1879

Au cocktail, je tombe sur mon éditeur, Olivier Rubinstein qui me prend fermement le bras et m'entraîne dans un coin. Je venais de répondre à une de ses lettres dans laquelle il m'interrogeait sur la date de remise de mon manuscrit. "Alors, dites moi cher ami, vous en êtes où? vous savez une biographie c'est infini...il faut savoir arrêter ses recherches." Je lui réponds que le temps joue en la faveur des biographes. "Oui et en défaveur des éditeurs", ajoute-t-il en souriant. Tout ça est de bonne guerre. J'ai tranché en fixant une date précise et lui promets de lui rendre mon manuscrit le 1er mars 2008. Donnant donnant, il s'engage à me verser le restant de mon a-valoir. N'étant pas physionomiste, je pratique peu le name-dropping mais entre deux petits-fours je rencontre Raphaël Sorin accompagné de Raphaël Enthoven; Juliette Joste des éditions Flammarion; Christophe Claro traducteur et directeur de collection au Cherche-Midi; Franck Chevalier, Pascal Bories et Jean du magazine Technikart. En partant je visite l'exposition des portraits de Gérard Rondeau et reste un long moment devant une très dure mais très belle photo du "mendiant magnifique", l'écrivain Albert Cossery dont je suis un admirateur inconditionnel.

(1) Nota Bene : Bernard Morlino me signale que l'expression: "Au-delà de 30 000 exemplaires c'est un malentendu" est de Malraux. Merci Bernard!



23.11.06

Microfilms & photocopies


"Chaque miroir porte mon nom."
(Jacques Rigaut)

Deux journées à la Bibliothèque nationale. Je ne me ferai jamais à son architecture carcérale. On en sort épuisé. Le personnel semble lutter contre la torpeur. Plusieurs photocopies dont un poème nostalgique de Tzara dans lequel J.R. est cité. Je parcours quelques livres sur le rôle des femmes dans le surréalisme. Un rôle souvent occulté. Ai commencé à lire Gilles de Pierre Drieu la Rochelle. Dans sa préface de 1942, Drieu évoque son ami J.R.

17.11.06

La main sur soi


"Feuille de vigne" par Martin Kay

Toujours dans la classification et la lecture de ma documentation. Des amis traducteurs (Philippe Aronson et Christophe Claro) me donnent un coup de main pour les textes anglais trouvés à New York. J'en profite pour les remercier.





Je poursuis également la lecture d'ouvrages qui font partie de ma bibliographie comme Porter la main sur soi de Jean Améry. De toute la littérature suicidologique ce texte me paraît de loin le plus brillant. Extrait : " (...) d'un côté la froide indifférence de la société envers l'homme, et de l'autre le souci exalté dont il fait l'objet quand il s'apprête à quitter délibérément la fédération des vivants." Rescapé d'Auschwitz, Jean Améry s'est donné la mort en 1978 à Salzbourg.

La citation du jour : "En France, pratiquement aucun auteur ne peut gagner sa vie ; toute la chaîne du livre vit du livre, sauf l'écrivain." (Jonathan Littell, auteur du livre Les Bienveillantes, Le Monde des livres, 16 novembre 2006)

15.11.06

Paquet-cadeau







Des cadeaux de Noël ici.
Merci au groupe Venus Bogardus pour
leur hommage à Jack Rigow...

10.11.06

Art Business





Coup de fil de François Buot (biographe de René Crevel) qui me prévient qu'un exemplaire des Champs magnétiques avec un envoi de Breton à Rigaut est en vente dans le nouveau catalogue d'un libraire. Cet exemplaire a donc appartenu à J.R. Qui l'a vendu? La transparence n'a pas pas sa place dans le marché de l'art dont le commerce des livres anciens et manuscrits fait partie. Motus et bouche cousue. Une loi de l'omerta, exaspérante pour les historiens, que j'avais évoquée précédemment. Pourquoi rester dans l'opacité si l'on a rien à se reprocher?
D'ailleurs pour rassurer le collectionneur, le marchand ne mentionne t-il pas pour cette édition originale "Prestigieuse provenance". Y aurait-il des provenances moins prestigieuses? A 14.500 euros l'exemplaire, l'acheteur se doit tout de même d'être tranquillisé.

8.11.06

Synchronicité


La rue de Champigny à Chennevières-sur-Marne

Les bords de Marne

La grand-mère paternelle de J.R. possédait une petite maison à Chennevières-sur-Marne au 46, rue de Champigny. Durant son enfance Jacques passera quelques étés dans cette propriété familiale en bord de Marne, non loin des guinguettes. Aujourd'hui, le 46 existe toujours mais la petite maison a disparu, cachée par de hauts murs une villa cossue la remplace.

Certains m'ont demandé des explications sur la tombe de J.R. passée au Kärcher lors de ma visite commémorative au cimetière Montmartre ce 6 novembre dernier. Lors d'une première visite en 2004, j'avais trouvé cette tombe recouverte par les fientes des corbeaux qui nichent dans le cimetière. Le courrier (ainsi que celui de l'administration funéraire) que j'ai envoyé aux propriétaires de la concession m'a été retourné avec la mention "N'habite plus à l'adresse indiquée". Il est fort probable que cette tombe soit à l'état d'abandon... J'avais alors prévenu le conservateur du cimetière qui m'avait conseillé de remplir un dossier pour sauvegarder la tombe de J.R. Selon les réglements funéraires une concession même perpétuelle à l'état d'abandon peut être reprise par la commune après exhumation des restes des personnes inhumées. Lors de ma visite du 6 novembre, des employés du cimetière s'affairaient à nettoyer des tombes à côté de celle de J.R. Ils m'ont gentiment proposé de la nettoyer. On peut constater la nette différence (avant/après) sur les clips vidéo que j'ai tournés. Je me suis également rendu compte en ratant (encore une fois) la tombe de J.R. qu'elle se trouvait à une dizaine de mètres de celle de Guy Debord (1). J'ai souvent remarqué d'heureuses et parfois troublantes coïncidences lors de mes recherches. François Martinet qui travaille depuis 20 ans sur Philippe Soupault avec qui j'ai déjeuné la semaine dernière a remarqué également ces coïncidences inattendues qui s'apparentent au fameux concept de synchronicité défini par le psychanalyste suisse Carl Jung.

(1) Guillaume Demey m'a envoyé un e-mail pour me signaler que le Guy Debord voisin de J.R. au cimetière Montmartre est un homonyme. Effectivement, les dates ne correspondent pas. L'auteur de La société du spectacle est né en 1931 et décédé (suicidant, une balle dans le coeur comme Rigaut) en 1994. Son corps a été incinéré et ses cendres dispersées (dans la Seine?).


4.11.06

Hommage à Bernard Frank (1929-2006)




Le Nouvel Observateur
du 7 au 13 octobre 2004.
La chronique de Bernard Frank.

28.10.06

JACQUES RIGAUT 7" VINYL RECORD




JACQUES RIGAUT 7" VINYL RECORD * pressed on heavyweight vinyl * numbered limited edition includes letterpressed sleeves and art contributed by Stanley Donwood * recordings include spoken word contribution by Jean-Luc Bitton, biographer of Jacques Rigaut

TRACK LISTING:
SIDE A:
1) JACQUES RIGAUT 2) TRYING NOT TO DIE
SIDE B:
1) EPOCH ZERO 2) LORD PATCHOGUE

J.R. aurait adoré l'incongruité de cet hommage sous la forme d'un disque vinyl. Lui, le très sérieux collectionneur de choses futiles et farfelues. Un vinyl (édition limitée) qui va très rapidement devenir un "collector". Vous pouvez vous le procurer ici pour la modique somme de 6 euros...

24.10.06

American Consular Service


Détail du visa d'immigration
de Jacques Rigaut (3 janvier 1928)

Reçu ce matin courrier de New York (Thanks Clarisse!). Une grande enveloppe orange "United States / Postal Service" dans laquelle je trouve une lettre de la directrice du département "US Citizenship and Immigration Services" qui accompagne les copies des visas américains demandés par J.R. La reproduction des documents n'est pas très bonne mais toutes les informations sont lisibles sauf les photos d'identité. Je reconnais tout de même avec émotion, au-dessus de sa signature, le visage de J.R. coupé en deux...

19.10.06

A l'arrière d'un taxi



Ai acheté cette carte postale à la librairie Delamain. On notera la méprise dans l'année de naissance de J.R., imprécision de Breton dans son anthologie de l'humour noir et souvent reproduite sans vérification jusqu'à aujourd'hui... Lors du lancement du nouveau numéro de la revue "Luna Park" (numéro que distribuera généreusement Marc Dachy à tous les invités), je rencontre Alain Jouffroy que j'avais contacté il y a un an pour lui demander la source des nombreuses anecdotes rapportées dans son enquête sur Dada et le surréalisme, La Vie réinventée, livre réédité en 2004 aux éditions du Rocher. Je lui parle de cette promenade en taxi qu'il relate dans son ouvrage où Rigaut, Man Ray et Aragon assis sur la banquette arrière tiennent des propos surréalistes. "Vous avez une bonne mémoire" me dit-il.

15.10.06

Courrier


L'automne par Martin Kay.

De temps en temps, je reçois des petits mots de soutien de Martin Kay, c'est grâce à lui qu'on peut lire aujourd'hui les "Ecrits" de Jacques Rigaut parus chez Gallimard en 1970.

10.10.06

Bday Party



November, 6 2006 at CAFE RETRO - BATH - JACQUES RIGAUT 7" LAUNCH PARTY!!
Cafe Retro is hosting the launch party for Venus Bogardus' "Jacques Rigaut" 7" single. Live show and DJ sets! Food and drink! Fun Fun Fun!!! More details as we get them!

A Bath (U.K) le 6 novembre 2006, un hommage festif sera rendu à J.R. à l'occasion de la sortie du disque vinyl "Jacques Rigaut" du groupe Venus Bogardus. Pour en savoir plus, allez faire un tour sur le site du label "Patchogue Records" créé pour l'événement. On peut même y acheter le disque qui a été pressé à 500 exemplaires...

7.10.06

Prénoms composés



"Les peintres, comme les écrivains qu'il [Blanche] a aimés, c'étaient ceux qui devaient être grands un jour, un jour que lui vivait par anticipation, de sorte que ses jugements resteront vrais." (Marcel Proust)

Deux parutions qui me réjouissent. La biographie de Jacques-Emile Blanche par Georges-Paul Collet et la (superbe) monographie de Pierre-Emmanuel Martin Vivier consacrée à Jean-Michel Frank. Rappelons que Rigaut fut, de 1919 à 1923, le secrétaire particulier et l'ami de Blanche. Quant au décorateur Jean-Michel Frank, il faisait partie des amitiés mondaines de J.R. Des destins étrangement liés, ils se retrouveront ensemble dans la même clinique parisienne et Frank se donnera la mort le 8 mars 1941 en se jetant d'un building à New York où Rigaut a vécu.

5.10.06

Exhumation poétique


Philippe Soupault en 1928 par Bérénice Abbott.

Soupault a écrit plusieurs poèmes en hommage à son ami J.R. Je ne connaissais pas celui que m'a envoyé un internaute américain francophile et admirateur de Rigaut. Je le remercie pour ce cadeau inattendu que j'avais envie de partager avec les lecteurs du blog Rigaut. Un émouvant poème quand on connaît la vie de Lord Patchogue. Enjoy!


SWANEE

à Jacques Rigaut

Mes Mains tremblent
comme celles d'un brave garçon alcoolique
pour les caresses
mes cheveux tombent
comme des larmes
comme des plumes
et mes dents sont noires de colère
On voit de petits champs de courses
et de vastes champs de tabac
dans mes yeux
on voit des orangers en fleurs
des buissons de monnaie du pape
quand je ris
quand je pleure
on ne voit rien
Quatre Quatre Quatre
Ma vie est un bouton de nacre
Ma vie est un roseau chantant
Ma vie est un enfant à quatre pattes
Ces histoires que l'on racontera
sont longues
comme les fumées sans feu
Et puis il y a moi
Mes oreilles sont bien à moi
comme mes oiseaux
et posés sur le visage pour l'esthétique
On dit oui on dit non
et je me cache dans la fumée
de ma bonne petite cigarette
qui craque
et qui dit oui et qui dit non
quand j'enfile mon veston
et qu'avec toute la gravité désirable
je prends un peigne le matin
je ne regarde pas dans la glace
en disant Quel joli garçon
mais je vois une petite pendule
qui fait tac tac
et qui m'ennuie Swanee
comme le calendrier de mon grand'père.

Philippe Soupault, 'Wang Wang', 1924.
Anthologie de la Nouvelle Poèsie Française
chez Simon Kra/Sagittaire, 1924


J'ai aussitôt demandé quelques renseignements sur ce poème à un ami, amoureux de Soupault, son biographe Bernard Morlino.Il ne m'a pas encore répondu sur son titre, "Swanee", qui peut-être fait référence à la célèbre chanson de Georges Gershwin. Extraits de cette correspondance matinale :

"Oui, je le connaissais, avec un titre pareil, mais je ne savais pas qu'il était pour Rigaut. Dire que Soupault a écrit un poème sur moi...Un jour je lui ai dit si Breton et vous aviez été homos on n'aurait pas eu "Les Champs magnétiques". On se marrait bien ensemble. Il me recevait toujours à 16 h 00, la porte grande ouverte car j'étais toujours à l'heure et il se demandait comment je faisais, venant de Montmartre le voir Porte d'Auteuil. Il y a tant à dire. Dommage que tu n'aies pas connu JR. Le pire ce fut quand on est allé avec sa femme déclaré sa mort à la mairie. L'Etat civil avec NAISSANCE, DECES... Dégoût de la vie à ce moment là. Le petit bébé Soupault mort. Dix ans avec Soupault trois fois par mois, et plus quand j'écrivais sa bio. Voilà une oeuvre en soi. Un soir, il me téléphone et me dit: "Bernard je vous appelle parce que je suis votre ami. Bonne nuit. Un jour Breton a fait pareil quand j'ai quitté une amie. Et comme vous aussi..." Tu peux pas l'inventer ça. Il m'a fait du bien. J'arrête car la perte de S. c'est une plaie ouverte chez moi."

Philippe Soupault a été l'ami de Rigaut, mais également d'Emmanuel Bove dont on parle beaucoup en ce moment avec l'adaptation cinématographique (réussie) d'un de ses romans, "Le Pressentiment", par le comédien Jean-Pierre Darroussin. Bove, Soupault, Rigaut...des univers dont la proximité est troublante. En 2006, certains parlent encore d'écrivains mineurs.Minores, majores... Je préfère parler d'une famille de "désemparés" de la littérature, une cohorte d'insoumis et de réprouvés qui, comme l'a évoqué Edmond Jaloux "refusant les conditions communes du monde, se jetèrent dans une aventure de caractère absolu."




30.9.06

Intermittents de la littérature


Jacques Rigaut, Tristan Tzara, André Breton.

Revu B.M. qui m'ouvre de nouveau sa bibliothèque d'érudit. De lui une journaliste disait : "A n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, il vous renseignera sur la couleur d'un ruban d'Aimée de Coigny, la jeune captive, l'emploi du temps du prince de Ligne le 24 septembre 1873 ou les singularités amoureuses de Claude Gellée, dit le Lorrain. B.M. a souvent raison à propos des uns et des autres et se trompe rarement sur les faits et les dates. Je pars de chez lui avec de nouvelles informations et les bras chargés de livres dont les souvenirs de la peintre Alice Alicka.

Reçu mail d'une amie dont j'apprécie le soutien. Extrait : "(...) J'ai appris ce soir par la bouche de Florian Zeller (je matais Vol de Nuit, hein, j'étais pas au Flore) que la Bourse Goncourt pour les bios venait d'être attribuée à .... 4500 euros, c'est cette bourse. Je trouve même pas les mots tellement c'est gerbant. Tu vois, les trucs privés même super bien doté comme la Bourse Hachette, quand c'est Zeller *puis* Jessica Nelson qui la chopent, c'est énervant, mais bon, c'est Lagardère, c'est du mècénat, ça ne veut rien dire, c'est pas grave. Mais là c'est une bourse de recherche. Qui va servir à acheter des sacs .... Et quand même là, faut pas charrier. J'ai pensé à toi et aux gens comme toi, qui travaillent sérieusement, qui effectuent des recherches sur le terrain..."

L'argent, le soi-disant nerf de la guerre... Depuis trois ans, je travaille à temps complet sur cette biographie. Malgré les bourses et à-valoir, c'est grâce à mes fonds personnels que j'ai pu consacrer tout mon temps à J.R., qui le mérite bien. Aujourd'hui, j'ai atteint mes limites financières, avant d'être vraiment dans le rouge, je dois songer à ma "réinsertion professionnelle". Je travaillerai donc sur cette biographie à mes heures de loisir, à moins qu'un mécène ne se manifeste ou que mon éditeur décide de me salarier (ce que font les éditeurs américains avec leurs biographes) pour que ce livre paraisse dans les meilleurs délais. Ces deux éventualités étant très improbables, il me reste à trouver un job qui me permette de continuer cette entreprise biographique. "Ce qui est bon pour vous, pour moi peut n'être pas mauvais." (Jacques Rigaut)

Pour rester dans le sujet, un ouvrage sociologique sur les intermittents du livre vient de paraître. Géraldine Bois et Bernard Lahire ont enquêté pendant trois ans sur La Condition littéraire en France. Un livre probablement instructif que devraient lire attentivement ceux qui décident de la politique culturelle dans les ministères.

Pas encore fini le Cravan de Dagen, mais je suis assez d'accord avec mon ami Bernard Morlino qui m'a envoyé ce laconique mail : Arthur Cravan: "Philippe Dagen est mort noyé dans son livre" (Grassouillet) 299 euros, 17,90 pages.

Jefferson rencontré au prix Roman de la FNAC (qui met dix jours à vous envoyer un livre acheté sur leur site) m'assure que Debord mentionne Rigaut dans ses textes. Il a aperçu le nom de J.R. dans les oeuvres de Guy Debord publiées par Gallimard. Pas d'index...le Quarto fait 1904 pages...

Pour finir sur une note d'espoir, ai rencontré l'enthousiaste Jean-Baptiste Gendarme (c'est son vrai nom?), le rédacteur en chef de la revue littéraire "décapage" qui dans son dernier numéro publie un texte de Michel Déon. Rien que pour ça, cette revue à 3 euros reconnue d'inutilité publique mérite votre attention.


"C'est comme ça et je vous emmerde." (Jacques Rigaut)



26.9.06

Arthur et Philippe sont dans un bateau...



Ai reçu ce matin par la poste (merci Elsa) le roman de Philippe Dagen inspiré par les vies du poète-boxeur Arthur Cravan. Le procédé littéraire fiction biographique est un exercice séduisant mais casse-gueule... J'en suis à la page 62, je réserve mon avis la lecture achevée. Au début de son "roman" Dagen évoque les différentes thèses au sujet de la disparition du neveu d'Oscar Wilde avec cette affirmation-objection : "Arthur Cravan n'est pas mort noyé dans le golfe du Mexique." Aujourd'hui encore la mort de Cravan reste une énigme. Malgré les louables efforts de Maria Lluisa Borras qui raconte dans son livre "Cravan. Une stratégie du scandale" la brève vie du fondateur de la revue "Maintenant", on n'est pas plus éclairé. La période mexicaine de la vie de Cravan mériterait une investigation poussée. Il est impossible que "Colossus" n'ait pas laissé de traces de ses pérégrinations au Mexique. Avis aux candidats. De toutes les versions de la disparition de Cravan, j'ai retenu la plus récente et la plus poétique, celle du biographe de sa femme Mina Loy : " Cravan was so excited that he decided to test the boat that same day. While Mina waved from the pier, a breeze caught the sail and Cravan set off. She watched the boat rush toward the open sea and the sail dip out of sight. As his friends waited nervously for him to return from Puerto Angel, she grew worried. After several days, when there was no sign of him, Mina became so frightened that she could neither speak nor move. She waited for him on the beach, wrapped up in his coat. But Cravan did not return. She never saw again." ("Becoming Modern, The Life of Mina Loy" par Carolyn Burke)

On m'a souvent posé la question : quelle aurait été la vie de Jacques Rigaut s'il ne s'était pas suicidé? J'en ai aucune idée et je laisse le soin à d'autres de lui (ré) inventer une vie. Je songe à l'ami de J.R., Pierre de Massot qui refusant tout compromis a fini sa vie dans la pauvreté. Quant à Rigaut, il s'était amusé dans le texte Un brillant sujet à imaginer une machine à remonter le temps dont le héros Palentête (balle en tête?) se servait pour refaire sa vie...

Julien Cernobori, journaliste à France Inter est venu m'interviewer dans le cadre d'une émission qui sera consacrée à Emmanuel Bove et à la sortie du film "Le Pressentiment". Cette émission "L'humeur vagabonde" sera diffusée sur France Inter le jeudi 28 septembre à 20h10. L'invité sera Jean-Pierre Darroussin, réalisateur et rôle principal du film.

23.9.06

Tout (ou presque) sur Henri Calet


Jean-Pierre Baril lors de sa soutenance de thèse à la Sorbonne.

"Docteur ès Lettres avec la mention Très Honorable et les félicitations du jury, à l'unanimité." Ce 21 septembre 2006, dans une salle du service des doctorats de la Sorbonne, après quatre heures de discussions, de débats (passionnés et passionnants) et de délibérations, le jury rendait ainsi son verdict concernant la thèse du doctorant Jean-Pierre Baril. Ce titre élogieux et mérité mettait un point final à dix années de recherches sur la vie et l'oeuvre d'Henri Calet qui écrivit dans Peau d'ours son dernier livre posthume :"Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes." (Fameuse citation reprise par le chanteur Miossec dans son dernier album : "L'étreinte".) La consécration universitaire de ce travail monumental aura des suites promises par Jean-Pierre Baril : la publication de textes inédits de l'auteur de La Belle Lurette et une grande biographie attendue avec impatience par les admirateurs de Calet.

Voici quelques détails sur cette thèse et des extraits de son introduction. Merci à Jean-Pierre Baril de m'avoir autorisé cette publication.


THESE DE DOCTORAT EN LITTERATURE ET CIVILISATION FRANÇAISE
UNIVERSITE DE PARIS III-SORBONNE NOUVELLE



Titre : Henri Calet. Bibliogaphie critique 1931-2003


Volume I : L'Oeuvre d'Henri Calet
[Écrits littéraires, radiophoniques et cinématographiques 1931-2003.]
401 pages.

Volume II : L'Oeuvre d'Henri Calet
[Écrits littéraires, radiophoniques et cinématographiques 1931-2003.]
402 pages.

L'ensemble formé par les vol. I et II comprend donc 803 pages, auxquelles s'ajoutent 35 illustrations noir et blanc et couleurs.

Volume III : Le Tout sur Calet (ou presque)
[La réception critique 1934-2003.]
463 pages. 1 illustration noir et blanc.

Les trois volumes comportent donc 1266 pages auxquelles s'ajoutent 36 illustrations noir et blanc et couleurs, numérotées en chiffres romains.
Au total, par conséquent : 1266 + 36 = 1302 pages.

le jury :

Marc Dambre, directeur de thèse (université de Paris III)
Alain Schaffner, président du jury (université de Paris III)
Yves Baudelle (université de Lille III)
Dominique Rabaté (université de Bordeaux 3)
Raymond-Josué Seckel (Bibliothèque nationale de France)


Extraits de l'introduction

"L'établissement d'une bibliographie critique des écrits de Calet se justifie par une raison sans doute plus essentielle encore, qui tient à la diversité et à la grande complexité de son oeuvre. Si Calet ne fit paraître qu'une quinzaine d'ouvrages, de 1935 à sa mort, il est aussi l'auteur de 528 textes écrits et publiés de 1933 à nos jours, auxquels s'ajoutent Huit quartiers de roture, une trentaine d'inédits et de nombreux écrits radiophoniques, télévisuels ou cinématographiques. On pourrait dire à juste titre que ce chiffre n'est pas très élevé pour un écrivain qui fut aussi journaliste et homme de radio plus d'une dizaine d'années. Mais la complexité de son oeuvre ne tient pas seulement à la quantité des textes publiés ni à leur dispersion. Elle réside avant tout dans le fait qu'après-guerre, Calet n'a cessé de remanier ses articles afin de les utiliser dans les divers domaines de son activité. Telle chronique parue en périodique (parfois reprise ailleurs et sous des titres différents) constituera la matière première d'un chapitre du Tout sur le tout, d'un ouvrage inédit, d'un recueil d'articles, d'une émission radiophonique et même d'un projet de film... Si cette circulation des textes ne lui est pas spécifique - on connaît d'autres experts paresseux dans l'art du recyclage -, Calet a tout de même exercé cette pratique avec une dextérité qui m'a plusieurs fois confondu. À partir du Tout sur le tout, l'écrivain-journaliste se fait donc l'inventeur d'une nouvelle manière d'écrire et surtout de composer ses ouvrages, petite fabrique de chroniques en tous genres et à son propre usage d'où sortiront bientôt Rêver à la suisse, Huit quartiers de roture ou Les Grandes Largeurs."

"La découverte d'un fonds d'archives d'une extrême richesse, resté longtemps inexploré, et l'oeuvre même de Calet, riche de centaines de textes suivant parfois des réseaux fort complexes - ces deux éléments justifient amplement à mes yeux le désir d'entreprendre une bibliographie raisonnée. Mais j'ai aussi poursuivi ce travail pour des raisons plus personnelles puisque après plusieurs années de recherches, j'ai souhaité faire paraître quelques recueils d'articles et diverses correspondances de l'écrivain. Pour mener à bien ces projets éditoriaux, il me fallait un instrument de recherche fiable et solide, si possible complet, qui me permettrait de ne pas rééditer les erreurs du passé concernant la publication de l'oeuvre posthume de Calet. C'est donc aussi dans ce but que j'ai forgé cet outil qui n'existait pas, dont j'avais le plus grand besoin - et je mentirais comme un arracheur de dents si je disais qu'il ne m'a pas servi... Par ailleurs, préparant une biographie de l'écrivain, je me suis nécessairement penché sur diverses correspondances de Calet. Or, si la correspondance d'un écrivain permet parfois de préciser les circonstances dans lesquelles un texte fut publié, et même de temps à autre la découverte d'un périodique ou d'un texte dont vous ignoriez jusque-là l'existence, il faut reconnaître qu'en sens inverse, l'existence d'une bibliographie facilite considérablement l'établissement et l'annotation d'une correspondance. Je crois également, tout du moins dans son travail de préparation, que la tâche et le devoir d'un biographe sont ceux d'un historien. La vie d'un écrivain, certes, ne se résume pas à la somme de ses livres, de ses écrits et de sa correspondance. Mais c'est bien la moindre des choses que de savoir ce qu'un homme a fait de sa vie avant d'en commencer le récit..."




20.9.06

Exégèse





Ai trouvé à mon retour dans ma boîte aux lettres cet hommage à J.R. d'un admirateur anonyme. Un portfolio de 24 images extraites pour la plupart du blog Rigaut. Les minuscules dimensions (6 cm x 4,3 cm) de ce portfolio rappellent celles (3,5 cm x 2 cm) des cartes de visite que faisait imprimer J.R. et qu'il distribuait à ses amis. Le ou les auteurs de cet hommage m'ont également envoyé d'autres portfolios consacrés à Louise Brooks, Francis Picabia et Marcel Duchamp. Aucun indice sur l'identité de ce ou ces admirateurs anonymes sinon l"achevé d'imprimer en et sur nos presses avignonnaises le 18 août 2006". Quels qu'ils soient, je les félicite et les remercie pour cet envoi.

Profité de ma solitude en bord de mer pour relire l'essai de Laurent Cirelli : "Jacques Rigaut, portrait tiré" (Le Dilettante, 1998). Texte parfois emphatique mais touchant par sa sincérité. Les dernières lignes peuvent renvoyer à la photo de Rigaut crucifié par Man Ray : "Jacques Rigaut est un grand mort, oui, dont le cadavre sans rémission n'en finit pas de pourrir : il rachète toute la médiocrité des vivants." Dans la typologie des suicides établie par Emile Durkheim, je ne suis pas sûr que celui de J.R. rentre dans la case "altruiste".

Ai également commencé à me replonger dans l'oeuvre de J.R. Remarqué une fois de plus l'extraordinaire densité de ses écrits. Je note tous les (nombreux) détails biographiques ainsi que les extraits liés à ses thèmes récurrents comme le suicide, la lâcheté, la paresse, l'ennui, l'argent, l'amour, le sommeil...
" (...) Je suis derrière chacun des mots que je prononce." (Ecrits, Jacques Rigaut)
Même exercice pour le Feu follet de Drieu.

4.9.06

Sortie le 6 novembre



Dernier post avant de prendre l'avion. Ce beau flyer qui annonce la sortie du disque vinyl de la chanson "Jacques Rigaut" du groupe Venus Bogardus...

2.9.06

Pause et reprise


Mae Murray dans "La fiancée masquée"(1925)
film de Josef von Sternberg et Christy Cabanne.

"Je suis amoureux de Mae Murray." (Jacques Rigaut, "Littérature", mars 1922)

Merci à Jasper Vink qui m'a envoyé cette photo de Mae Murray, vedette du cinéma muet américain qui fascinait J.R. A l'instar de son ami Drieu, Rigaut a toujours eu un penchant pour les amours exogames. Plus tard, il épousera l'Américaine Gladys Barber. Passionné egalement de cinéma, il fréquentera assidûment les salles obscures et connaîtra quelques aventures amoureuses avec de jeunes actrices en vogue...

Dans la série musicale "A tribute to Jacques Rigaut", Stefano zuccalà m'informe qu'un (défunt) groupe italien "massimo volume" a dédicacé une chanson à J.R. : "fuoco fatuo" (feu follet en italen).

Ai croisé il y a deux jours Jean-Michel Ribes qui m'annonce qu'il va reprendre en mars 2008 sa pièce Par-delà les marronniers créée en 1972 au Festival du Marais et reprise à l'Espace Cardin, dont les protagonistes ont pour noms Jacques Rigaut, Arthur Cravan, Jacques Vaché...

Sinon petite pause de deux semaines au vert, sans accès au Web ni ordinateur mais toujours en compagnie de Lord Patchogue. Deux semaines de réflexion et de lectures. A bientôt.

21.8.06

L'attente


Morning Sun, 1952, par Edward Hopper.

Pourquoi des années de travail sont nécessaires pour réaliser une biographie? Voici une réponse parmi d'autres sous la forme d'un mail reçu ce matin:

"Monsieur,

La Section des archives privées est toujours en attente depuis son
courrier du 15 mai dernier relatif à votre demande de consultation et de reproduction de la thèse de ..., conservés sous la cote ... et vous tiendra informée de la réponse dès qu'elle en aura accusé réception.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations
distinguées."

Eté meurtrier



Je me souviens de ce déjeuner sur l'herbe à l'IMEC avec Claude Rameil qui est mort d'un cancer le 31 juillet dernier. Ce fut notre seule rencontre, mais j'en garde un souvenir lumineux. Nous avions un ami en commun, Raymond Cousse. Suite à ce déjeuner, je lui avais envoyé la revue littéraire dans laquelle je rendais hommage à l'auteur de Stratégie pour deux jambons. Il avait pris la peine de m'écrire : "Le 18 ème Episode m'est parvenu ce matin : je viens de terminer la lecture du dossier Cousse et je vous remercie de m'avoir procuré ce plaisir.(...)" Claude Rameil était beaucoup plus qu'un chercheur, érudit ou spécialiste de Queneau, c'était quelqu'un de bien.

Je me souviens de cette soirée à la maison d'édition Les Petits Matins où j'ai rencontré Alain Deloose qui est mort d'un cancer le 1er août dernier. Il y a des êtres avec lesquels vous avez une amitié immédiate sans blabla. Une sorte de coup de foudre silencieux. C'est ce qui s'est passé avec Alain. Dans son abécédaire, Gilles Deleuze donne une juste définition de l'amitié : "Etre sensible aux signes émis par quelqu'un." Mon grand regret, ne pas avoir été assez sensible à ces signes émis. Par pudeur, cet ami en devenir ne m'avait pas parlé de ses problèmes de santé. Alain m'aura appris une chose importante, dans l'amitié comme dans l'amour, la procrastination n'a pas sa place.

Je me souviens enfin de ma rencontre avec Bernard Rapp qui est mort d'un cancer le 17 août dernier. A l'occasion de la parution de la biographie de Bove dont il avait fait des éloges, il m'avait invité à son émission littéraire "Jamais sans mon livre". C'était la première fois que je "passais" à la télévision. J'étais terrorisé. Grâce à son soutien, je m'en étais bien sorti. C'est grâce à lui également qu'Emmanuel Bove avait trouvé sa place dans la fameuse série "Un siècle d'écrivains".

15.8.06

Bientôt sur vos écrans




Pour ceux qui auraient raté le début du film, cliquez ici.

9.8.06

"Jacques Rigaut" - A Limited edition


Annie Gardiner, la batteuse du groupe Venus Bogardus

Si vous êtes un fidèle lecteur de ce blog, vous vous souvenez certainement que j'avais mentionné dans un post précédent l'existence d'une chanson intitulée "Jacques Rigaut", écrite et interprétée par le groupe anglais Venus Bogardus. James Reich le chanteur et guitariste du groupe m'annonce par mail qu'ils vont enregistrer ce morceau en édition limitée sur vinyl. Ils ont même créé un label pour l'occasion : Patchogue Records... Pour rester dans la note, J.G. me signale un autre hommage musical à Rigaut, celui du groupe espagnol Lori Meyers avec un morceau intitulé "La vida de Jacques Rigaut". Sex, drugs & rock'n roll?

Dear Jean-Luc!
Bonjour!
We are planning to release a 7" record/single of Jacques Rigaut on Nov. 6th,
the day of his suicide. We would like you to be involved.

Would you be willing to record 1 or 2 minutes of your thoughts about Jacques
that we could put on the record, please? That would be very cool. You could
record it on a cassette or to cd and send it to us, or you could send an mp3
file if you prefer.

We are setting up the record label Patchogue Records, an it will be a
limited edition of 500 copies. We are hoping our friend Stanley Donwood
(radiohead artist) will help with the design, and also our friend Matthew
Robertson who wrote and designed the book "Factory Records, The Complete
Graphic Album" will work on type setting. It will be beautiful.

We would be pleased and honoured if you could speak for 2 minutes about
jacques and send a recording to us to go on the record. We would need to
have it before the end of August.

Naturally, we would credit you, and we might be able to pay you something
when we have sold some records. It will be good for us both.

Do you think you can help, please?
Best regards
Your friend
James

8.8.06

Insomnie


Chloé Delaume août 2004, @JL Bitton

"Les biographies ne sont là que pour ça, pour nourrir les vivants de la substance des morts, pour que leurs poumons s'enflent aux éventés secrets, un viol pour la bonne cause, une tournante nécrophile rythmée d'avidité à jamais insatiable. je me gorge de sa vie, je traque les anecdotes, je veux connaître ce mort pour que chaque ligne devienne non plus une devinette mais un livre ouvert, suintant ses vérités, ses vérités à lui (...) Les biographes sont émouvants avec leurs pelles de fossoyeurs, leurs pelles pleines de boue sèche, la sueur les larmes ça s'évapore tellement vite on n'a pas idée. On aperçoit sur les collines quand apparaît le crépuscule leurs frêles silhouettes exsangues, courbées au-dessus du rien qu'ils espèrent un trésor. Méthodiques ils le sont, parfois même scientifiques, ils pensent que les ossements recèlent un alphabet, que le carbone 14 est plus qu'un pain total, ils ont foi en l'histoire, en l'être, en l'événement. Et surtout ils pensent ferme que la mémoire existe, qu'elle peut être cernable, ils croient aux témoignages, ils recueillent de vieux mots épinglés papillons, comme si la vérité se trouvait autre part que dans le mausolée érigé page à page par celui qui repose sous leurs coups de binettes. (...)"

(Les Juins ont tous la même peau, Rapport sur Boris Vian, Chloé Delaume, Editions La Chasse au Snark, novembre 2005)