Tombe de Marcel Duchamp au cimetière de Rouen (Photo Greg)
Greg m'envoie un e-mail où il est question de la mort de Marcel, de l'Oulipo(de balle?), de Shandy, de Vila-Matas, de suicide hôteliers, de Raymond Roussel, de mon ami Jean-Yves Jouannais et d'autres...
"Salut Jean-Luc et meilleurs voeux,
J'allais t'envoyer une photo de la tombe de Duchamp quand je me suis aperçu que Fabrice Lefaix m'avait précédé.
J'avais déjà du, avant de me rendre sur place, en voir une ainsi recadrée,
parce que je fus surpris, presque déçu, de voir cette inscription noyée parmi tant de noms -
je t'envoie la mienne, prise en mars 2004
détail qui m'amuse dans la photo envoyée par Fabrice Lefaix, c'est que le point de vue montre que le photographe a marché sur la tombe - je dis ça, je suis pas superstitieux, faisant moi-même de la photo
- si tu ne connais pas l'anecdote :
"L'assassinat de Marcel Duchamp
Le meurtre, on ne le sait pas assez, doit être considéré comme un art oulipien ; c'est donc, comme l'exprime une belle formule plagiée par notre Président-Fondateur, "un art simple, et tout d'exécution". Le moment que je vous rapporte en est une preuve.
Le 1er octobre 1968, raconte Calvin Tomkins dans sa récente biographie de Marcel Duchamp (membre de l'Oulipo, ce que monsieur Tomkins ignore), Marcel et Teeny, sa femme reçurent à dîner quelques amis dans leur appartement de poche, à Neuilly, rue Parmentier. Les invités partis, les Duchamp se couchèrent ; et Marcel lut à Teeny des passages d'un livre qu'il avait acheté dans l'après-midi, chez Vuibert, boulevard Saint-Germain. C'était d'un drôle ; c'était véritablement à se tordre. Ils rirent. Riant toujours, Duchamp prit le livre et s'en alla dans la salle de bain. Où il mourut. La mort fut jugée naturelle, ce qui attira bien entendu l'attention de l'inspecteur Blognard. "Une mort naturelle" dit-il à l'inspecteur Arapède, son adjoint, "rien n'est plus suspect". Il enquêta donc, discrètement bien entendu. L'Oulipo avait, déjà, des amis très haut placés qui ne voulaient pas de scandale.
Blognard examina la scène. Il n'eut aucun mal à trouver l'arme du crime. Ce ne pouvait être qu'un ready-made. Or un ready-made était tombé à côté du cadavre : un livre. Et ce livre ? un volume de la nouvelle édition des oeuvres d'Alphonse Allais, ressuscitée par les soins diligents et assidus de François Caradec. (Selon certains témoignages, entre les pages du livre ouvert se trouvait une carte postale, une reproduction de la Joconde en Rrose Sélavy où étaient écrits ces mots : "ce n'était point lui ; ce n'était point elle." Dans la baignoire flottait une pirogue congolaise.) Le coupable était trouvé. Confronté aux fait, FC ne nia pas. Et le mobile, direz-vous, comme Arapède ne manqua pas de le faire. A cette époque, FC n'était pas membre de l'Oulipo."(conté par Jacques Roubaud dans Oulipo, Moments oulipiens, Le Castor Astral, 2004, p. 19)
et c'est un plaisir pour moi que d'évoquer Caradec, car, j'espère que vous êtes d'accord, c'est un grand biographe
- puisqu'il est question de Duchamp, je comptais vous demander : vous connaissez l'ouvrage d'Enrique Vila-Matas, Abrégé d'histoire de la littérature portative, relatant l'histoire d'une communauté - la communauté Shandy - autour de Marcel Duchamp, et comprenant tout un chapitre, Suicides hôteliers, consacré à Jacques Rigaut ? Certainement, d'ailleurs je me rends compte, j'avais oublié, que Jouannais en parle dans Artistes sans oeuvre, au chapitre qui précède celui sur Rigaut. Dans le genre biographie imaginaire, c'est pas mal. Il y est fait un beau mélange entre le suicide de Rigaut et celui de Roussel.
- j'allais terminer en citant une phrase de Scutenaire rencontrée lors de ma récente relecture de ses inscriptions, et je vois que THTH l'avait prise comme exergue pour une présentation de ton blog
Amicalement,
Greg"
http://bartlebooth.over-blog.com/