5.11.21

Demain


"Dans la chambre-refuge de la clinique du docteur La Barbinais où Maurice Ronet tourne en rond, le spectateur assiste à la chute de divers objets – une planche contact qui se décroche du mur, une pile de paquets de cigarettes qui s’écroule comme un jeu de cartes, un trench Burberry qui tombe dans la penderie – autant de métaphores de l’effondrement intérieur qui ronge Alain Leroy. Après avoir joué avec son Luger, Alain se met au lit et nous prévient : « Demain, je me tue. » Le lendemain matin, le monde extérieur paraît hostile à son égard : les klaxons des voitures dans les embouteillages, une course de cyclistes qui le frôle, un taxi qui freine brutalement. Tout au long du film, comme dans le trucage cinématographique de la transparence, la ville et ses habitants semblent être un décor flou sur lequel Ronet se détache en premier plan. Il voit monde extérieur à travers la vitre d’un aquarium. Pour Alain Leroy, le monde des vivants est celui des morts. Pour le monde des vivants, il est déjà mort. « Pauvre garçon ! Lui qui était si vivant ! », s’exclame la standardiste de l’hôtel du quai Voltaire. « T’as l’air d’un cadavre », lui dit Jeanne (Moreau). « Je vous présente un revenant », lance Solange Lavaud (Alexandra Stewart). Maurice Ronet est littéralement habité par son personnage et porte le film sur ses épaules. Dans une scène crève-cœur où Alain Leroy demande à son ami Dubourg de l’aider à mourir, Ronet a les yeux vitreux, le regard d’un noyé, insoutenable pour son partenaire qui baisse la tête. » in Jacque Rigaut, le suicidé magnifique, Gallimard, 2019.