Un pressentiment
J'espérais naïvement qu'il vive jusqu'à la parution de la biographie de J.R. qu'il aurait aimé lire. L'écrivain Julien Gracq vient de mourir à l'âge de 97 ans. Etrangement, je relisais avec émotion, hier soir, la lettre qu'il m'avait envoyée, dans laquelle il répondait à mes interrogations au sujet du personnage de son roman, Un beau ténébreux. Son écriture en pattes de mouche ressemble à celle de Beckett. Une écriture ramassée, fine et régulière, discrète, comme si son auteur s'excusait de vous écrire. Pour écrire à Julien Gracq, il suffisait de mettre son nom accolé à celui de Saint-Florent-le-Vieil (où il était né et vivait retiré) et le code postal. Le facteur ne se trompait jamais. D'après une dépêche, Gracq aurait succombé à une hémorragie digestive. Dernier clin d'oeil ironique, lui qui écrivit un essai sur la déliquescence du milieu littéraire, intitulé : La Littérature à l'estomac.
" (...) Je ne saurais guère vous dire plus là-dessus, d'autant plus que le temps efface pour l'auteur les origines du livre. Nul doute que votre biographie m'apprendra beaucoup, je vous en remercie d'avance. Julien Gracq" (Lettre du 25 août 2005 à JLB)