8.2.09

La-ti-ni-sm & dantzigisme




Merci aux latinistes qui pourraient me confirmer la traduction de cette citation évoquée par Jacques Rigaut dans une lettre : « Dillectissimae Rosae Jlus, cujus per dulce auspicium et benignam autoritaterm nihi concessum fruit non esse alteri ameris » Traduction proposée : "Julius à sa rose la plus délicieuse pour laquelle le doux espoir et sa bienveillante autorité ne concèdent rien d'amer pour autrui." (Merci à Sophie)

Lecture picorette cette nuit dans le Dictionnaire égoïste de la littérature française de Charles Dantzig que je conseille pour lutter contre les insomnies. A la lettre B comme "Biographies", Dantzig donne son avis sur le genre :

" On n'a pas le temps de lire toutes ces biographies de 800 pages. Il faut vivre, tout de même." ça dépend de la vie en question, même si je suis d'accord sur le fait de privilégier la vie vraie et qu'il vaut mieux ne pas tirer à la ligne quand on écrit une biographie.

"Si les biographies étaient des romans, on arrêterait bien souvent de les lire à la page 12." ça manque de clarté, les meilleures biographies sont surtout celles qui se lisent comme des romans.

"Si la critique littéraire, c'est le mariage forcé, la biographie, c'est le mariage interminable." amusante et pertinente métaphore, mais le divorce vient à la parution.

"Et le plaisir de la vengeance : je me tue depuis des années à accumuler de la documentation au fond des bibliothèques à éclairage tuberculeux, et je ne la resservirais pas en entier ? Ils [les biographes] ressemblent aux parents qui laissent leurs enfants hurler dans les trains pour que les autres subissent autant qu'eux." hilarante comparaison finale, mais un peu de respect tout de même pour la partie ingrate du travail de biographe. Il faut bien que quelqu'un retrousse ses manches et mette les mains dans le cambouis comme on dit. Qui le ferait sinon? Il faut être très passionné et un peu fou d'ailleurs pour le faire. Quant à l'édition intégrale des documents, c'est au biographe de juger de leur importance pour le lecteur qui peut aussi sauter des pages.

"Les biographes d'écrivains se privent trop de l'analyse littéraire." ça dépend de l'analyse, certaines sont littéralement assomantes, terrain glissant, dans le doute on s'abstiendra, biographe et essayiste ne font pas forcément bon ménage.

"Que les biographes ont souvent un tempérament de détective privé, on le voit à l'indifférence avec laquelle ils reproduisent les plus dégoûtants détails, comme, dans la vie de Rimbaud par Lefrère, l'expertise médicale consécutive à l'arrestation de Verlaine qui venait de tirer sur Rimbaud à Bruxelles : elle précise le diamètre de sa dilatation anale. Quelle précision dans l'enquête!" flagrant délit d'injustice (et de mauvaise foi) pour le monumental travail de Lefrère, j'ai lu les 1200 pages de la biographie de Rimbaud et ne me souviens pas de cette précision certes scabreuse, comme quoi on ne retient que ce qu'on veut bien retenir.

"La biographie d'un biographe serait triste, car, à côté de la banalité de la vie propre à tout homme excepté quelques aventuriers, il manquerait cette chose enthousiasmante que laissent les bons écrivains, leurs livres." je ne me permettrai pas de généraliser ma propre vie, de plus il y a des vies d'écrivains plates et ennuyeuses et vice versa. On m'a annoncé hier soir qu'une biographie de Frédéric Beigbeder était en préparation...

Bref, la lecture de Dantzig est jouissive et en même temps irritante. Jouissive pour le côté érudit de l'entreprise et sa tonalité impertinente. Irritante parce que le lecteur sensible se rend compte au fil des pages que l'auteur "fait le malin". A malin, malin et demi.

P.S. : Henri Michaux ne souhaitait pas que ses livres soient publiés en poche. La parution du Dictionnaire égoïste de la littérature française en poche lui donne raison. Il faut être motivé ou courageux pour lire ce pavé de 1142 pages imprimé avec une très petite police et une encre qui semble disparaître une page sur deux. On ne félicite pas Le Livre de Poche & Grasset, ni l'auteur qui a validé cette impression. Le lecteur désargenté mérite plus de respect.