28.3.08

Acharnement judiciaire



La cause de la mort de Chantal Sébire est mieux connue. Elle a absorbé un barbiturique - du pentobarbital -, a révélé, hier, Jean-Pierre Alacchi, le procureur de la République de Dijon, en présentant les conclusions des analyses toxicologiques pratiquées sur le corps de Chantal Sébire. Atteinte d’une tumeur incurable qui lui déformait le visage, et retrouvée morte le 19 mars à son domicile de Plombières-lès-Dijon, cette femme de 52 ans avait auparavant sollicité de la justice, en vain, le droit d’avoir recours à l’euthanasie. «Le pentobarbital est un barbiturique d’action rapide, non utilisé ou d’une façon tout à fait marginale, en milieu médical. […] Il est en fait d’usage en milieu vétérinaire», a précisé le magistrat. Ce produit a été, par exemple, utilisé par l’association suisse Dignitas qui «aide» des personnes en fin de vie à mourir.

Selon les conclusions, les traces de pentobarbital ont été retrouvées «en grande quantité dans l’estomac de Mme Sébire, ce qui signifie qu’il a été absorbé par voie orale. Des traces de ce produit ont été retrouvées dans un verre et sur une cuillère». La quantité absorbée était trois fois supérieure à la dose mortelle, ce qui ne laisse planer aucun doute sur le caractère volontaire du geste de Chantal Sébire. Le procureur a aussi indiqué qu’il avait aussitôt informé la famille de la victime, dont le corps a été incinéré mardi.

Les interrogations portent maintenant sur la façon dont elle s’est procuré le pentobarbital, peu utilisé dans l’univers médical et qui n’est pas délivré en pharmacie. De ce point de vue, seule l’enquête judiciaire semble en mesure de déterminer de quelle manière Chantal Sébire a obtenu de quoi mettre fin à ses jours. Dans Le Monde, le procureur de la République de Dijon a confirmé qu’il entendait poursuivre «l’enquête pour rechercher les causes de la mort. […] Nous allons entendre de nouveau les membres de la famille, voire d’autres personnes si l’enquête en démontre l’utilité». Le cadre juridique pourrait être la «provocation au suicide». Néanmoins aucune enquête préliminaire, et encore moins d’information judiciaire, n’est pour l’instant envisagée, faute d’éléments matériels sur l’identité des personnes qui auraient pu fournir du pentobarbital à Chantal Sébire. L’avocat de celle-ci, par ailleurs vice-président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, a estimé que cette volonté d’enquêter sur les causes de la mort «ne (lui) paraissait pas du tout adaptée à la situation». «Il faudrait refermer le dossier de Mme Sébire et ouvrir celui de l’euthanasie pour en discuter dans le cadre d’un débat de niveau national», a aussi déclaré Me Gilles Antonowicz.

Sur l’opportunité de poursuivre l’enquête, Jean-Pierre Alacchi a indiqué, toujours dans Le Monde, que «la justice, dans cette affaire, ne cherche à faire que son travail, ni plus, ni moins. Je rappelle qu’une décision de justice a rejeté la demande de suicide médicalement assisté présentée par Mme Sébire. Il est donc légitime de savoir si une infraction pénale a été ou non commise, si le droit a été respecté». (Source : Libération du 28 mars 2008)


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