30.3.05

L'archiviste


Henri Berr, à l'âge de 91 ans, à son bureau.

Mon enthousiasme concernant les archives nationales est vite retombé. Au bout de deux journées de vaines recherches, me suis adressé une énième fois à la dame qui trône derrière le bureau central. Je lui demande de me guider dans ce labyrinthe kafkaïen où tout est classé de façon abstraite avec des chiffres qui renvoient à des registres qui eux-même renvoient à d'autre chiffres... Elle me dévisage derrière ses lunettes avec un air moqueur. "C'est quoi ce ton geignard", me dit-elle. Je reste calme malgré mon envie de lui envoyer une pique sur son air pincé et condescendant. Après le petit sermon, elle m'explique enfin comment arriver à mes fins, c'est-à-dire tenter de retrouver quelques bribes de la vie d'un homme dans des tonnes de paperasse administrative. Je la prends en faute (avec un plaisir non dissimulé) sur un défaut qu'elle doit connaître. "Vous parlez trop vite", lui dis-je. Rougissante, elle ralentit alors son flot de paroles qu'elle doit répéter chaque jour que Dieu a fait. Je commence à compatir. Elle a dû sentir mon élan de tendresse car elle se détend, devient plus amicale et finit par m'ouvrir ses trésors d'archiviste principale. Nous nous quittons avec un sourire complice.

"Souvent Guérin m'horripile. A quoi bon s'amuser à chercher qui se cache derrière la figure de cet agent général d'assurances! N'a-t-on pas décrété qu'un biographe finit toujours par faire, à travers son modèle, son propre portrait?" (31, allées D'amour, Raymond Guérin 1905-1955 par Jean-Paul Kaufmann, éditions La Table Ronde, 2004)

"Je suis dans les assurances. C'est un métier idiot, mais il laisse pas mal de libertés." (Raymond Guérin)