5.3.05

Le nerf de la guerre

Un article du Monde m'a fait sourire jaune. Déjà le titre : "Ces poètes qui réussissent à vivre de leurs mots". Les poètes en question déclarent des revenus de smicard, "revenus annexes à l'écriture, notamment les ateliers". On n'en saura pas plus sur la teneur de ces revenus annexes, sinon que pour le journaliste du Monde "la meilleure des solutions est sans doute la résidence". Dans le titre, j'aurais remplacé le mot "vivre" par "survivre", car, pour qui connaît le coût de la vie à Paris (voire ailleurs...), comment peut-on "vivre" aujourd'hui avec l'équivalent d'un smic ? On survit, c'est tout. Je conseille aux donneurs de leçons de méditer cette citation de J.R. « Ce qui est bon pour vous, pour moi peut n'être pas mauvais. Je veux avoir tout ce que vous avez, je veux avoir tout ce que vous voulez avoir. Avant vous, s'il en reste ! »

On me pose souvent cette question (pertinente) : "Mais comment tu fais pour vivre?" Réaliser une biographie demande beaucoup de temps (entre 4 et 7 ans), d'argent (voyages, achat de documentation, photocopies, etc.) et d'énergie, surtout quand on choisit un auteur dont on ne sait rien ou presque. Pour la biographie de Bove, j'aurais pu ajouter à la longue liste des remerciement l' Assedic, grâce à laquelle j'alternais contrats et périodes de liberté indemnisée à la manière d'un intermittent du spectacle littéraire. Pour l'heure,comme beaucoup je me "débrouille" entre les très temporaires subsides glanés de-ci (bourses ministérielles), de-là (à-valoir) qui me permettent de me consacrer pleinement à mes recherches, mais pour combien de temps encore? Aux Etats-Unis, les éditeurs, paraît-il, salarient les biographes. En France, la plupart des biographes sont des universitaires qui transforment leur thèse en biographie, d'autres sont journalistes ou enseignants en congé sabbatique. Les autres sont des chercheurs indépendants, des navigateurs solitaires qui s'embarquent par passion sur un fragile et précaire navire pour une longue et dangereuse traversée vers une destination inconnue. Ils ne connaîtront pas de répit tant qu'ils ne seront pas arrivés à bon port. Vogue la galère!